La Revue du Cinema (1931)

Record Details:

Something wrong or inaccurate about this page? Let us Know!

Thanks for helping us continually improve the quality of the Lantern search engine for all of our users! We have millions of scanned pages, so user reports are incredibly helpful for us to identify places where we can improve and update the metadata.

Please describe the issue below, and click "Submit" to send your comments to our team! If you'd prefer, you can also send us an email to mhdl@commarts.wisc.edu with your comments.




We use Optical Character Recognition (OCR) during our scanning and processing workflow to make the content of each page searchable. You can view the automatically generated text below as well as copy and paste individual pieces of text to quote in your own work.

Text recognition is never 100% accurate. Many parts of the scanned page may not be reflected in the OCR text output, including: images, page layout, certain fonts or handwriting.

Les Vedettes Laides par André DELONS Un des plus étranges souvenirs d'écran que j'aie gardé, c'est celui d'un film, par ailleurs également fort beau, où le rôle principal était tenu par une femme sur laquelle on déchiffrait avec évidence les stigmates d'une grande laideur. C'était un film russe assez ancien, qu'il me fut donné de voir dans je ne sais plus quelle séance privée, et qui s'intitulait Dura Lex. Je n'ai pas réussi à retrouver le nom de l'extraordinaire actrice qui l'animait, dent émanait une si implacable et humaine laideur que sa seule présence imposait l'idée de tout un destin ravagé par ce don, aussi incompréhensible et aussi difficilement analysable que celui de la beauté. Un corps long et maigre; une figure osseuse mal équilibrée; un regard de chouette, une bouche inacceptable; la démarche d'une solitaire, privée de tout geste inutile, de la moindre attitude de jeu, du plus mince indice de plaisir. Un costume d'amazone : trente années, sans doute, enfermées dans cet incessant hivernage de l'être. A ce moment de ma description, abstraite, grise, infiniment peu suggestive, j'imagine qu'aucun lecteur n'accepterait que je parle du charme de cette femme si je n'y ajoutais quelques précisions d'attirance morbide, biais facile auquel je ne me plierai point. Mais figurez-vous que cette femme, dans ce film, aimait. Vous la voyez déjà réduite aux rôles subalternes, vouée aux sentiments négatifs et aux situations-repoussoirs. Mais son haleine était vivante, sa respiration suivait le rythme de ses actes, et son regard, son regard de chouette, que vous n'osez pas affronter, recélait tous les pouvoirs et tous les symptômes humains, celui de désirer, d'interroger, de supplier, de nier; celui d'aimer. Incapable de céder au luxe de faire valoir son corps, cette aridité lui créait peu à peu une silhouette précise, et, dépourvue des artifices confusionnels qui entraînent le désir, toute vibrante de vérité, couronnée de cette exceptionnelle lumière vulgairement appelée laideur, comme de toute beauté, elle put soulever maintes fois le nostalgique besoin d'en violer le masque et d'en apprendre le secret. 25