We use Optical Character Recognition (OCR) during our scanning and processing workflow to make the content of each page searchable. You can view the automatically generated text below as well as copy and paste individual pieces of text to quote in your own work.
Text recognition is never 100% accurate. Many parts of the scanned page may not be reflected in the OCR text output, including: images, page layout, certain fonts or handwriting.
dent autour de la synagogue. Il va a Risce, il y prie et il y fait le bien. Tous les Juifs de Risce idolâtrent M. Zukor : il est plus riche que Rothschild, il est plus intelligent que Maimonide, il est plus munificent que le munificent roi Salomon. Bien des choses ont changé dans la vie de M. Zukor, mais rien n'a changé dans la vie de la minuscule bourgade : toujours cacardent les oies, toujours les Hongrois chantent leurs chansons nostalgiques, toujours les adolescents malingres roulent sur leurs doigts leurs papillotes en répétant les mots poudreux du Talmud. Ici le temps n'existe pas et Zukor perçoit toute la vanité de sa vie bruyante : comme le vent, il a tourné, tourné, il s'est hâté d'aller à 1 est et à 1 ouest et le voilà revenu sur les cercles qu il a déjà tracés.
Puis Zukor s'en va, laissant derrière lui des banknotes vertes et des soupirs attendris. Il s'en va en Amérique faire de l'argent. A Risce, c'est la quiétude — les oies et le Talmud. Soudain, un événement : un cinéma est de passage à Risce. On y verra des films avec de belles femmes et de gslints bandits. Les vieux Juifs en passant près des affiches bariolées, se détournent indignés. Sur les affiches, une belle fille, les épaules nues, embrasse sans se gêner un officier aux longues moustaches. Sur les affiches on lit : « C'est un film Paramount. »
Le petit Moïse qui a appris tous les mots du Talmud et qui roule à merveille ses papillotes dit à son père :
— Je veux aller à la représentation. Le père de Moïse crache :
— Tu as perdu l'esprit. Ce n est pas pour les Juifs. C est pour les sales goim. Un Juif ne doit pas voir de telles abjections, je voudrais cracher au visage du misérable qui fabrique ces images impudentes.
Souriant d'un air rusé, Moïse réplique :
— Fischmann m'a dit que ces films, c'était M. Zukor qui les fabriquait.
Ici, le père de Moïse perd tout contrôle de soi. Il prononce des paroles déplacées. Il traite Fischmann de cochon et parle même de la plus ignoble partie du cochon.
— Il est impossible que M. Zukor puisse fabriquer des images impudiques, M. Zukor habite un palais et il fait de l'argent.
Cela va mal, archi mal ! Adolph Zukor soupire. Les employés regar dent autour d eux d'un air craintif : « Papa » est de mauvaise humeur aujourd'hui... Qu'y a-t-il donc? Les « Warner brothers » seraient-ils vainqueurs de Paramount? ou bien un grand coup de « Fox » avec le film large? Non, le premier trimestre a eu un rendement qui dépasse de 87 % celui de l'année dernière. Au début, les films parlants avaient inquiété Zukor. Il était fier de ses stars et voilà qu'on s'aperçut que bon nombre de stars étaient muettes, leurs voix étaient inutilisables. Il fallut rompre les contrats et payer des dédits. Fox et Warner se tirèrent plus vite d'affaire. Mais actuellement la Paramount elle aussi a recruté un nombre suffisant d'acteurs possédant la voix requise. Chevalier, à lui seul, quelle valeur ! Quel film sensationnel que Parade d'amour... et pourtant cela va on ne peut plus mal.
La recette du jour ne suffit pas à contenter Zukor, il regarde l'avenir, et l'avenir est ténébreux. Les films parlants étaient une nouveauté, la curiosité du public était en éveil. Comment ses ombres bavardent-elles sur l'écran?... Nous avons gagné 10, certains même 20 millions, mais qu'arrivera-t-il demain? Les films muets permettaient à l'Amérique de couvrir ses dépenses avec son marché intérieur. L'exportation, c'était du bénéfice net. Maintenant, le prix de revient des films a augmenté et 1 exportation... C'est là qu'est le point névralgique. Les écriteaux des films
23