La Revue du Cinema (1931)

Record Details:

Something wrong or inaccurate about this page? Let us Know!

Thanks for helping us continually improve the quality of the Lantern search engine for all of our users! We have millions of scanned pages, so user reports are incredibly helpful for us to identify places where we can improve and update the metadata.

Please describe the issue below, and click "Submit" to send your comments to our team! If you'd prefer, you can also send us an email to mhdl@commarts.wisc.edu with your comments.




We use Optical Character Recognition (OCR) during our scanning and processing workflow to make the content of each page searchable. You can view the automatically generated text below as well as copy and paste individual pieces of text to quote in your own work.

Text recognition is never 100% accurate. Many parts of the scanned page may not be reflected in the OCR text output, including: images, page layout, certain fonts or handwriting.

belle étoile. Ce même film, avec son bal musette, ses apaches et ses vagabonds, aurait pu prêter à des descriptions à la Carco ou à une étude pittoresque des bas fonds. Il n'en était rien : Chariot n était pas sensible au pittoresque. Le monde extérieur se présentait à lui sous une forme trop primitive et naïve, où seules comptaient les qualités physiques communes à toute matière, inerte ou animée, communes à la pierre que lançait Chariot et à Chariot qui la lançait. Il vivait dans un univers miraculeusement borné, sans tenants ni aboutissants, où chacun de ses films apparaissait comme un point isolé de 1 espace et du temps. Les gens qui l'entouraient ne se manifestaient aussi à lui que par leurs caractères les plus immédiats et les plus élémentaires. Il ne faisait pas de différence entre policiers et voleurs : ce n'était qu'hommes plus gros et plus forts que lui, également capables de le meurtrir. Toute thèse sociale lui était étrangère : tout, à vrai dire, lui était étranger, à ce perpétuel dépaysé, sauf les chocs qu il recevait, chocs de haine, chocs de matière, ou chocs d'amour. Sans doute, dans la ville et dans la société moderne, Chariot souffrait plus qu'il n'aurait souffert dans une humanité moins écrasée et moins bousculée. La civilisation standard, le machinisme et la rationalisation multipliaient les blessures, que recevait cet inadapté. Mais ces meurtrissures n étaient spécifiquement ni modernes, ni urbaines : l'exemple de L'Idylle aux champs le montre assez. Elles étaient vieilles comme le monde : depuis que l'homme est homme, c'est-à-dire sensible, conscient et faible, le monde extérieur, peuplé d êtres agressifs, régi par des lois inhumaines, soumis à des forces physiques inexorables a dû lui causer les mêmes souffrances. Et, malgré les apparences et le cadre, nous étions il y a douze ans avec Chariot très loin des gratte-ciels. Il faut convenir qu'avec Lumières de la ville nous en sommes beaucoup plus près. City lights c'est en gros le film de l'homme inadapté qui maladroitement, gauchement mais continûment, est contraint de chercher à s'adapter. Chariot, déterminé par une intrigue amoureuse, dont la sentimentalité un peu niaise n est pas le pire défaut, cherche à gagner de l'argent, à « trouver une situation », pour employer à dessein des termes aussi banalement sociaux qu'il est possible. Tandis que, dans ses films de jadis, la société le cernait, l'assiégeait, sans point de contact, sans contamination possible, il y a dans Lumières de la ville une contagion permanente de la ville à Chariot. Ses gags mêmes, dont certains rejoignent le caractère élémentaire et naïf d autrefois, ont cependant pour la plupart leur importance ou leur burlesque soulignés par des facteurs sociaux. Chariot, dans un embarras de voiture, traverse de porte en porte une somptueuse automobile, dont il descend majestueusement comme de la sienne propre : gag sans doute, mais dont la force comique se trouve soulignée par la conséquence sociale qu'en tire la marchande de fleurs :«Charlot, pour descendre d'une pareille voiture, ne peut être qu'un riche». Chariot sur la statue, s embrochant au glaive de pierre, ou faisant avec les personnages allégoriques des ensembles mi-pétnfiés, mi-vivants mais tous également sarcastiques : gag, dont la valeur se trouve accrue ou modifiée par la présence autour du socle, de toute une foule officielle, orateurs, policiers, fanfare. Le coup du serpentin : dans un restaurant de nuit, Chariot mangeant des spaghettis, les confond avec un serpentin de papier : gag, qui, pourrait à première vue rappeler le repas de La Ruée vers l or et la dégustation des lacets de soulier. Mais dans City lights. Chariot n'est plus seul : et son gag a son importance accrue par le scandale qu il provoque dans une assistance adaptée et riche : facteur social. Et puis il y a cette « ennuyeuse question d'argent », pour reprendre un poncif bourgeois, qui intervient à chaque instant dans le film. Une des images dont on ne 68