La Revue du Cinema (1931)

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Nous vivons au contraire un âge de dissolution et de renaissance, et elle nous apparaît dans sa nudité hideuse. Les hommes de la décadence grecque, ceux de la décadence romaine, ceux de l'an mil, ceux d'avant la Réforme, sont nos frères de misère. Ils appartinrent, eux aussi, à la famille de l'homme nouveau, autrement dit de l'Homme-Qui-A-Perdu-Son-Masque. Mais notre époque se caractérise par la rapidité foudroyante avec laquelle se sont répandus cette méfiance, cette ironie, ce satanisme. Toutes les nations et, à l'intérieur des nations, toutes les classes sociales ont été appelées à jouer leur rôle dans la bouffonnerie de ces quinze dernières années. Toutes sont à même de constater la ruine des principes de l'honnêteté civique, de l'honneur du travail, de la conscience professionnelle, ciments de la société humaine, jusqu'à hier. Marsyas, le bon ouvrier, pend par les poignets, et Apollon, dieu de la victoire, dieu des poètes lauréats, le montre du doigt en riant. L'anxiété de l'homme moderne est faite de la contradiction où les événements de ces vingt dernières années ont placé sa condition d'individu. Le communisme et le capitalisme s'accordent à admettre et à affirmer qu'en franchissant, derrière Bonaparte, le seuil fatal du 18 brumaire, la société humaine a définitivement abandonné 1 époque des solutions privées, 1 ère du salut personnel, cette enfance de l'humanité où 1 âme se sauvait elle-même et par ses seules forces, et que nous sommes entrés dans 1ère des solutions de masse, des choix collectifs, des abandons aveugles aux tyrannies bienfaisantes (I). III La zone de contact entre 1 individu et la société, je la vois assez bien sous forme d'une frêle membrane. Déjà, par temps calme, c'est une surface étrangement sensible. Depuis la guerre, elle est à vif. Personne ne sait plus quelles sont les frontières de l'être et du non-être, où s arrêtent nos propres limites, où commencent celles du monstre public. Personne ne sait plus ce qu il est licite de réserver pour soi et nécessaire d'abandonner au monstre. La guerre a réclamé notre vie, notre jeunesse, nos amours, nos espoirs, nos forces, nos années. Elle était à peine finie qu'un autre monstre a surgi avec son dossier d'exigences, qui n'étaient plus les mêmes, qui étaient contraires aux précédentes, mais tout aussi absolues, catégoriques et mortelles. L'individu rapportait de la guerre l'horreur des grandes abstractions sanguinaires (2). Il ne croyait plus à rien si ce n'est à sa propre existence. Témoin et victime de ce grand désordre, de cette anarchie profonde dont la guerre était la preuve, il souhaitait une remise en ordre fondamentale de la société. C'était cela qu il appelait la révolution. La révolution lui apparaissait beaucoup moins comme l'application et le triomphe d un système politique ou économique, que comme une restauration de la vieille justice bafouée. Ce nom prestigieux symbolisa le désir d'une architecture satisfaisante, mais qui s'appliquât à l'esprit et à la conscience morale.au moins autant qu'à la matière. (1) Différents passages de ce texte sont empruntés, plus ou moins fidèlement, à mon dernier ouvrage, Destin du Siècle, pages 53, 295 et 303. (Editions Rieder.) (2) La première version du Dernier Empereur a été écrite, en 1919, tout de suite après la démobilisation. 36