La Revue du Cinema (1931)

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Charlie, épanoui, les contemple avec une béate complaisance. Enfin, un stylo hors d'âge apparaît. Charlie retrousse ses manches et se met en devoir d'écrire. La plume se refuse à tracer un seul jambage. Il la secoue comme une montre arrêtée, la frotte alternativement contre le fond de son pantalon et la chevelure crépue du portier, examine la pointe à contre-jour, éloigne un cheveu absent, dévisse le capuchon, asperge d'encre la veste blanche du portier et laisse choir le stylo dans la corbeille à papiers. Puisque la fatalité s acharne, le bulletin demeurera inachevé. « Numéro 97 », grogne le portier furibond avec le regard d'un taureau qu'on forcerait à savourer son fourrage dans une mangeoire tapissée de tissu écarlate. Et il tend une clé à Charlie. Un liftier ensommeillé s'enquiert : « Bagages? » Charlie de toute sa hauteur sourit avec bienveillance au boy minuscule, cueille son polo rouge et le fait tourbillonner à la pointe de sa canne de bambou. Le gamin hilare écarquille les yeux et s'amuse si bien qu'il oublie d'arrêter l'ascenseur à l'étage; la cabine continue sa course jusqu'au toit. La conscience professionnelle du galopin se réveille pendant la descente : « Quel est le numéro de l'appartement de monsieur? » — « 971 », répond Charlie fatigué. L'ascenseur le dépose au 7e étage au lieu du 10e. — « Bonne nuit. » Charlie déambule le long du couloir nocturne. — 520, 521,522... Charlie regarde le numéro de sa clé : 971... Cela promet de durer un moment... 630, 631, 632... On marche bien sur ce tapis moelleux, mieux que sur la grand'route où Charlie a si souvent traîné ses godillots las. Mais le but est encore lointain. Régulièrement espacées, des veilleuses rouges et bleues trouent l'ombre. Le couloir silencieux, désert, s'allonge à l'infini; le 971 est inaccessible. Charlie se croit par un enchantement transporté sous terre dans une galerie de mines confortablement capitonnée où régnerait un sortilège. De l'artère principale partent des ramifications, des couloirs annexes se branchent sur le muet couloir central qui s'étire à perte de vue. 520, 521, 522... ... « Seigneur? Mais j'ai déjà passé ici », constate Charlie. Il se creuse la cervelle. Comme il se sent seul? Désemparé, il contemple les chaussures en faction devant les portes. Tout dort. Le silence plane sur les couloirs, les paliers, l'escalier. Charlie est tout troublé. Un malaise bizarre l'oppresse. Il se secoue d'un coup de reins et reprend sa marche. Peu à peu, le rythme de ses pas s'accélère; il court, il court de plus en plus vite. Il n'arrive plus à s'arrêter. Le couloir aux mille portes se met en mouvement, le poursuit, l'encercle. Charlie est le centre passif, le pivot d'un tourbillon fantastique, d'une rotation vertigineuse. Un peu étourdi, il hausse légèrement les épaules, mécontent. En somme, il n'a pas du tout besoin d'une chambre portant un numéro si élevé et hors d'atteinte. Cet épais tapis semble propice au sommeil. Il en éprouve la moelleuse élasticité. Il ôte ses chaussures qu'il dépose correctement, suivant l'usage, devant une porte où il n'y en avait pas encore. Les godillots, fatigués comme leur maître, n'en reviennent pas 10