La Revue du Cinema (1931)

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CHARLOT dans la VILLE Une journée de plaisir Une vie de chien Lumières de la ville Ce n est pas la première fois, avec Lumières de la ville, que Chariot se mue en citadin. Il y a déjà environ douze ans dans Une journée de plaisir ou Une V ie de chien, le vagabond errait sur l'asphalte ou se glissait entre les murs. Au début de Vie de chien, préfaçant le film, le dominant, on voyait, stylisés dans un souci d expressionnisme, les gratte-ciels aux arêtes vives et au profil écrasant. De même Lumières de la ville s ouvre par une manière de vue documentaire sur les embarras de New-York et le grouillement hallucinant des voitures dans Broadway. A douze ans de distance c'est donc le même thème que reprend Chaplin. La ville, la même ville, s oppose au vagabond solitaire. Matière tragique, par quoi de tels films cessent d être des divertissements pour prendre une valeur lyrique et une sorte de fatalité. Cette hantise anti-sociale est d ailleurs ce qui, par delà toutes raisons esthétiques ou commerciales presque également négligeables, fait souvent la raison d être et la continuité du cinéma américain. Une angoisse humaine y apparaît : habillé de diverses façons, revêtant dans La Foule et Solitude le veston bourgeois ou dans Ombres blanches la défroque de bons et purs indigènes polynésiens, se barricadant à la manière de Bonnot pour défier seul la police des Nuits de Chicago, emprisonné dans Big House, c'est toujours 1 individu, menacé ou écrasé par la vie sociale, qui dresse sa révolte ou crie son désespoir. Dans le cas de Chariot, ce désespoir s'est-il modifié avec City lights? Chariot a-t-il vieilli? ou plutôt en douze ans ne se serait-il pas embourgeoisé et adapté? Telle est la question, la principale, qui légitimait l attente, l'angoisse même, avec laquelle on espérait et craignait à la fois la représentation de City lights. Il y a douze ans, malgré les apparences, Chariot citadin n était pas dans la ville. Le « hors la loi » n est pas illégal : ce serait rendre un hommage négatif à un ordre de choses qu'il ignore. De même Chariot ne rendait à la ville, où il était contraint de vivre, aucun hommage de haine ou de révolte. Il vivait en marge de la ville, dans les terrains vagues où des objets, égarés comme lui, avaient perdu tout sens et toute utilité sociale : un tuyau de poêle n évoquait plus les innombrables cheminées qui hérissent les toits d immeubles : c'était un cylindre, sans plus, où Chariot, gelé par le froid du matin, pouvait mettre ses doigts à 1 abri de la bise. Une balustrade n était plus la limite qui marque socialement un droit de propriété; c était un assemblage de planches, derrière lesquelles, d un côté ou de 1 autre, du côté privé ou du côté public, Chariot échappait aux regards et aux poursuites des gêneurs; et par les interstices, jouant avec les portes ou se glissant sous les planches, il se livrait à des cabrioles qui n avaient rien à voir avec le droit de propriété, mais qui constituaient simplement un jeu élémentaire de muscles et de finauderie naïve. Dans la ville où chaque individu a sa fonction, sa profession, son pedigree, on ne savait jamais où Chariot allait, d où Chariot venait ni ce qu il faisait. Forçat évadé dans le Pèlerin, on ignorait, et il ignorait sans doute lui-même quel délit 1 avait conduit au bagne et comment il s'en était échappé. Dans une Journée de plaisir, il omettait de nous dire où il était employé le reste de la semaine. Et dans Une vie de chien, nous ne savions rien des avatars qui 1 avaient mené à coucher à la 67