La Revue du Cinema (1931)

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C'était tout. Son regard se détourna de von Ertzum avec tant d'indifférence qu'il fut pris de tremblements. Unrat leur fit aimablement signe de s'asseoir : — Mais oui ! asseyez-vous et buvons. Aujourd'hui, vous êtes mes hôtes. Il lançait un oeil du côté de Lohmann, qui avait déjà pris place, et roulait une cigarette. Lohmann, le pire de tous, dont l'élégance était humiliante pour les autorités mal rémunérées, Lohmann qui avait l'insolence de ne pas l'appeler par son nom. Lohmann qui n'était pas un élève terne et malléable, ni un imbécile et qui, lorsque le maître était en colère, montrait une telle désinvolture et un air si compatissant, que le tyran doutait parfois de lui-même, et à tous les plaisirs auxqu;ls il s'adonnait, il avait fallu aussi que Lohmann tentât d'ajouter Rosa Fr-lich. Mais il s'était brisé là devant la volonté d'airain d'Unrat. Non, il ne s'assiérait pas dans la loge de Rosa Frolich, Unrat se l'était juré; il n'obtiendrait pas les faveurs de Rosa Frlich, il ne les avait pas obtenues. Il éprouvait — avec un certain étonnement — une chaude satisfaction à l'idée qu'il avait pu soustraire Rosa Fr hch à l'emprise de Lohmann et de ses deux compagnons, à l'emprise d'une ville de cinquante mille élèves insurbordonnés et que seul, il régnait en maître sur la loge... Il leur parut rajeuni : la cravate sur l'oreille, quelques boutons défaits, les cheveux en bataille, il avait 1 air d un vainqueur dépravé, d'un ivrogne maladroit — d un homme sorti du droit chemin. Rosa Frolich, tout en se serrant contre lui, l'air enfantin, semblait amollie par une chaude lassitude. Son attitude qui trahissait le triomphe décisif de Unrat était une offense pour tout homme, f < t-il désintéressé. Ertzum, en sortant, éprouva le besoin de se répandre en reproches, d'exprimer son mépris sur Rosa Frolich et son galant. — Il faut maintenant considérer cette fille comme perdue. Je m'habitue déjà à cette idée. Je t assure, Lohmann, que je n'en mourrai pas. Mais que dis-tu d'Unrat? As-tu jamais rencontré semblable manque de pudeur? Lohmann souriait amèrement. Il comprenait bien que von Ertzum, parce qu il était battu s en prenait à une morale héréditaire, éternel recours des vaincus. Mais Lohmann lui, pour qui, aussi, les événements tournaient assez mal aujourd'hui, dédaignait cette morale. — C'était absurde de notre part, dit-il, de monter là-haut et de croire que nous pourrions le mettre dans l'embarras. Nous aurions dû penser qu'il est au-dessus de cela. Il y a longtemps qu'il nous considérait comme des complices. Nous avons bien souvent fait table commune. Il lui est arrivé de nous renvoyer à la maison pour que nous ne lui portions pas ombrage aux yeux de la Frclich, et d'ailleurs, considérait-il comme tout à fait impossible que, pendant ce temps-là, un autre puisse être dangereux? Von Ertzum gémit comme si on l'avait blessé. — Car il ne serait pas salutaire, Ertzum, de te laisser encore des illusions à cet égard. Sois un homme ! Ertzum promit, d'une voix mal assurée, que Rosa lui était indifférente et qu'il ne lui demandait pas d'être vertueuse. La pensée d'Unrat, seule, bouleversait tous ses principes moraux. — Pas les miens, fit Lohmann. Cet Unrat commence même à m'intéresser. C'est, à tout prendre, un cas assez exceptionnel. Songe donc aux obstacles qu'il a dû surmonter, à tout ce qu'il s'est mis sur les bras ! Il a fait preuve dans toute cette aventure, me semble-t-il, d'une connaissance de soimême — pour ma part, je n'y serais pas arrivé. Il y a en lui un anarchiste qui s ignore... Tout cela dépassait les préoccupations de von Ertzum. Il grommela quelques mots. — Comment? fit Lohmann. C'est entendu. La scène de la serrure était répugnante, mais elle était d'une répugnante grandeur ou, si tu préfères, d'une grande répugnance. Elle avait de la grandeur en tout cas. Ertzum ne se tenait plus. — Lohmann, est-ce que réellement tu crois qu'elle est impure? — Elle l'est maintenant, en tout cas, puisqu'elle s'est couverte de pourriture (I). Cela te permet de faire abstraction de son passé ! — Je la croyais vertueuse. Je vis d'ailleurs un rêve ! Ne ris pas, Lohmann, mais j'ai envie de me tuer. — Si tu y tiens, je peux rire... — Comment vais-je sortir de là? Personne n'a jamais vécu pareille aventure. Je la mettais si haut que, à vrai dire, quand j'y pense, je n'avais pas l'espoir de la mériter jamais. Lohmann l'examinait de côté. Ertzum demeurait convaincu que Rosa Frolich se tenait inaccessible sur un trône de nuages. Evidemment il fallait qu'il en fût ainsi. Il essayait désespérément de se persuader qu'il n'avait jamais réellement fondé aucun espoir sur elle. Le but de sa propre imposture (I) Unrat en allemand. 73