La Revue du Cinema (1931)

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ont tracé sur le calque des routes rectilignes, d'autres lui ont raconté que le bruissement des arbres est beau comme une prière, que l'air pur est utile aux poumons et qu'en Amérique, le prix de l'essence est exceptionnellement bas, car l'Amérique est le plus grand pays du monde. Il écoute le bruissement des arbres, il brûle l'essence et il ne pense à rien. Le soir, il va au cinéma : la bande tourne vivement, des gens tirent, courent sur les toits des gratte-ciel, s'embrassent, meurent. Quand les amoureux trouvent un pasteur, — c'est bien, et quand un malfaiteur vole un diamant, — c'est mal. Ainsi pense Mr. Zukor ou Mr. Lasky. L'ouvrier ne pense pas au cinéma, il mâche un petit bout de gomme et regarde l'écran, il voit fulgurer des lèvres, des maisons, des revolvers, des plastrons, il voit fulgurer la vie des autres, la vie de Mr. Zukor ou de Mr. Lasky. Il entend résonner une voix mystérieuse : « Harry, je te serai fidèle », « Jim, tire vite ». Il ne compte parmi ses connaissances ni le beau Harry, ni Jim l'audacieux. Ce sont toujours des Mr. Zukor et des Mr. Lasky, comme des ventriloques, ils font la basse ou le fausset dans l'obscurité de l'énorme salle. Lui, regarde, écoute et ne pense pas. C est un ouvrier ponctuel et un américain cent pour cent. Mais lorsque l'ouvrier n'a pas de travail, il commence à penser. C'est dangereux, et pour lui et pour l'État. Si c'est Mr. Young qui pense, c'est correct et utile. Ne pense-t-il pas à truster l'industrie électrique. Mr. Eastman pense au moyen d'écraser les Allemands : il n'est pas au monde de pellicule supérieure à la pelliclue Kodak. Mr. Zukor pense aux salles de cinéma, il y a dans le monde 67.000 salles de cinéma et dans la totalité de ces 62.000 salles, seuls les films Paramount doivent passer. L'un des sous-ordre de Mr. Zukor, Mr. Mendes, pense à l'acteur qui doit crier « tire vite, Jim ! » Tous pensent à l'essentiel : à la grandeur des Ftats-Unis et aux dividendes. Mais à quoi peut penser un chômeur, fût-il ce John Field aux yeux bleus, aux larges épaules et au sourire stupide?... Mr. Hoover parlait de prospérité et John Field donna sa voix à Mr. Hoover : c'est que Mr. Hoover pensait pour John Field. On avait promis la prospérité à John Field, mais en fait de prospérité on lui donna une carte de chômeur. Maintenant, il a son temps libre et l'estomac creux, force lui est de penser. Avec les camarades, il crie « à bas ! ». Il ne sait pas encore en toute exactitude à qui il s'en prend : rien à faire, — John aux yeux bleus n'est pas habitué à penser, mais il sait déjà qu'on s'est moqué de lui, il hurle : « à bas ! » D'un tournant, les policemen surgissent. Les policemen travaillent, donc ils ne pensent pas. Lestement ils tirent de la foule tantôt l'un, tantôt l'autre des manifestants et lestement ils rossent les braillards avec leurs bonnes matraques de caoutchouc. Ce sont des policemen placides et bien bâtis — que de fois, sur 1 écran, ont-ils enthousiasmé John. L'un d'eux, yeux bleus et épaules larges, empoigne John. Dans l'embrasure d'une fenêtre, un appareil : « tournez vite ». C'est pour les actualités de Paramount — vingt secondes — après le lancement du nouveau croiseur et avant le concours de patinage. Le policeman aux yeux bleus a mis trop de zèle à son travail, il s'est trompé de quelques secondes ou de quelques centimètres : John Field a été transporté à l'hôpital. John Field est couché et gémit doucement. Puis il cesse de gémir et commence à râler. Voilà qui serait bon à enregistrer — que de nuances dans le son ! Mais cela, personne ne l'enregistrera. John Field n'est pas le courageux Jim ni l'heureux Harry. Paramount travaille à merveille : trois heures plus tard, les actualités sont prêtes. Le soir, elles passent dans les salles. Des policiers en miniature rossent de façon cocasse des braillards qui ont la frousse. Le public rit à toute gorge. Tout 16