La Revue du Cinema (1931)

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s'il ne la considère plus comme décor, mais comme acteur dont les ressources sont infinies. Quant à la faire servir de fond ou d'arrière-plan immobile, de décor figé, autant rester au studio et jouer avec les lumières ; c'est plus commode et plus sûr. Si le cinéma regarde le ciel et la terre, qu'il en donne une autre image. En fait, il n'est pas encore de film qui soit totalement à la mesure des mers, des ciels, des plaines ou des montagnes. Et pourtant, dans les arts, le cinéma est le seul qui puisse exprimer l'air et l'élément, en leur exactitude lyrique ou épique. Qu'on laisse au théâtre sa machinerie, à la peinture son cadre étroit, sa fixité ; œil géant et multiple, le cinéma peut voir tout et tout exprimer, dans l'univers qui s'offre à lui; en surface comme en profondeur. Quelle «marine» vaudra cette vague blanche et tordue qu'un bout d' « actualité » nous jette en pleine face, presque jusqu'à nous en faire sentir le goût et le bruit? Un arbre légèrement balancé, dans un coin d'écran, dira-t-il pas mieux la vie végétale que tous vos récits et tous vos pinceaux? Voici qu'un écrivain de nature découvre le destin du cinéma. C. F. Ra muz, dans Beauté de la montagne, écrit : « Le cinéma, voilà, je pense bien, l'art neuf, l'art éminemment docile encore pour qui est faite cette « beauté ». Je dis qu'elle est faite pour lui parce que c'est lui seul qui pourrait l'exprimer tout entière grâce à sa technique et à ses moyens. L'échelle ne le gêne pas (comme elle fait pour la peinture) ; il a toutes les échelles et contradictoires ; tour à tour il les détruit l'une par l'autre, puis l'explique, puis les hiérarchise et ça pourrait même être là tout son sujet. Le cinéma n'est nullement gêné par le Cervin, par exemple, car il expose d'abord un Cervin nu qui peut avoir deux mille mètres de hauteur ou un mètre seulement ; on ne sait pas. Mais il expose un homme debout à côté de la montagne, en parfaite familiarité avec elle, et qui a exactement sa taille, puis il précipite l'homme à ses pieds ou le suspend à ses abîmes ; il a toute la liberté de mise en page qu'on voudra, parce qu'il a toutes les mises en page étant successif comme la littérature ce que la peinture n'a pas. Il n'a pas la coloration il est vrai, mais il a la couleur, ayant la lumière. Il a l'intimité quand il veut, étant capable de profondes ressemblances de matières ; il peut nous donner l'impression du grain de la roche par exemple, en même temps que la parfaite image d'une petite fleur balancée dans le vide au bout de sa tige par le vent qui monte et descend. Car il peut exprimer le vent, il exprime l'air, le nuage, il exprime le mobile, il exprime la fixité, ce qui demeure, ce qui passe : il faudrait seulement qu'une fois il consentît à tirer parti de ses propres moyens qui sont immenses et presque entièrement inexplorés... Il faudrait seulement qu'il consentît à se mettre à l'air, lui aussi. Je sais bien que jusqu'ici, quand il a abordé la montagne, cela n'a guère été pour lui que l'occasion d'y faire admirer quelques acrobaties ou d'y mettre en scène très mal (mais dans des costumes « locaux ») une petite histoire locale et de piétiner dans le folk-lore ; c'est hélas que le cinéma bien que tout neuf a déjà de mauvaises, de très mauvaises habitudes ; ce n'est pas de ce cinéma-là que je parle. L'autre, le vrai, je viens de tâcher d'indiquer quelques-uns de ses moyens, je les mets en face de certaines possibilités et il me semble que la rencontre serait on ne peut plus favorable... » Nous avons souligné certaines phrases : elles expriment avec bonheur les rapports du cinéma et de la nature. Nous sommes donc loin ici du documentaire tel qu'on l'imagine et tel qu on le voit. La montagne — exemple de Ramuz — est en effet l'un des spectacles les plus difficiles à exprimer par l'écran. Les diverses ascensions qu'on nous a montrées ne sont en effet guère plus vivantes que les acrobaties dont parle Ramuz. Je vois 36