La Revue du Cinema (1931)

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une vie tout entière consacrée au bien. Or, pour un dollar et demi par personne l'honorable M. Miles offrait au public amateur, dans une salle très spécialisée, le spectacle des films qu'il interdisait ou coupait. Ce « speakeasy » de cinéma ne manquait pas d'avoir un certain succès ; le commerce clandestin fleurissait, et les bonnes mœurs de l'Etat étaient sauvegardées. Le scandale ayant un jour éclaté, le censeur et tenancier de cinéma Miles invoqua, devant le juge, ce motif technique : — Nous manquons d'éléments capables de remplir les fonctions de censeur. Par ces présentations, je voulais « former des cadres » (sic). N'est-ce pas là un bel exemple de conscience professionnelle? Tous ne joignent pas la canaillerie à la bêtise, mais tous font preuve de la même défiance ignare et chafouine envers le cinéma. Cette haine obtuse, la loi leur donne pouvoir de l'exercer impunément et sans réplique. Ainsi le censeur expnmera-t-il sa vision du monde, qui n'est autre que celle, éternelle, du bourgeois qui voit et pense bassement. Sans compétence, sans goût, sans la moindre préparation technique ou même simplement humaine, ils jugent, ils arrangent, ils corrigent : le film, la passion, la vie, l'instinct même ! A Philadelphie, grâce au censeur, Anna Karénine se voit à l'écran, contrainte de se marier avec son amant. En Virginie, le censeur transforme un film de telle sorte que la jeune femme ne cède à l'amant que lorsqu'elle a perdu son anneau de mariage. Le censeur d'Amérique saura, partout et toujours, dépister l'amour qui ne prendrait pas des formes légitimes. Dans Les Docks de New York ( Les Damnés de l'Océan ) , on se rappelle la scène où Bancroft quitte Betty Campson, couchée sur le ht dans toute sa grâce abandonnée, Bancroft s'est levé sans bruit; simplement avant de quitter cette compagne qu'il croit d'une nuit, il a mis quelques dollars sur la chemi.iée. Il s'en va, ouvre la porte, mais, la main sur le loquet, tourne une dernière fois la tête vers la femme qui dort. Ici se plaçait une trouvaille brutale et douce à la fois : Bancroft regardait longuement le joli corps étendu, comme agité par un sentiment jusqu alors inconnu, et puis revenait vers la cheminée... ajouter quelques dollars : seul hommage venu à cette âme de belle brute encore mal éclairée pai l'amour. Ces premiers dollars sont suffisants, avait jugé le censeur. Et la scène de l'hommage naïf et supplémentaire fut supprimée, qui choquait les goûts d'économie du censeur ponctuel en amour comme ailleurs... Toute l'âme profonde d'une vie ne se découvre-t-elle pas en de tels détails, au premier abord limités? Pensiez-vous, par exemple, qu un sous-titre transformé, pût montrer combien l'esprit du censeur est fermé à toute poésie, à tout élan désintéressé, à toute fraîcheur. Un simple sous-titre, dans un film quelconque : — Depuis cette nuit où nous nous sommes vus dans la forêt, j ai bien senti que nous étions l'un à l'autre. Le censeur transforme ainsi : 34