La Revue du Cinema (1931)

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Lohmann, von Ertzum et Kieselack manquaient tous trois dans la classe. Unrat dédaignait le reste des élèves. Il les laissait faire. Parfois, s'il surprenait l'un d'eux en train de siffler, il lui infligeai ! une demi-journée de « cachot » mais il oubliait, par la suite, de charger 1 appariteur de l'exécution du jugement. Dehors, il se faufilait sans voir personne. Il n'entendait ni les invectives, ni les injures qu'on lui adressait; il ne remarquait pas non plus les cochers de fiacre qui, retenant leurs chevaux attiraient l'attention des étrangers sur Unrat comme sur l'une des curiosités de la ville. Partout où il passait, il n'était question que du procès (1). Unrat, aux yeux de tous, était un prévenu et son attitude devant la justice provoquait tantôt de la pitié, tantôt de la colère. Tous les hommes d'un certain âge qui jadis avaient été ses élèves, et pour qui Unrat évoquait les souvenirs joyeux et attendris de leur jeunesse s'arrêtaient à son passage et secouaient la tête. — Qu'est-il donc arrivé à notre vieil Unrat? Toutes ces histoires sont bien misérables ! — Aussi un professeur ne prend pas ainsi position contre un élève! Est-ce là un pédagogue? Et ses sorties contre les commerçants et les familles honorables ! Devant les tribunaux, s'il vous plaît ! — Avoir à son âge de pareils écarts à se reprocher et s'en vanter publiquement ! On aurait dit qu'il se pavanait dans une maison de verre ! On commence à parler de ces histoires dans les milieux bourgeois et je sais par le préfet qu'on ne veut plus de lui à l'Ecole. Il peut s'exiler avec son amie ! — Mais c'est une belle fille ! Et les hommes riaient, une petite flamme au fond du regard. — Comment Unrat a-t-il pu si vite en arriver là ! — Ouiche ! ne vous l'ai-je pas toujours dit? Le temps ne peut rien contre un nom pareil : c'est une véritable ordure (z). Tous prétendaient avoir, de tout temps, décelé chez Unrat quelque chose de bestial, d'inquiétant, de profondément suspect, et déclaraient ne pas s étonner une seconde des propos qu'il avait tenus devant la Justice, dirigés contre les personnes les plus notables de la ville. — II y a longtemps qu'on aurait dû se débarrasser de ce vieux dégoûtant, déclarait, à l'approche d'Unrat le marchand de tabac Meyer, chez qui les factures du professeur Raat avaient toujours été biffées d'un U. II se trouvait aussi des gens insatisfaits qui saluaient avec allégresse l'émancipation d'Unrat et revendiquaient son enrôlement pour la guerre sociale. Ils organisaient des réunions où sa courageuse attitude contre les privilégiés de la ville était à l'ordre du jour et où il devait prendre la parole. Unrat ne répondait pas à leurs convocations écrites. Il renvoyait leurs délégations, il s'asseyait et méditait avec horreur, avec regret et avec rancœur sur Rosa Frohch et sur les moyens de la contraindre à abandonner la ville et à s'enfuir à plusieurs jours de marche. Il lui revenait alors à l'esprit qu'il le lui avait sévèrement prescrit au cours de leur toute première entrevue. Si seulement ce jour-là elle ne lui avait pas résisté ! Maintenant, elle avait provoqué d'immenses dégâts, de granc s malheurs, et Unrat, désemparé, tourmenté par une soif de vengeance, ne pouvait rien imaginer de plus désirable que Rosa Frôlich finissant ses jours dans un cachot profond et obscur. Il évita avec peine, pendant des jours et des jours, les rues dans lesquelles il aurait pu la rencontrer. C'est seulement pendant la nuit qu'il se glissait dans ces rues, à une heure où il ne craignait plus, claquant des dents, d'apercevoir derrière les rideaux d'aucune maison la silhouette d'un surveillant de l'école. Apeuré, hostile, et plein de désirs amers, il entreprenait une longue promenade depuis l'Hôtel jusqu'au Schwedischer Hof. Un soir, quelqu'un sortit de l'ombre et vint à sa rencontre en le saluant. C'était Lohmann. Unrat commença par reculer, il chercha de l'air. Puis, des deux mains, il empoigna Lohmann qui s'effaçait poliment pour le laisser passer; quand Unrat se sentit plus assuré sur ses jambes, il commença à vociférer : — Misérable, vous osez encore vous trouver sous mes pas et, je vous y prends, tout près de la maison de Mlle Frôlich! Qu'avez-vous encore fait? — Je vous promets, monsieur le Professeur, répondit doucement Lohmann, que vous vous trompez. Vous vous trompez depuis le commencement jusqu'à la fin. — Que faites-vous alors dans ces parages, scélérat ! — Je suis au regret de ne pouvoir m'exprimer sur ce point. Rien en tout cas, monsieur le Professeur, qui puisse vous concerner. — Je vous briserai, s'écria Unrat avec le regard d'un vieux lion furieux. Apprêtez-vous à être chassé de l'école dans la honte et le scandale... — Je m'en réjouirais si vous pouviez y trouver une satisfaction, monsieur le Professeur, dit Lohmann, sans intention de railler mais avec une pointe de mélancolie. Puis lentement, il s'éloigna, poursuivi par les menaces d'Unrat. Aujourd'hui où tout se liguait (1) Lohmann, Kieselack el von Erlzum comparaissent devant un conseil disciplinaire, constitué en véritable Tribunal. Au cours des débats, Rosa Frôlich est appelée à témoigner. Par elle et par Kieselack à la fois les relations d'Unrat et de l'artiste sont publiquement dévoilées. Unrat sera destitue. (2) Unrat. 76