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La Revue du Cinema (1931)

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brillait sous le soleil. Elle semblait infinie. C'est là, dans ce pays bleu et mouvant; que Chariot voulut aller et il se leva pour atteindre son but. Il marcha plusieurs jours et plusieurs nuits en suivant le fleuve. Quand il était fatigué ou lorsqu'il avait sommeil, il s'étendait sur l'herbe de la rive. Il se souvenait de la source dont les innombrables messages lui étaient transmis par les mille reflets du fleuve. Chariot ne perdait pas courage malgré la faim qui souvent le tenaillait. Il apprit à lutter contre elle et contre son camarade le froid. Des jours et des jours passèrent. Chariot marchait toujours. Un soir il entendit un long sifflement et un vent rapide se jeta à sa figure. Après le passage du vent ses lèvres étaient salées. Il marcha jusqu'à la nuit car il entendait non loin de là un grand bruit monotone. Il était plus las que de coutume car il fallait aller contre le vent, toujours plus rude et plus fort. Chariot ne voyait plus rien et le bruit grandissait. Il s'étendit sur le sol qui était doux : du sable fin où il faisait bon dormir malgré le bruit. On aurait cru que le monde s'écroulait et cependant ce tumulte rappelait à Chariot le chant de la source. Bercé par ce souvenir et par le vent qui s'était adouci, il s'endormit. Lorsque le soleil lui ouvrit les yeux, Chariot crut qu'il rêvait. Devant lui une immense nappe d'eau qu'il compara à un lac s'étendait jusqu'à l'infini. Il commença d'abord par avoir peur, car des vagues semblables à des chevaux emballés semblaient vouloir se précipiter sur lui. Il s'habitua peu à peu à ces allées et venues de l'eau, puis il s'émerveilla des jeux du soleil et des couleurs. Chariot n'avait encore jamais vu la mer. Après s'être consciencieusement frotté les yeux, il s'assit sur le sable d'or et regarda. Il assista aux miracles de l'aube. Il s'en va. Car Chariot doit s'en aller, toujours. C'est chez lui une vocation. Rien ne peut le retenir car il sait qu'au delà, plus loin, quelque chose de nouveau l'attend. Il découvre le monde. Sa jeunesse est la découverte du monde. Il connaît maintenant la nuit, le froid, le soleil, la forêt, le ciel et les nuages, les insectes, la source, les oiseaux, le fleuve, le vent et les saisons, il connaît la mer. Il ne connaît pas les hommes. Il est encore jeune. Chariot s'en va. Il quitte les bords de la mer. Il suit les routes qui longent les dunes. Il s'enfonce dans la campagne. Il grimpe sur les montagnes. Il attend le soir. Il marche. C'est le jour. C'est la nuit. Il dort à la belle étoile. Il court parce qu'il a faim. Chariot n'est plus un petit garçon, car il sait comment on peut lutter contre les ennemis qui viennent de partout. Il aime cette lutte II est libre sans le savoir. Libre de ses mouvements et de ses paroles. Il peut chanter si cela lui plaît. Il fait ce qu'il veut. Chariot est très jeune. Philippe Soupault. 15