La Revue du Cinema (1931)

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lame, Juve. Il est incompréhensible — mais il FAUT l' ADMETTRE — que Fantômas réussisse à se grimer d'une façon si magistrale. Du moment que l'écran nous le montre, nous n'avons pas besoin d'autres preuves. Le cinéma a d autres lois que le roman. Comme lecteur, nous éprouvons un intérêt objectif, comme spectateur un intérêt subjectif. Dans le roman nous pouvons vivre avec le criminel, monter avec lui la machine infernale. Au cinéma nous sommes dans la salle, dans le champ de tir. Nous voyons le spectacle machiné par Fantômas. L'inconnu de ses intentions, l'attente de l'explosion fatale, l'angoisse du moment du crime et de ses circonstances, est ce qui nous hante. Mystère de la décision de Fantômas, mystère de son identité. Il PEUT ÊTRE tout le monde, même moi, spectateur! Horreur! Délice! Serais-je Fantômas? En fait l'homme à cagoule n'est PERSONNE. Génie du crime — Réalité du décor — Cruauté infinie — Inconnu tragique : 4 conditions essentielles sans quoi Fantômas reste un film commun. J'en ajouterai une autre : La CONDITION DE l'absurde condition de tout spectacle, multipliée ici par l'énorme fantasmagorie du personnage. Fantômas a besoin qu'on le crie. Ce ne sera jamais un film parlant. L'auto qui vient sur l'écran s'avance dans un grondement de tonnerre. La femme qui hurle déchire le cœur du spectateur le fondu au noir emporte son cri dans la nuit. Les éclats de voix des comparses vibrent comme des coups de feu. Fantômas, à la voix sombre, lointaine, grossie soudain, prononce des paroles mystérieuses. Il semble, d'instinct, que l'écran doit déborder sur la salle, déverser Fantômas sur le public. Il doit venir de très loin jusqu'à très près, sortir du premier rang d'orchestre et s'enfuir à l'horizon. Fantômas est inaccessible au spectateur. Il arrive comme la foudre avec des allures de monstre. Et, tout à coup, l'écran s'éclaire. La vie redevient normale, aisée. La rue de Rivoli est paisible ; les acteurs sont naturels, spontanés, joyeux. Fantômas est passé. Il est peut-être présent, sous un déguisement plein d'une bonhommie enjouée. Scène de détente, de gaîté, jusqu'au rayon de soleil qui éclaire les fleurs près de la fenêtre. Fandor fait des plaisanteries, courtise la jeune fille. Tout à coup, l'horreur monte : les fleurs sont empoisonnées. La jeune fille tombe morte dans les bras de Fandor. Une main verrouille la porte — la maison va sauter. Le drame recommence, galope. Nous avons cru Fantômas apaisé. Innocents que nous sommes! Fantômas n'est pas un capricieux. Son besoin de crime est constant. Sa vie n'est pas un vagabondage. C'est une œuvre. Voilà les quelques réflexions que, spectateur de Fantômas, j'ai hâtivement notées. A partir du moment où on le conçoit comme intelligent, réel, mystérieux, cruel, absurde, réaliser Fantômas est un jeu... Pardon! Un jeu de bandit! Feuillade avait peut-être une apparence d'honnête homme. Se dévouer à l'effroyable est une tâche qui demande une certaine discipline. Elle n'envisage pas de satisfactions, peut-être des tourments. — Qui sait ce que Fantômas nous prépare? Il ne plaisante pas. Le personnage le plus délicat de Fantômas, c'est Juve. Sans Juve, Fantômas ne serait qu'un documentaire du crime. Avec Juve, c'est un spectacle. Le chien policier suit le loup bandit avec un flair incompréhensible. Où Fantômas passe, 10