La Revue du Cinema (1931)

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Tout en parlant, il hésitait, il rougissait, il était saisi d'un tel sentiment de honte et si dénué de forces qu'il dut s'échauffer lui-même pour arriver à exprimer sa conception hardie de l'existence. Elle s'émerveillait de ces discours; elle était flattée qu'il les tînt pour elle — pour elle seule — comme il ajoutait : — Je ne m'attendais par contre, à aucun moment, de ta part — je dois le reconnaître — à une vie parente de la mienne. Sous le coup de la surprise et de l'émotion, elle lui fit la grimace et l'embrassa. Elle n'avait pas lâché prise, il expliquait déjà : — Ce qui du reste n empêchait pas... — Quoi donc? N'empêchait pas quoi, Unratchen? — Que mon inclination pour toi n'ait rendu infiniment plus ardue la tâche d'appliquer ces principes. Oui, et que ces choses me sont devenues bien douloureuses. Elle rougit et inclina vers lui une petite tête sournoise et penchée. — Car je te tenais pour une femme qu'on ne mérite pas facilement d'obtenir. Elle était sérieuse et pensive. Unrat se contenta d'ajouter : — C est d ailleurs possible. Mais, poussé par la montée d un souvenir terrible : — Il n'y en a qu'un que je ne te pardonnerais pas... et que tu devras — écoute-moi bien — t abstenir de revoir jamais. C'est Lohmann. Elle le vit épuisé, respirant mal, la sueur perlant à son front, et ne comprit pas parce qu'elle ignorait tout de la torturante image qui l'avait un jour accablé — l'image de Lohmann avec elle. — Ah oui ! s'écna-t-elle, tu as toujours été enragé contre lui. Tu voulais en faire de la chair à saucisses ! Sois gentil, Unratchen; un garçon aussi bête ne me dit vraiment rien. Si je pouvais seulement t en persuader. Mais comment faire. On en pleurerait ! Et. en vérité, elle avait envie de pleurer : parce que Unrat ne croyait pas à la froideur de ses sentiments à l'égard de Lohmann; parce que, tout au fond de son cœur, elle sentait confusément quelque chose qui avait trait à Lohmann et qui. à vrai dire, lui enlevait de sa véracité; parce que Unrat, ce vieil enfant bêta, revenait si souvent et si maladroitement sur ce sujet; et parce que la vie ne lui apportait pas les joies qu'elle souhaitait ardemment. Mais comme Unrat n'aurait pas compris quelle était la source de ses larmes, et qu'elle ne voulait pas inutilement embrouiller la situation, elle renonça à pleurer. Maintenant, c'était la belle vie; ils sortaient ensemble, et achevaient de meubler et de décorer 1 appartement de Rosa Fr. hch. Presque chaque soir, vêtue de robes de Hambourg, elle prenait place dans une loge au théâtre Municipal et Unrat, à ses côtés, accueillait avec une satisfaction refoulée les regards d'indignation curieuse et de méchante convoitise qui se posaient sur eux. Puis le théâtre d'été ouvrit ses portes et l'on put, parmi les familles aisées et honorables, s'asseoir au jardin en dégustant des sandwichs au saumon, tout en se réjouissant que cela ne fût pas accordé à n'importe qui... Rosa Frôhch ne craignait plus d'exposer Unrat aux influences ennemies. Le danger était évanoui. A cause d'elle, il avait été révoqué, à cause d elle aussi il avait endossé le mépris général. Au début, elle en était un peu gênée. Quand elle venait à y songer, elle se disait dans son for intérieur que, vraiment, pour elle, il s'était mis beaucoup de choses sur les bras. Puis elle haussait les épaules : « Puisque les hommes sont comme cela ! » Peu à peu, elle se rendit compte qu'il avait eu raison et qu'elle en valait bien la peine, mieux encore. Unrat lui répétait si souvent qu'elle était hautement considérée et que l'Humanité ne méritait pas de la contempler, qu'elle finit par se prendre elle-même très au sérieux. Personne ne l'avait jamais tellement prise au sérieux, elle non plus par conséquent. Elle était pleine de gratitude pour celui qui lui avait appris à le faire. De son côté elle sentait qu'elle avait le devoir de se donner beaucoup de peine pour estimer très haut l'homme qui lui assignait une telle place. Elle fit davantage. Elle s'efforça de l'aimer. Elle lui déclara soudain qu'elle voulait apprendre le latin. Il acquiesça aussitôt. Elle le laissait parler, répondait à côté ou n'écoutait même pas ses interrogations, et continuait à le regarder, pleine d'autres questions sur elle-même. A la troisième leçon elle s'informa : — Dis-moi, Unratchen, qu'est-ce qui est plus difficile à saisir, le Latin ou le Grec? — Presque toujours le Grec. — Alors, je veux apprendre le Grec. Il était enchanté, il demanda : — Et pourquoi? — Parce que, mon Unratchen... Elle l'embrassait, et cela avait l'air d'une parodie de l'amour. Mais ses intentions étaient sincères. I! l'avait rendue ambitieuse; et elle demandait pour lui faire honneur à apprendre le Grec au lieu du Latin parce que c'était plus difficile. Sa requête était une déclaration d'amour — la déclaration prématurée d'un amour auquel elle voulait se contraindre. Il était déjà assez difficile d'aimer son vieil Unrat. Le Grec ne serait pas plus difficile. Son visage et ses discours, le comique désespéré de 1 un, la spiritualité prolixe des autres, tout 79