La Revue du Cinema (1931)

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Or la révolution communiste appelait l'individu à un nouvel acte de foi. Elle lui présentait un nouveau dogme et voulait qu'il abdiquât sans retard devant lui. Certes elle lui promettait en échange l'abaissement des injustes, le châtiment des coupables, l'ordre dans la cité, toute dignité rendue au travail, tout pouvoir au travailleur, et enfin, pour plus tard (sitôt les mitrailleuses refroidies), la paix. L'individu tendait l'oreille. Il écoutait. Pas une fois il n'entendit la parole qu'il guettait, la seule parole à laquelle il fût encore attaché, après soixante mois de servitude, les syllabes chéries entre toutes, le maître mot de l'Occident, le mot liberté. En fait, le vieux problème éternel du conflit de l'individu et de la société se double aujourd'hui d'un second drame, aussi angoissant, le conflit de l'individu et de la révolution. A y regarder de près, ce n'est d'ailleurs que le visage moderne d une tragédie éternelle dont l'un des termes change seul et dont l'autre demeure invariable. Au moyen âge, la lutte était de l'homme et de Dieu. Dans l'antiquité hellénique, les dieux mêmes étaient dans le camp des hommes, et leur bataille commune était avec le Destin. IV I' y a des hommes en qui 1 un des éléments domine l'autre. Si le social l'emporte, nous avons Lénine. Si c est 1 individuel, Socrate. Socrate ni Lénine ne sont des génies douloureux, étant chacun retranché dans la forteresse de sa certitude. Mais Pascal est un génie souffrant et déchiré. L extrême passion de Moravie lui vient de ce qu'il est comme crucifié sur deux croix. Il est à la fois divisé entre 1 individu et la société, et, dans 1 intérieur même de la scciété, le hasard de sa naissance le place à l'exacte jointure du capitalisme et de la révolution. Moravie est un homme des confins. C'est un homme tout en membranes douloureuses. Voilà comment s'explique qu'il est apparu d'emblée comme un héros profondément symbolique, et que tant de spectateurs, tant de lecteurs, se sont reconnus et aimés en lui. C est aussi pourquoi la première figure que j ai donnée de ce personnage a cessé de me satisfaire. En voici une seconde. Ce ne sera pas la dernière. A mesure que la réflexion et l'expérience de notre époque complètent l'image de 1 individu et celle de la société, à mesure qu elles dessinent plus fidèlement les traits du capitalisme et de la révolution, par une conséquence directe, le personnage de Moravie s'accroît et se précise en son auteur. Tant que le grand drame que j'ai défini tout à l'heure restera notre souffrance, il me faudra revenir à Moravie et resculpter cette figure, sans aucun espoir de la parachever. Ambassadeur de notre âge sur les frontières les plus menacées, Moravie revient, de chacune de ses missions, plus lourd de sagesse mais plus chargé de drame. V Ce scénario a été écrit avant la naissance du parlant. On voit assez bien comment il pourrait sortir à présent du muet. Pour donner idée de la façon dont j'envisagerais cette adaptation, je me permettrai de citer, en finissant, une opinion que je formulais, il y a quinze rrois, avant Jean de la Lune et d'autres bons films que nous avons récemment applaudis (1) : (I) Destin du Théâtre, page 178 (Éditions de la N. R. F.). 37