La Revue du Cinema (1931)

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Le vent, à goût d'eau de source souffle brusquement de la montagne, apporte la plainte tremblée d'un ukulele et s'éteint. L'ombre dans la vallée descend à grands coups d ailes. C'est en regardant mes photographies que l'idée peu à peu, prit naissance, et le désir de fixer mes voyages futurs. Depuis tout enfant je « sentais cinéma ». Je goûtais une technique nouvelle comme une phrase bien ciselée, un angle de prises de vue inattendu me satisfaisait comme un adjectif bien placé, l'expression d'un visage, humaine, me troublait. Je songeai qu'un mauvais peintre peut devenir un bon photographe. Voyageuse, je vins au film comme au seul moyen d'expression. POURQUOI LE MEXIQUE. Mon grand-père, en 1862, avait pris part à l'expédition du Mexique. Mon enfance avait écouté ses récits dans un cadre de vieux chinois rapporté par lui d'Extrême-Orient. Assise sous un panka de plumes je fermais les yeux sur des femmes en mantilles penchées à des balcons éclairés par la lune. Coiffée d'un chapeau de mandarin je fredonnais des chansons espagnoles en pinçant les cordes d'une guitare imaginaire. Dans le parc qui entourait la maison, je traçais sur le sol deux lignes parallèles et je disais à mes frères et sœurs : « Là vous ne pouvez pas passer, c est la mer. » Puis, à l'abri dans mon île je m'attachais à un poteau et je criais : « Je suis missionnaire et je meurs par amour pour vous, sauvages. » Un de mes oncles chez qui j'allais le dimanche, me posait sur une table, et m habillait de tous les costumes asiatiques de sa collection. Je ne bougeais pas, regardais la sérieuse enfant thibétaine qu'encadrait la glace, et le soir je reprenais ma robe de petite fille française comme Cendrillon sa tunique de bure. Je lisais tout ce qui ne m'était pas interdit. A dix ans, je récitais trente-cinq volumes de Gustave Aimard complètement par cœur. Ce fut ainsi qu'à cette époque préhistorique qui s'appelle « Avant-La-Guerre », je fis connaissance avec les Indiens d'Amérique. Il y a trois ans, en Nouvelle-Calédonie, un ami tout un soir me parla du Mexique. Sur la terre humide, devant sa case il dessina une carte où suintait l'eau, et devant une baie arrondie comme la douceur, je rêvais de montagnes de roc où trébuchent les mules sous le soleil. Il y a deux ans, en Perse, ap/ts la traversée des déserts desséchés par le mois d août, je fus accueillie à l étape par 1 aiguière d eau fraîche et le café brûlant. Le maître de maison accroupi près de moi buvait à petites gorgées bruyantes, et contait. C'était encore le Mexique, un Mexique de forêts vierges et de rivières obscures, de fleurs éternelles et de fruits fondant sous la langue, d oiseaux multicolores et de papillons géants, que sa parole faisait naître sur le sable rouge comme un de ces mirages nés et morts ce jour là sous mes pas. L'an dernier, je me trouvais aux États-Unis et les musées de NewYork me révélèrent un Mexique de temples détruits et de statues inquiétantes, des pyramides de géants et des bijoux civilisés. Je voyageais alors de Washington à San Francisco, de Cleveland à Salt-Lake City, de Saint-Louis en Floride. Chaque jour m apportait cette volumineuse presse américaine qui suf nrait à convaincre ceux qui les ignorent, que les Américains ont le temps de lire. Partout s'étalaient ces photographies inconnues du public en Europe donnant les détails de cette prodigieuse civilisation qui fut celle des Mayas et des Aztèques. J appris à m'imaginer les palais d'Uxmal et les monuments de Chichen-Itza. Malgré moi je les superposai à Angkor qui me fut si étrange, jadis, au Cambodge. 43