La Revue du Cinema (1931)

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Et quelle leçon de prudence! Je crois que la « réalité n'a jamais été plus mal en point qu'en ce moment. — Il se pourrait bien, me disait-on un jour, que le cinéma crée de toute pièce un monde qui n'a rien de commun avec le monde réel. Monde réel! Laisse-moi rire. L'objectif qui giossit, rapetisse, allonge, ralentit, accélère a aussi raison que nous. Voici que nous pouvons voir le monde maintenant avec le regard du cheval, de l'escargot, de la mésange, du dromadaire. Ces gestes infiniment lents du cheval qui galope, cette lente ascension de la haie, cette trajectoire de la balle qui avance dans l'air à une vitesste d'écrevisse, ce personnage qui tombe du trottoir sur le toit, cette moisson d'images ramassées dans les bouillons de culture! Jamais l'œil humain n'avait connu pareille fête. — Mais pourrait-on me répondre, vous avez l'étonnement de celui qui découvre le monde. Pardon, monsieur, je découvre le monde à travers le cinéma, ce n'est pas la même chose. Les gestes les plus communs — avancer la main vers une poignée de porte, ouvrir un livre — peuvent prendre à l'écran (et là seulement) une grandeur tragique, se charger de fantastique. Le cinéma redonne à l'homme, à la bête, aux objets de l'importance. Il les hausse jusqu'à lui. Les gens qui sortent d'une salle de cinéma sont plus vivants qu'avant d'y entrer. Ils redécouvrent le monde, se transforment en explorateurs. — Comme c'est beau un homme qui marche, songe le spectateur du deuxième rang à gauche, dans la salle obscure. L'image, le langage le plus direct, le plus universel, la première langue humaine règne en maîtresse ici. Notre réalité, le cinéma la broie, la digère, nous la montre entièrement transformée. Il regarde la monde avec des yeux d'enfants et lui confie une nouvelle jeunesse. L'opération de l'objectif est la même que lorsqu'on fixe longuement une table à la fin d'un repas. Ce verre d'eau devient un lac, un puits aux reflets de nacre ; cette assiette blanche une nappe recouverte de neige; ces miettes de pain se mettent en mouvement, ce sont des traîneaux qui glissent vers un groupe d'isbas. Eternelle fantasmagorie du monde. Marc Bernard. 63