La Revue du Cinema (1931)

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CHAPITRE VII Huit heures un quart et Unrat n'était toujours pas là. Il régnait dans la classe, stupidement avide de jouir de ce moment de liberté, un tumulte assourdissant. — Unrat ! Unrat ! criait-on de toutes parts sans savoir encore pourquoi. Les uns répandaient la nouvelle de sa mort. Les autres affirmaient qu'il avait enfermé sa servante dans un cachot où il la laissait mourir de faim, et que pour l'heure il se trouvait à la maison de force. Lohman, Ertzum et Kieselack gardaient le silence. Unrat tout à coup gagna l'estrade. Il marchait à pas lents et se laissa tomber avec précaution dans son fauteuil, comme si toutes ses articulations lui faisaient mal. De nombreux élèves, n'ayant pas encore remarqué sa présence, continuaient à hurler : « Unrat ! Unrat ! » Mais Unrat paraissait attacher peu d'importance à ces « preuves » flagrantes. Il avait l'air d'un vieillard. Il attendait patiemment qu'on le laissât parler; il semblait apprécier la valeur des réponses avec une étrange indifférence. Il laissa, pendant dix minutes, un élève auquel il se plaisait habituellement à tendre des embûches, s'embourber dans les explications les plus erronées. A un autre, il fit dès les premiers mots, une sortie véhémente et hargneuse. Ilaffectaitd'éviterconstammentleregard de von Ertzum, de Kieselack et de Lohman, mais il ne pensait qu'à eux. Il se demandait si, la veille au soir, pendant le trajet si pénible du retour, ils n'étaient pas postés au coin d'une maison au mur de laquelle, dans un moment de découragement, il s'était appuyé des deux mains, et s'ils ne l'avaient pas surpris tâtonnant dans les ténèbres. Et même, il pensait les avoir heurtés et leur avoir demandé pardon. Mais il demeurait profondément lucide, et il savait bien que tous les épisodes de cette aventure ne faisaient pas partie intégrante de la réalité extérieure. Il souffrait mille morts de ne pouvoir tirer cette affaire au clair. Que savaient-ils, au juste, les trois misérables... Et qu'avait-il pu se passer après son départ? Avaient-ils regagné l'Ange Bleu? Lohmann était-il retourné dans la loge de l'artiste?... Rosa Frôlich avait versé quelques larmes, peut-être dormait-elle déjà à leur arrivée. Mais Lohmann avait pu la réveiller?... Unrat brûlait de faire expliquer par Lohmann le passage le plus obscur du livre; mais il n'osa pas. Lohmann, le comte Ertzum et Kieselack l'observaient inlassablement. Kieselack par badinage. Ertzum pour le mortifier, Lohmann par compassion. Mais, par ailleurs, ils éprouvaient tous trois une terrible rancœur à l'idée de la complicité qui s'était secrètement établie entre eux et leur tyran. Dans la cour, pendant la récréation, Lohmann s'appuya au mur ensoleillé de 1 école, croisa' les bras sur sa poitrine et, comme la veille dans la salle fumeuse, il écouta chanter la litanie de son infortune. II exprimait sa détresse en vers. Von Ertzum s'approcha, comme par hasard, et demanda haletant : — Tu dis qu'elle était affalée, la tête sur la table et qu'elle dormait? C'est impossible, Lohmann ! — Puisque je te dis qu'elle ronflait ! Il l'a enivrée. — Le bandit, la prochaine fois que... Von Ertzum n'osa pas achever sa fanfaronnade. Il écumait en silence sous le joug de la discipline. Sa propre impuissance lui inspirait encore plus de dégoût qu'Unrat lui-même. Non, il n était vraiment pas digne de Rosa... Kieselack, se faufilant parmi les autres élèves, s'approcha des deux confidents et, abritant derrière sa main un sourire oblique, il chuchota, secoué par une joie mauvaise : — Mes amis, il y court, vous dis-je ! Il y vole ! Puis, avant de rentrer dans la classe, il demande précipitamment : — Retournerez-vous à ' l'Ange Bleu »? Ils haussèrent tous deux les épaules, acquiesçant avec mépris à une question aussi oiseuse. Unrat s'était fait un devoir, chaque jour plus réjouissant, de vivre la vie de Rosa Frolich. Pour ne pas se laisser devancer par Lohmann, il arrivait toujours le premier à « l'Ange Bleu ». II se mettait alors en mesure de ranger tous les objets de toilette. Il rassemblait les jupons et les culottes prêts à être portés et il mettait de côté, sur une chaise, ceux qui avaient besoin d'être raccommodés. Rosa Frolich apparaissait seulement dans le courant de la soirée, car elle commençait à se reposer sur Unrat. Bientôt, ses doigts engourdis retrouvèrent leur souplesse. Il apprit à défaire es nœuds des robes, à dénouer les rubans, à rechercher les épingles égarées dans ses robes. Il contemplait, tandis qu elle se fardait, le jeu nacré de ses bras agiles; il commençait à s'y reconnaître sur la palette des couleurs destinées à son maquillage. Il avait appris les noms et les différentes utilisations des bâtons de fard et des flacons, des sachets et des boîtes à poudre, des pots qui contenaient les onguents, et il s exerçait avec un zèle silencieux à connaître leurs usages appropriés. Rosa Frolich suivait ses progrès. Un soir, elle s'accouda devant son miroir, se pencha sur sa chaise, et lui dit : — Allons-y ! 7^