La Revue du Cinema (1931)

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sûr que vous avoueriez aussitôt que vous le connaissez. Alors, mademoiselle Frolich, dois-je~vous le montrer? — Je serais ravie. Il porta la main à sa redingote, rougit, ramena sa main vide, fit un dernier effort... enfin, appliquée comme une enfant penchée sur les lettres de l'alphabet, elle lut les vers de Lohman. Puis exaspérée, elle déclara (1) : — Mais c'est une infamie ! Puis, après avoir réfléchi : — Mais il n est tout de même pas aussi bête que je pensais. — Vous voyez bien que vous le connaissez ! Elle, très vite : — Qui dit cela? Non, mon p'tit, vous ne m'y prendrez pas aussi facilement. Unrat lui jeta un mauvais regard. Soudain, il tapa du pied; ce mensonge persistant lui faisait perdre contenance. Sans y prendre garde, il se mit à mentir lui-même : — Je le sais. Je l'ai vu de mes yeux. — Alors, tout est pour le mieux, fit-elle avec calme. Au reste, je voudrais bien maintenant'faire sa connaissance. Elle se pencha tout à coup vers Unrat et, glissant ses doigts légers sous son menton, entre'les fils de sa barbe clairsemée, elle minauda : — Présentez-le-moi, voulez-vous? Elle éclata de rire. Unrat avait 1 air aussi angoissé que si, de ses doigts légers, elle eût tenté de s'étrangler. — Vos élèves sont très émancipés. Sans doute, leur maître leur donne-t-il l'exemple? — Lequel de ces jeunes gens préférezvous? demanda Unrat avec un incompréhensible intérêt. Elle lâcha prise et retrouva une expression calme et raisonnable : — Mais qui vous dit, après tout, que j'accorde mes préférences à l'un d'eux? Si vous saviez combien, entre nous, j'abandonnerais volontiers tous ces jeunes gens pleins d'eux-mêmes pour un homme d'âge plus mûr, qui ne pense pas seulement au plaisir, mais aussi aux choses du cœur, aux réalités de la vie... Mais les hommes n'y connaissent rien, ajouta-t-elle avec une pointe de mélancolie. Kiepert et Guste étaient revenus. La femme interrogea avant même de reprendre haleine : — Eh bien! comment s'est-il comporté? Mais le piano passait déjà au numéro suivant. — A nous le plaisir ! Et Rosa Frolich, toujours plus bariolée, posa un châle sur ses épaules. — ■ Vous rentrez déjà? Je le conçois d'ailleurs; ici ce n'est pas le paradis. Mais il faudra revenir demain, sans quoi vous pouvez vous dire que vos élèves renouvelleront leurs extravagances ! Et elle s'en alla. Unrat, dérouté par cette conclusion, était resté sans mot dire. Kiepert ouvrit la porte. — Suivez-moi, et vous sortirez sans encombre. Unrat le suivit autour de la salle, se fraya un chemin qu'il n'avait pas su trouver pour venir. Un peu avant la porte, l'artiste disparut. Unrat aperçut encore une fois, dans le lointain, des bras, une épaule, et, par delà la fumée, par delà le tumulte, dans un tournoiement de couleurs vives, une chair violemment éclairée. Maintenant, il était sorti de la salle. L'aubergiste réapparut avec la bière; il s'écria : — Bonsoir, M'sieur le Professeur! Et faites-nous bientôt l'honneur de revenir! Unrat, désorienté, attendit encore un moment sur le seuil. Sa tête s'était soudain rafraîchie au contact bienfaisant de l'air, et il pensait que, sans le vin, sans la bière, il n'aurait jamais vécu les heures de cette étrange aventure... 11 fit quelques pas dans la rue, et reçut un choc : trois ombres rôdaient contre le mur de la maison. Il reconnut à travers ses lunettes Kieselack, Von Ertzum et Lohmann. Unrat fit volte-face. Il entendit derrière lui le rythme d'une respiration qui soufflait de la plus large de ces trois poitrines, celle d'Ertzum, qui soufflait un vent de révolte; puis il entendit la voix grasseyante de Kieselack : — Quelle pourriture (0 il doit y avoir dans la maison dont iV vient de sortir. Unrat se redressa d'un seul coup. Il grinçait des dents, frémissant de colère et d'inquiétude. — Je vous fracasserai tous ! Demain, je vous le jure, je vous aurai dénoncés ! Personne ne répondit. Le silence était menaçant. Unrat fit encore deux ou trois pas à droite, à gauche; puis, tandis que Unrat frissonnait à chaque syllabe, Kieselack articula lentement : — ■ Nous aussi ! * * * (1) Les vers de Lohmann, mentionnés au chapitre II. sont assez injurieux pour Rosa Frolich. C'est son ami Von Ertzum qui est épris de l'artiste. (i) Unrat en allemand. 78