La Revue du Cinema (1931)

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La Société des Cinéromans, propriétaire du film en question, assigna Moussinac devant le Tribunal civil de la Seine, soutenant que ces termes impliquaient non une critique loyale et sincère du film, mais bien plutôt l'expression d une attaque volontaire malveillante. Le Tribunal donna raison à la Société des Cinéromans, dans un jugement en date du 20 mars 1928. Naturellement, Moussinac fit appel de cette décision, qui n'était nullement en harmonie avec les principes de la jurisprudence, et la Cour de Paris, dans un arrêt en date du 12 décembre 1930, réformant le jugement, donna entièrement gain de cause au critique. A 1 occasion de cette décision de la Cour, que nous sommes heureux de faire connaître aux lecteurs de La Revue du Cinéma, il nous paraît intéressant de passer rapidement en revue l'histoire judiciaire de la critique et de résumer les principes qui s'en dégagent. La législation française ne s'est jamais occupée spécialement du droit de critique. Les tribunaux ont été amenés peu à peu à le définir au moyen des lois existantes et la notion s'en est formée à mesure que des questions nouvelles s élevaient dans la pratique. Aujourd hui, on peut considérer que la jurisprudence, depuis plus d'un siècle qu elle examine ces questions, est, dans son ensemble, définitivement fixée. C est seulement, en 1834, qu'auteurs et critiques vinrent, pour la première fois, demander justice de trancher leurs querelles : le Directeur de La France littéraire avait déposé une plainte en refus d insertion contre le gérant du Constitutionnel. L'affaire fit d'autant plus de bruit que Théophile Gautier était 1 auteur de 1 œuvre critiquée. Très rapidement, la jurisprudence a sù dégager les principes qui doivent présider l'activité de la critique. Malgré les vives réclamations de ceux qu elle peut léser dans leurs intérêts moraux et matériels, les juges ont compris que la critique est un droit qui s impose dans un intérêt général : « Seule ou presque seule de toutes les grandes littératures modernes, dit Brunetière, qui n'a jamais eu la réputation d'un esprit révolutionnaire, si la littérature française a ce que l'on appelle une histoire suivie; si la succession des grandes époques y est à peine interrompue de loin en loin par quelques époques plus pauvres; et, si la régularité même de cette succession n'a pas laissé d aider au développement des meilleures qualités de l'esprit français, il y aurait plaisir à faire voir que 1 honneur en revient pour une grande part à la critique (1). » Pourquoi la critique est-elle devenue un droit? Parce que, dit Brunetière dans un procès célèbre « l'auteur d'une œuvre théâtrale provoque le public en mettant sa pièce à la scène ». Le romancier et l'auteur dramatique convient le public à juger leurs ouvrages, et ce faisant, ils se sont engagés à accepter sa décision quelle qu'elle soit, fût-elle un arrêt de condamnation. Ils ont ainsi permis à tous d'apprécier leur réputation littéraire, de 1 attaquer, même de la détruire. En droit commun, un pareil empiétement sur la liberté individuelle est réprimé par la loi, mais ici ce sont les auteurs eux-mêmes qui 1 ont sollicité et il se sont interdit d'avance de recourir à la protection légale. Certes, ce droit justifie les appréciations que le journaliste peut porter contre une œuvre, ces appréciations dussent-elles nuire à l'auteur de l'œuvre, mais à la (I) Revue des Deux-Mondes, 1898, t. CXLI, p. 458. 71