La Revue du Cinema (1931)

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— Aujourd'hui on joue une nouvelle pièce d'Ibsen à l'Odéon... — Quelle scie que ces tirades... et puis, s'habiller... et je suis si fatigué... — Raconte-moi quelque chose. — Je suis fatigué... comprends-tu? je suis fatigué... Ils sont assis l'un en face de l'autre, Jenny et Jack, Anna et Karl, Jean et Louise, ils sont assis et ils se taisent. Au-dessus d'eux brûle encore la bonne vieille lampe mais il n y a dans cette lumière jaune ni joie ni repos. Ils ne veulent qu'une chose, sortir de cette vie : des chiffres, des écrous, des touches de machines à écrire, de 1 énorme agitation et de l'énorme solitude. Ils ne lisent pas, il y a tant de pages dans un livre, et lire un livre est difficile : il faut deviner, se rappeler, inventer. Qui est le héros? Comment l'héroïne sourit-elle? où habite-t-elle? dans quelle ville? sous quelle lampe?... Que faire de leur longue soirée?... Ils restent assis en silence, dans toutes les villes du Vieux et du Nouveau Monde, malheureux forçats qui ont trois heures de liberté. Il y a longtemps de cela, c'était avant notre ère, avant le cinéma. Adolph Zukor dit à Al. Lichtman. — Donnez-moi 5.000 dollars et vous gagnerez gros. C'est l'affaire la plus sûre. Actuellement, les gens n'ont pas de distractions : de bonnes distractions, commodes et pas chères. Le théâtre, c'est comme un métier à main ou comme un cheval. Il faut que nous montions une affaire à la mode d'aujourd'hui. Vous croyez qu'on ne peut gagner que sur le sucre ou la soie? Certes, les gens veulent manger de bonnes choses et être bien habillés. Mais les hommes ne sont pas des bêtes. Je vous le dis, comme Hongrois et comme Juif, comme artiste et comme philosophe. Les hommes veulent aussi rêver. Ils ont besoin de beaux rêves. Eh bien, nous allons en fabriquer des rêves, des rêves en série, des rêves amusants et qui ne coûtent pas cher... Vous me donnez 5.000 dollars et dans quelques années vous en avez 500.000. Observez les gens, ils veulent des illusions. On peut gagner là-dessus d'une façon inouïe... Lichtman écoute Zukor. Lichtman n'entend rien ni à la philosophie ni au théâtre, ni aux illusions; mais Lichtman croit à Zukor. Zukor a du flair : Lichtman donne à Zukor ses 5.000 dollars. Zukor n'embarqua pas Lichtman dans une mauvaise affaire, il ne fit qu une légère erreur de chiffres. Il avait promis 500.000 dollars à Lichtman. Six ans passèrent. Lichtman possédait des actions de la première société Zukor. Elles lui avaient coûté 5.000 dollars. Il s'informa du cours des « Zukor », par habitude il avait encore pensé « Zukor » au heu de « Paramount ». La réponse entendue le fit sourire : il avait en main 800.000 dollars. Fichtre ! ce Zukor avait vu juste ! Ses « rêves » étaient bien plus avantageux que le pétrole, l'or et la margarine. « Le premier transport de soldats américains est arrivé en France ! » Des gamins agitent agressivement des feuilles de journaux. Quelque part au delà de l'océan, des tanks monstrueux foulent la chair et les fils barbelés. Sur les couchettes des ambulances, se crispent des hommes sans visage : on les a brûlés, sans bras : on les a rognés, sans poumons : on les a empoisonnés. Ce sont des animaux écorchés vendus au poids. 12