La Revue du Cinema (1931)

Record Details:

Something wrong or inaccurate about this page? Let us Know!

Thanks for helping us continually improve the quality of the Lantern search engine for all of our users! We have millions of scanned pages, so user reports are incredibly helpful for us to identify places where we can improve and update the metadata.

Please describe the issue below, and click "Submit" to send your comments to our team! If you'd prefer, you can also send us an email to mhdl@commarts.wisc.edu with your comments.




We use Optical Character Recognition (OCR) during our scanning and processing workflow to make the content of each page searchable. You can view the automatically generated text below as well as copy and paste individual pieces of text to quote in your own work.

Text recognition is never 100% accurate. Many parts of the scanned page may not be reflected in the OCR text output, including: images, page layout, certain fonts or handwriting.

mode d'expression qui venait de l'assouvir, de telle sorte que chaque œuvre marque à la fois une possession et une fuite. C'est ainssi que d'une vieille légende allemande qu'il était facile à un homme moderne de traiter de haut, d'expliquer humonstiquement, à un décorateur érudit de tripoter agréablement, Murnau a fait en |92 I Nosfératu le Vampire sur un mode de narration très grave, comme d'une atroce expérience. Je ne sais si les films suivants, inspirés eux aussi du fond atavique lui ont permis d'approcher l'Absolu d'aussi près, toujours est-il que Murnau, se récusant devant le réalisme qui fit suite à l'expressionisme, a triché tant qu il a pu pour pouvoir déformer à son aise Le Dernier des Hommes. Le péché, autre forme de l'absolu, ne le lâchera désormais plus, qu'il soit le sujet même de Faust ou une menace sous-jacente dans ses films américains. Ceux-ci sont venus quand Murnau, ayant épuisé les vieilles angoisses européennes s'est tourné avidement vers ce qu'il croyait être l'Absolu physique, les beaux gosses si naturels, les immenses champs de blé, les cités monstrueuses. Mais entre sa vision ardente et l'écran, il y a Hollywood, les putains cérébrales et le vieux péché replâtré, étiqueté, aphrodisiaque sournois. Ni dans L'Aurore, ni dans City Girl il n'a voulu faire état de ces mensonges. Il a crâné. Mais avec quelle joie il a rendu sa bible au vieux Tustine et cinglé vers Tahiti. Là encore il s'est récusé. Devant le douanier, devant les gilets de flanelle. Fera-t-il un documentaire, monté au petit bonheur des paysages, pour bercer les pantouflards d'Europe? Des scénarios qu'on lui présente, il choisit le plus implacable : les sortilèges heureux doivent rejoindre Faust. Il est bien certain que les admirables sous-titres français de Nosfératu nous préparent à recevoir le film. Solennels avec leur gaucherie syntaxique, inutiles et en quelque sorte parallèles à l'histoire, ils ont un ton d'étrange récitatif. Nosfératu atteint à l'horreur sacrée par le truchement d'un genre littéraire spécialement germanique. C'est pourquoi il y a un léger abus à comparer le film à l'œuvre, par exemple, de Chinco. Si tous deux, dans les moments de concentration nerveuse, aiguë, intolérable qu'ils provoquent, dépassent l'un le cinéma, 1 autre la peinture et se rejoignent, leurs jeux pour parvenir au stade unique de la Peur sont différents. Dans Nosfératu l'attente joue un grand rôle, une attente surpeuplée, tarabiscotée, lancinante, comme la menace interne d'un sang fou, tandis que les glacis de Chinco sont les lieux extrêmes, tels de toute éternité, du silence total, du vide. Les paysages participent à l'envoûtement, le préparent sournoisement par ce qu'ils ont de réel et de reconnaissable. Mais ils ne sont pas une fin en soi : il faudra attendre 1 extraordinaire film d'Alexandre Room Le Fantôme qui ne revient pas pour connaître l'horreur des immensités nues, sur lesquelles le soleil ni aucun sentiment humain ne mordent, des dunes qui prennent un aspect lunaire en plein jour. Quoique j'aie vu Nosfératu plusieurs fois, il y a certaines scènes que je n'ai pu user, entre autres celles où Murnau a utilisé l'accéléré. Ce truquage est, je crois, plus terrible que le ralenti, dont le caractère étouffant, atroce, peut être caché par une souplesse gracieuse ou transféré en béatitude d'aquarium. C'est l'accéléré qui donne une signification terrible » à certains Mack Sennett. Le gag exige une concentration rapide qui, dans la seconde où elle reste insolite, n'est pas essentiellement différente de l'épouvante. Songez aussi à la gêne qui vous prend à la vue d'une plante qui pousse à l'accéléré. Le rythme végétal est devenu rythme animal. Nosfératu, c'est le rythme animal changé en rythme démoniaque. Artiste, comme on dit, jusqu'au bout des ongles, Murnau a le préjugé des fins tristes, même lorsque l'inéluctable n'est pas en jeu. Pour lui le bonheur est une insupportable faute de goût, à moins qu'il ne vienne comme dans L'Aurore sous le signe mystique du rachat. On se souvient, à la fin du Dernier des Hommes, après 26