La Revue du Cinema (1931)

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contre lui, il ne cherchait plus à nuire à Unrat; il en aurait eu honte. Il éprouvait même de la compassion pour ce vieillard qui, au moment même où on avait résolu de le congédier, parlait encore de renvoyer un élève; de la compassion et aussi une sorte de sympathie refoulée pour cet ennemi déclaré de tout le genre humain qui, du fond de sa solitude, n'avait pas hésité à tout dresser contre lui; pour cet étrange anarchiste qui était là, brisé... Unrat après son départ, déambulant à travers la chambre, haleta longtemps II devait bien reconnaître que, depuis quelque temps il avait souhaité beaucoup de mal à Rosa Frjlich. Il avait eu pour elle les pensées les plus noires, mais c'était bien son droit et ce ne serait pas de sitôt celui du pasteur Quittjins (1). Rosa Frjlich planait au-dessus du pasteur Quittjins. Elle planait au-dessus de tous, précieuse et auréolée, face à face avec l'humanité. Il était bien heureux que, grâce à cette visite, il fût revenu à une connaissance plus exacte de la vie. Rosa Frolich, c'était son affaire, c'était à lui qu on portait atteinte quand on osait douter d'elle. Une affreuse frayeur. une colère tyrannique l'empoignait peu à peu et il dut s'appuyer au mur; comme ce jour à 1' « Ange Bleu » où le public s'était moqué d'elle. Rire d'elle, qu'il avait maquillée de ses propres mains ! S'insurger contre son « numéro », qu'il présentait pour ainsi dire lui-même. Ce numéro sans doute, n'était pas très satisfaisant et il avait coûté à Unrat bien des tracas. Mais cela ne regardait qu'eux, lui et Rosa Frôlich. Il fallait qu'il se rendît auprès d'elle. II n'était pas disposé à s'en abstenir plus longtemps. Il saisit son chapeau puis le remit en place. Elle l'avait trahi, sans doute. D'autre part, c'était elle qui avait conduit l'élève Kieselack à sa perte N'était-ce pas une justification? Pas encore? Unrat s'arrêta un instant, tandis qu'une rougeur passait sur son visage penché. Il restait immobile; sa soif de vengeance était aux prises avec sa jalousie. Enfin, la vengeance l'emporta. Rosa Frôlich était absoute. Pas encore? Et si elle pouvait conduire d'autres élèves droit à leur perte? Et Unrat se mit à rêver des élèves à qui elle aurait pu être funeste. Quel dommage que le marchand de tabac n'allât plus à l'école; et cet apprenti qui le regardait en face sans le saluer; et tous les autres de par la ville qui en faisaient autant. Tous, il fallait que Rosa Frôlich les entraînât à leur perte. Tous, à cause d'elle, seraient chassés de l'école dans l'opprobre et le scandale. Unrat ne pouvait pas imaginer un autre mode de destruction. Il ne s'avisait pas que l'écroulement final pût consister en autre chose que dans le fait d'être renvoyé de l'école... Quand il frappa à la porte de Rosa Frolich, elle apparut sur le seuil, prête à sortir : — Houh ! Le voilà ! au moment où je voulais justement venir te voir ! Tu ne le crois pas, naturellement? Mais que je meure sur-le-champ si ce n'est pas vrai. — C'est possible, fit Unrat. Et c'était la vérité. Rosa Frôlich. pendant le temps qu'Unrat s'était éclipsé, s'était dit tout simplement,: '< Tant pis! »; et elle s'était disposée à cesser de garnir son appartement; pendant un temps, elle vivrait du produit de la vente des meubles qu'il lui avait donnés; puis, comme le couple Kiepert avait d'autres préoccupations, et avait déjà quitté la ville, elle chercherait un autre engagement. Dieu sait qu'elle avait eu, pour son vieil Unrat, les sentiments les plus affectueux; mais ces sentiments, on ne pouvait pas les exhiber, leur faire faire des performances gymnastiques à la barre fixe, et s'il n'y croyait pas, tant pis pour lui ! Elle avait sa philosophie. N'était-il pas beaucoup plus aisé d'entortiller un homme après lui avoir joué des tours, que de lui prouver son innocence quand on n'avait vraiment rien à se reprocher? Et puis, le vieux n'était pas son genre. On peut bien se tromper; il faut alors se résigner. Quelqu'un vous suit parfois dans la rue, pendant des demi-heures, jusqu'à ce qu'il se risque enfin à vous accoster; puis, il biaise tout à coup, comme si de rien n'était. Unrat, lui non plus jusqu'ici ne l'avait pas connue de face, et aussitôt qu'il avait vu son visage, il avait disparu. Fini, avec lui. Puis, quand elle vit passer les jours, quand elle fut gagnée par l'ennui, et qu'elle vint à manquer d'argent, elle considéra que c'était vraiment trop bête de laisser ainsi les choses aller à la dérive. Le vieux avait simplement la pudeur de revenir. Il la boudait et attendait qu'elle lui tendît un petit doigt. Cela pouvait se faire. Il n'était qu'un vieil enfant, bizarre et obstiné. Elle pensa au soir où il avait chassé de sa loge un capitaine au long cours et où il s'était pris de querelle à ce sujet avec Kiepert; et elle rit. Puis, aussitôt après, elle eut ce regard fixe et rêveur avec lequel elle observait parfois Unrat. Il était jaloux, sans doute, et cela le lui rendait encore plus estimable. Lui, de son côté, était peut-être assis en train de se ronger, mortellement fâché contre elle et si plein de rancœur qu'il était incapable de manger son déjeuner. Cette éventualité était affreuse. Son bon cœur en fut ému. Et ce n'était pas seulement pour ménager son intérêt, mais aussi par compassion et parce qu'elle le respectait, qu'elle se préparait à aller le trouver. (I) Le pasteur es! allé exhorter Unrat à rentrer dans le droit chemin. Mais Unrat qui croit déceler dans les paroles du Pasteur des intentions offensantes pour Rosa Frôlich, le chasse hors de chez lui. — Et la visite du pasteur n'aura servi qu'à réveiller les sentiments d'Unrat pour Rosa Frôlich qu'il n'a pas revue depuis le jour du procès et à le déterminer à aller la retrouver. 77