La Revue du Cinema (1931)

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REVUE DES LIVRES ÇA, C'EST DU CINEMA, par Georges Altman (Editions « les Revues »j. Ce titre, illustré par la photo d'un baiser en « plan américain », donne le ton du livre dans lequel Altman entreprend de montrer ce qu'on a fait du cinéma, ce cinéma que « nous » aimions tant à ses débuts (« nous » représente un tout petit nombre qui diminue probablement chaque jour) et qui est devenu, de progrès en progrès, le plus dangereux des stupéfiants — « opium du peuple » porte la bande de vente. Le peuple, c'est-à-dire la grande masse du public, va au cinéma, saine distraction, pour se reposer de son travail et autant que le travail, le cinéma qu'il accepte sans défense (on ne réfléchit pas, on ne discute pas, on n'apprécie pas, on ne juge pas, on n'est pas très « intelligent », quand on est fatigué par huit heures de bureau ou d'usine) autant que le travail, le Cinéma l'abrutit. C'est son but, dit Altman; excellente soupape de sûreté qui permet de divertir, de détourner, d'occuper une humanité » (page 58). Vaste entreprise : « Ils sont deux cent cinquante millions de gens qui, une fois par semaine au moins, vont au Cinéma dans les soixante mille salles obscures de la terre actuellement existantes. » Que voient-ils? Invariablement que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Pour le prouver on s'y prend de différentes manières selon les exigences — bien connues des marchands — des différents pays ; il faut à la France de la gaudriole alors que l'Allemagne veut de la tendresse et l'Amérique du sport et du sentiment, mais le thème est identique : que la jeune fille soit brune ou blonde, le jeune homme riche ou pauvre, l'action située à la ville ou à la campagne, la vertu sera récompensée, le vice puni, l'amour triomphant et tout finira par un baiser. Chaque film, digestif, soporifique, édifiant et consolateur, atteint son but. « La morale d'un film est méthodiquement orientée pour que tout rentre dans l'ordre... que les Premiers restent les Premiers et les Derniers, les Derniers, sauf si l'un des Derniers trahit ses frères pour chaleureusement être accueilli par les Premiers » (page 61). Voici l'essentiel du livre d'Altman. Le Cinéma, puissant moyen d'abêtissement, donne au peuple une image de la vie systématiquement fausse, « il ne s'évade pas de la réalité dans le rêve ou dans la fantaisie, mais dans une réalité cossue, pansue et dorée sur tranche > (page 57) à laquelle, pour un instant, du fond de son fauteuil, dans le noir de la salle, le spectateur béatement participe. Le mensonge est partout. « L'actualité qui devrait être la vérité nue et photographiée n'en est plus qu'une image partielle et fausse ». Elle devrait, autant que le documentaire — Altman cite La Ligne générale, La Terre, Turksib, qu'il considère, comme de splendides actualités — rappeler au cinéma « que le monde existe »; or elles ne montrent que « cérémonies officielles, inaugurations de monuments, parades, défilés de mannequins, courses d'autos et sports d'hiver ». Les films de guerre, dits « pacifistes », donnant la guerre « comme une sorte de cataclysme naturel, inéluctable, contre laquelle on ne peut rien » (page 120), prêchent aussi la résignation. C'est la grande leçon que le Cinéma donne au peuple : Tiens-toi tranquille, et au commandement « En avant ! marche ! » Un des meilleurs chapitres est consacré au « film d'aventure » qui s'est peu à peu métamorphosé en « film de police ». Qu'on se souvienne des bons vieux films, ceux de Douglas, par exemple, « où l'autorité, la police, l'armée, sont toujours bafouées et vaincues, où la sympathie va aux bandits dressés contre la loi (page 145). Aujourd'hui « tqut se rallie en fin de compte à la loi de l'ordre et de la police » (page 155). 11 ne s'agit plus dans un film policier de résoudre un problème pour le plaisir de l'esprit (cf. Arsène Lupin) mais de faire respecter la loi. 70