La Revue du Cinema (1931)

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— ...et amère. Il faut avoir chèrement acquis cette expérience pour savoir manier les événements, et les juger avec mépris pour les dominer. Elle avait compris. Elle approcha une chaise. — Quelle idée vous vous faites de l'existence ! Tous ceux qui entrent ici s'imaginent qu'on n attendait qu eux. Ils émettent tous des prétentions extraordinaires et puis après, c'est incroyable, ils menacent de faire intervenir la police Vous-même... Et elle suivait avec le boutade son doigt le contour de son genou. ...vous comme les autres. Evidemment c'est un point de vue! — Je ne voulais en aucune façon manquer au respect qu'on doit aux dames ! expliqua-t-il. Mais il n'était pas à l'aise. Cette créature peinturlurée posait des problèmes auxquels il n'apportait pas sa pénétration coutumière. Sur ce, les genoux de Rosa Frclich se trouvèrent pris entre les siens. Elle sentit qu'elle était sur le point de lui déplaire et prit aussitôt un visage calme et raisonnable. — Laissons plutôt toutes ces bêtises et soyons sérieux ! Comme il ne répliquait rien : — Le vin était-il bon? C'est justement un cadeau de vos jeunes élèves. Ils s'y connaissent fort bien, vous dis-je. Elle remplit encore une fois le verre d'Unrat et, pour le flatter : — Laissez-moi rire : quand ces gamins reviendront ici et constateront que vous avez bu tout leur vin ! J'en suis arrivée à me réjouir parfois des déconvenues des autres. On devient ainsi ! — Mais oui, balbutia Unrat. Et tout en brandissant son verre, il rougisfait d'avoir bu le vin de Lohmann. Car l'élève qui avait payé ce vin était bien Lohmann. Lohmann était venu à « l'Ange Bleu », il avait dû s'échapper avant les autres. Vraisemblablement il était encore dans les parages. Unrat jeta un regard vers la fenêtre, le rideau gardait toujours l'empreinte indéc se d'un visage. Il savait que s'il s'élançait, le visage aurait disparu. Mais c'était bien celui de Lohmann : Unrat en avait la certitude profonde. Lohmann, le plus perverti — avec sa résistance opiniâtre — et qui ne 1 appelait même pas par son nom. II était l'esprit invisible contre lequel Unrat livrait bataille. Les deux autres n'étaient pas des esprits, et Unrat sentait que seule, son influence l'avait déterminé à commettre cette action extraordinaire, à venir s asseoir dans une pièce d'arrière boutique, chez la Rosa Frclich, parmi les relents des parfums et des robes capiteuses. Et de par la volonté de Lohmann, Unrat devait y rester. S'il s'en allait, Lohmann prendrait sa place et contemplerait la figure multicolore de Rosa Frclich, tirant sa chaise à elle... A la pensée que, Dieu merci ! tout cela était exclu, Unrat d'un seul trait but le contenu de son verre. Une chaleur bienfaisante se répandit dans tout son corps. Dans la salle, Kiepert et Gtste avaient poussivement terminé le numéro suivant. Maintenant, le piano sonnait un air martial et, aussitôt, les deux voix entonnèrent avec conviction une chanson qui grondait d'enthousiasme patriotique : Le drapeau noir, blanc et rouge Du mât de notre navire Se déploie avec fierté. Malheur à l'ennemi qui le menace ! Rosa Frclich dit : — C'est leur numéro à effet, vous devriez voir ça. Pour se mettre avec Unrat à l'abri des regards de» spectateurs, elle entr'ouvrit précautionneusement la porte, puis le laissa regarder par la fente. Il vit l'homme et la femme, drapés dans un chiffon noir, blanc, rouge, dehout, aggrippés à une barre de fer et qui, hardiment campés devant un mât, ouvraient largement leurs mâchoires, en „igne de victoire : Le drapeau noir, blanc et rouge... La salle était soulevée par un enthousiasme profond. Çà et là, des mains calleuses s'entrechoquaient dans un délire hrûlant. Cn avait du rral, après chaque strophe, à retenir les applaudissements. A la fin du numéro, Unrat avait la gorge serrée. Rosa Frclich, derrière la porte, fit un geste large qui embrassait toute la salle. — Dites-rroi un peu si ce ne sont pas de vrais singes laurés, et si le dernier d entre ces gens ne chanterait pas cette chanson de marin mieux que Guste et Kiepert. Ils n'ont pas de voix, pas d oreille, et par-decsus le marché une prétention ! Dites-moi un peu ! Unrat approuva. Ils se penchèrent tous deux et jetèrent dans la salle un regard dédaigneux. — Maintenant, faites attention à ce qui va se passer, dit-elle en insinuant soudain sa tête dans la porte, a\art rrc'rre oue les deux autres aient commencé leur bis. — Hohohohoho ! fit-on au dehors. — Avez-vous entendu? interrogea-t-elle, toute réjouie. Ils me couvent des yeux pendant toute 76