La Revue du Cinema (1931)

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l'envergure des Etats-Unis et les huit coups de téléphone de l'infatigable Bill. A Joinville, on fabrique les onze copies. Les traducteurs travaillent sans redresser le dos. Ce sont dramaturges sifHés, génies méconnus, Shakespeares en chômage. Ils traduisent des dialogues aux profondeurs lyriques : « Mary, vous m'avez remis dans le droit chemin! »... « John, quand vous serez solide sur vos pieds, c'est avec joie que j'unirai ma vie à la vôtre... » Comment cela se dit-il en suédois?... Comment, en portugais?... « Solide sur vos pieds... » L'ombre de Hays, le véhément prophète aux longues oreilles, plane au-dessus de Joinville. « ... dans le droit chemin »... Le Code de la morale. Paragraphe cinq. Un polonais sourit respectueusement. Mary triomphe partout, une superbe Mary de Délias ou de Pittsburg, la fille d'un méthodiste, une honnête travailleuse, une étoile aux dents éblouissantes et au sourire impeccable. Deux fois seulement elle change de robe et montre à cette occasion quelques rondeurs ; en revanche, à quatre reprises, elle parle des idéaux les plus élevés. Les traducteurs traduisent, les dactylos tapent, le Saint-Esprit descend sur les peuples de l'Europe. Cependant, dans les studios, les machinistes s'affairent. Ils fixent les décors. Comme les objets sont plus honnêtes que les gens!... ils ne connaissent pas de frontières ; un ht est partout un ht, en Suède comme en Italie. Les machinistes traînent un lit. Les décors sont combinés à Hollywood. Ici, il n'y a qu'à regarder des photographies et à donner des coups de marteau. Le ht à droite... Sur le buffet, un vase avec des roses... John s'approche d'abord du piano, puis respire les roses. C'est le John qui a été remis dans le droit chemin. Amenez vite le lit, le beau lit de milieu!... Mr. Robert Kane continue à dicter : « Nous assurons aux artistes européens une pleine liberté pour leurs créations... » Le scénario est imprimé et distribué aux metteurs en scène. Sept versions. Huit parties. Le film doit être fabriqué en douze jours. Les frais sont si grands!... Le représentant de la Paramount à Bucarest recrute en hâte des acteurs. A Bucarest, personne ne fait de cinéma. A Bucarest, on va voir les films américains, on n'a pas de rêves plus ambitieux. Les acteurs sont immédiatement expédiés à Joinville. Ils clignent des yeux : ils ne sont pas habitués à cette lumière. Ils ont une gesticulation pathétique : ce sont les meilleurs tragédiens de Bucarest. Le metteur en scène désespéré crie : « Tenez vos bras tranquilles! », « ne fermez pas les yeux! » Puis, il cesse de crier : qu'est-ce que cela peut bien faire?... Avec ou sans yeux... Le film doit être fait en douze jours. Près du lit, une ardente beauté et un bellâtre aux joues bleutées. Ce sont les étoiles de Naples. Ils savent, c'est certain, s'injurier magnifiquement. Lui, joue au banco-lotto, crache et boit des rasades de gros vin. Elle, séduit les vaillants fascistes et sait faire le macaroni. Bien entendu, tous deux, à chaque occasion propice évoquent le « Jesu Bambino ». Ici, ils sont John et Mary. Il redonne le pli convenable à sa pochette de soie. I! regarde tristement le ht de milieu mais s'étant rappelé qu'on l'a remis dans le droit chemin, il respire énergiquement les fleurs. Six heuies moins cinq. Le metteur en scène regarde fébrilement le cadran. Sentez-vite! ... Six heures. Une nouvelle équipe entre dans le studio : les Suédois. Derechef John et Mary. Lui est long et correct. Freken a des taches de rousseur. Au pays : les skis, les tartines de beurre, le fiancé et la fiancée, le soleil de minuit, les rêves paisibles. Ici, le même lit, les mêmes roses. « Quand vous serez solide sur vos pieds... » John regarde ses longs pieds... Oui, oui, quand il aura sa place de directeur de banque à Pittsburg! Mary sourit. Souriez vite! Les Roumains vont arriver. Puis les Portugais. Puis les Polonais. Impossible de prendre son temps! Le film doit être prêt au jour fixé. Mr. Kane dicte : « Nous poursuivons des buts purement esthétiques... » Il 4