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Correspondance
Nous avons reçu une lettre de M. Marcel l'Herbier :
Monsieur le Rédacteur en chef.
Dans le numéro d'avril de La Revue du Cinéma vous publiez un article de M. Denis Manon intitulé Une Ethique du Film IV : Le Mystère de la chambre jaune ».
Malgré l'importance de votre revue et le préjudice considérable que peuvent causer les opinions justes ou non qu'elle propage, je me garderais de répondre à votre collaborateur, si son article était de pure critique.
Dans le même numéro, Louis Chavance juge également mon film (votre revue me comble.) Son article est dans le plan exact où l'opinion reste opinion cntique, n'engage que son auteur, réserve la personnalité du justiciable, tient compte intelligemment des conditions de la création cinématographique, si différentes des conditions de la création artistique.
Il n'y a donc qu'à accepter. Se taire.
Et pourtant certaines réserves de Louis Chavance semblent d'une légèreté paradoxale.
1° L'époque de Leroux n'était pas, comme il l'écrit na vement, plus bête que la nôtre, qui sera stupide dans trente ans; 2° Le scénario de La Chambre jaune n'était pas 11 tout fait ». La date du récit, 1892, devrait préserver Chavance d'une affirmation si optimiste; 3" Cette obsession de l'abstraction, de la déduction mathématique, de la réduction du mystère latent à une sorte d'équation primaire, ce souci bourgeois de la logique dans l'absurde font sans doute de Leroux, génie sans doute mais génie d'avant le cinématographe, d'avant Fantômas, l'un des moins photogéniques parmi les romanciers du genre; 4° La bête « du >» bon dieu (et non à », comme Chavance 1 estropie) a été réalisée dans mon film, mais supprimée au montage, parce quobligatoirement risible ; 5° 11 II va falloir manger du saignant » (une des clés poétiques du Mystère) a été supprimé, mais à grand regret, et parce qu'il fallait supprimer l'aubergiste. On ne fait pas un film de quatre-vingt-dix minutes sans trancher dans un roman en deux volumes où vaguent une vingtaine de personnages épisodiques).
Mais revenons à M. Denis Manon, professeur de morale cinématographique.
Son chapitre IV qui attente, dès le début, à la morale critique et s'égare vers la fin dans la comptabilité fiscale, commande non pas tant une réponse que des rectifications matérielles et, par-dessus tout, de 1 étonnement.
Comment un écrivain qui vise l'essentiel, qui s'exprime dans une revue, éprise de rigueur, peutil baser un chapitre de son ETHIQUE DU FILM (vaste entreprise) sur une production aussi occasionnelle que La Chambre jaune, aussi peu représentative de la valeur (positive ou négative) de son auteur, et qui ne constitue, de toute évidence, qu'un délassement populaire d'ordre exclusivement commercial?
Il y a, en effet, de quoi s'étonner.
Et pourtant... si l'on tient compte que le troisième chapitre de cette ETHIQUE est consacré à La Ligne générale, le deuxième à L'Ange bleu, le choix de mon film comme quatrième tête de turc devrait plutôt me sembler flatteur (I).
Mais ne nous laissons pas étourdir par des rapprochements si avantageux....
Rapprochons plutôt l'une de l'autre les diverses positions que M. Manon prend dans ses divers jugements. Pas une qui témoigne de cette probité spirituelle que ce critique versatile exige si impérativement des auteurs de films. En toutes il se contredit. Ce juge, qu'on espérait de roc, on le voit tourner à tous les vents du blâme, comme un simple opportuniste du • débinage ».
Un exemple est décisif : Marion écrit (Ch. II). — « Je juge la version allemande de L Ange bleu « sans tenir compte de la mesure dans laquelle elle reflète la nouvelle originale d'Heinnch Mann ». Excellente déclaration que Marion améliore encore par ce corollaire : « Mon dessein ne comporte pas le procès des adaptations. » Puis il donne de ce dessein une explication si judicieuse qu elle méi itérait d'être inscrite en tête de chaque critique de film : « D'être dues au souci de suivre fidèlement un texte, n'excuse pas les fautes que je signale. Et si elles proviennent d'une interprétation inexacte, leur gravité ne s en trouve pas accrue. »
(1) D'ailleurs, sous la plume de M. Marion, l'éreintement lui-même devient flatteur. Sa brillante série n étant qu'éreintement. Ereintement général des metteurs en scène français, et éreintement partiel de La Ligne générale (ch. III). Ereintement définitif de L'Ange bleu qu'il extermine ainsi : Von Sternberg, seul, porte la responsabilité d'avoir fait et signé un film aussi ignoble. » (Eth., ch. II).
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