La Revue du Cinema (1931)

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peut-être simplement le génie du jazz, il a, au suprême degré, le génie de l'instrumentation. Pour Ellington, il y a toujours une nouvelle manière — la plus exaltante, la plus féroce, la plus douce, la plus subtile — de vous soulever désarticulé plusieurs mètres au-dessus du sol, de vous arracher des cris soulageants, de vous amollir jusqu'à la béatitude, de vous étendre moite de gourmandise. Démon de la plus belle musique païenne, il sait, des années après 1 avoir imaginée, ressusciter (ou transposer) la terrible émotion de sa fantasie. Dans le film de Dudley Murphy, une danseuse, à qui il est venu avec ses musiciens apporter « la consolation musicale qui convient à la mort », lui demande : « Duke !... Joue-moi la Black and Tan Fantasie... » Jamais cette musique tragique que nous avons entendue cent fois ne nous était ainsi entrée dans la peau, ne nous avait à tel point essoufflé, ne nous avait fait trembler d impatient délire. Aux cris et aux râles des trompettes, aux graves soupirs du trombone, succède une plainte sourdement modulée que soutient le battement des tempes sur le rythme du martellement de la contrebasse : la plainte s élève, s aiguise, pleure en glissant lentement sur la note la plus acérée, comme une caresse douloureuse. La mulâtresse soulève un instant sa tête aimée et meurt. J ai souvent reproché à Dudley Murphy d avoir sottement « embelli » les films de série qu'on lui confiait en y introduisant à contresens, par 1 intermédiaire de fantaisies techniques puériles, des éléments d'un poncif moderne mal assimilé. Je pense qu il a maintenant formé son style. N'importe comment, que ce soit par hasard ou par habileté, il a, avec Black and Tan, composé autour de Duke Ellington une atmosphère très propice à 1 éclosion de 1 étonnante hallucination que ce jazz nous propose. Black and Tan jette suffisamment le trouble, chaque jour, parmi les spectateurs du studio Diamant pour que je sache que la valeur de ce petit film dépasse le cadre d une impression personnelle. J espère que la direction du Diamant essaiera maintenant d obtenir des Artistes Associés qu ils <' importent » le Saint-Louis Blues queJMurphy a composé, voilà plus d'un an, sur la célèbre chanson de W.C. Handy. J. G. Auriol. II Il ne faut pas compter trouver dans ce petit film de style avancé où apparaît 1 orchestre prestigieux de Duke Ellington, l'exaltation qui pourrait surgir de la musique de jazz nègre et du cinéma réunis. La faute n en revient pas forcément aux drôles de surimpressions dansantes dont Dudley Murphy a cru devoir renforcer son film. On sait assez par 1 exemple des dessins animés que, lorsqu un élément véritablement musical intervient, il prédomine aussitôt et commande toutes les déformations logiques et plastiques nécessaires. Si l'on ne se sent pas roulé par les oreilles et par les yeux, c est je crois à cause d'un enregistrement un peu sourd, mettons plus cinématographique que phonographique : les instruments de cuivre n'y tranchent pas la peau. Détail curieux, Dudley Murphy a connu Pans vers la période du dadaïsme où il a collaboré avec Fernand Léger au célèbre Ballet mécanique. Que l'on en impute la responsabilité à la brièveté de son séjour ou à l'attrait trop fort du pittoresque, il n y a positivement rien compris si l'on en juge d après le résultat actuel. Je veux dire que ces excès de technique, qui seraient excellents s ils étaient subordonnés à 1 inspiration musicale, deviennent désagréables lorsqu ils sont dus à une esthétique cinématographique conventionnelle. Quoi qu il en soit, saluons-en le principe : le prédominance du son sur les images va-t-elle un peu secouer 1 invention? Voyez-vous le tragique enfin substitué au risible des dessins animés? Je compte 67