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LES LIVRES DU JOUR
HELEN ZENNA SMITH
PAS SI CALME
Traduit de l'anglais par R. BRU A
Helen Zenna Smith, jeune fille du <c meilleur monde », s'engage comme volontaire dans l'armée anglaise, au début de la grande guerre, en qualité de conductrice d'ambulance. A son embarquement pour la France, elle reçoit sous enveloppa cachetée, une note confidentielle où elle lit entre attres :
« ... Chacun dans sa sphère.
Dira la chose telle qu'il la voit,
Pour le Dieu des choses telles qu'elles sont ».
Après quelques semaines, elle a vu, — et elle dit . . . La nuit, chaque nuit, cramponnée au volant dans l'angoisse de la défaillance qu'elle n'est pas sûre d'éviter, elle attend l'arrivée du train de blessés. . . Elle voit, — et elle dit. . . tcoutez :
• Oh I venez avec moi, Mère et M Evans-Mawnington, que je vous montre quelques spécimens qui arrivent droit
du champ de bataiile. Voilà quelque chose d'original à raconter à vos comités, pendant que les autres tricotent leurs kilomètres de chache-nez kaki. ■ ■ quelque chose à lancer du haut ae l'estrade, à vos meetings de recrutement. Venez avec moi. Mettez-vous là. Voici le convoi qui entre lentemeent en gare, lentement, si lentement. Dans une minute il dégorgera sa lamentable cargaison. Les portes de mon ambulance sont ouvertes, toutes prêtes. Voyez. Le train a stoppé. Regardez bien, Mere et M"" Evans-Mawnington. Ces civières supportent chacune quelque chose qui fut, jadis,
un homme intact, les héros qui ont fait leur devoir envers l« Roi et la Patrie, ceux qui défilaient gaiement par les rues de Londres, en chantant Tipperary, tandis que vous les acclamiez et agitiez frénétiquement vos drapeaux. Vous remarquerez que, -.e soir, ils ne chantent pas. a Ne partez pas, Mère et Atn" Evans-Mawnington, ne partez pas! Il y en a et il y en a, des blessés couchés que vous n'avez pat encore vus... des hommes aux yeux mourants, désespérés, qui ne veulent pas mourir . . . des hommes aux yeux vivants, désespérés, qui ne veulent pas vivre. Attendez, attendez, j'en ai tan! à vous montrer avant que vous ne retourniez à vos comités et à vos meetings de recrutement, avant que vous n'allongiez votre liste derscrues, ces jeunes recrues que vous enrôlez si fièrement avec vos discours patrictiques, vos rostttes rouges, blanches, bleues, vos plumes blanches, vos insultes, vos mensonges.. ■ n'importe quel sale mensonge, pour avoir une victime de plus. Quoi ? Vous n'y tenez plus ? Vous vous en allez I Je ne croyais pas que vous resteriez, mais il faut que je reste, moi, dites ? Vous m'avez envoyée ici et vous m'y garderez. Vous m'avez donné par force une auréole. Je suis une des admirables jeunes femmes qui sont en train de gagner la guerre ».
Elie voit et elle dit... Ecoutez cette voix de jeune femme qui a vu la guerre, qui fait la guerre, cette voix ardente et désespérée que vous n'oublierez plus...