La Revue du Cinema (1931)

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L'histoire de Morocco est exactement faite pour ne pas être prise au sérieux par la plupart des Français. Les Français qui, mieux que par exemple les AngloSaxons, supportent la dureté d'une aventure qu'ils s'appliquent à maintenir loin d'eux dans la fiction, sont aussi incapables, par défaut de sentimentalité, de se laisser emporter par quelque chose qui ne suit pas les sentiers inconfortables de leur réalité. Il leur faut de la fiction vraisemblable, ou plus exactement dont la vraisemblabihté correspond à leur idée habituelle de la réalité des événements et des sentiments. Et si c est trop vrai... alors on vient les gêner chez eux, on attaque leur liberté individuelle ou plutôt individualiste. N'avez-vous jamais entendu ces voisins soigneux qui, quand la pluie se met à tomber dans le décor, s'écrient : " elle va se faire tremper! ... et si un homme saute trop vite dans un train qui emporte une femme qui l'intéresse, abandonnant sa valise dans la salle d'attente... « il a oublié sa valise! »... Tout de suite 40 % du public se le représente le soir sans ses petites affaires usuelles, et obligé de se mettre au ht nu... ou en chemise de jour. Il n'aurait eu le plein droit de laisser sa valise que pour servir une cause, ou des intérêts, la patrie, une vie en danger. Les Français habituellement mettent les sentiments au service des idées générales. Et peu de gens je crois se laisseront accaparer sans détours par l'histoire romantique de la théâtreuse Amy Jolly et du légionnaire Tom Brown. Bien peu de gens seront tendres pour cet amour terrible, désespéré qui envoûte les deux êtres : loin l'un de l'autre, ils s'attendent, se désirent, se cherchent ; réunis, ils jouent la réserve supérieure, la froide curiosité, l'indifférence désabusée. Encore moins de gens admettront que finalement elle ne puisse — les yeux écarquillés par la passion — se retenir de suivre, pieds déchaussés dans le sable, le détachement où se trouve le soldat ; n hésitant pas une seconde à troquer sans peur l'existence opulente, sûre, à l'avenir confortable qu'allait lui assurer un homme aimable, contre une vie de hasards, presque impossible et sans doute bientôt gâchée par la laideur du malheur et de la misère. La grue enfin « installée » des fins de pièces pour le Palais-Royal est tuée en l'héroïne par la femme capable d'aimer jusqu'à en devenir folle. L'épargnante (de ses sous, de sa santé, de sa réputation), que d'ailleurs Amy Jolly n'a jamais été, est tuée par une créature qui craint moins que jamais les vengeances de la vie. L'homme aimable, qui avait essayé habilement et gentiment de se l'attacher, ne fait pas un geste pour la retenir. Témoin généreux, amoureux, on doit le plaindre; sur un écran parisien, immédiatement deux cornes lui poussent sur le front et on lui rit au nez, soulagé de croire retrouver un personnage de comédie connu. Sternberg, une fois qu'il est séduit par une histoire qu'il fait sienne, par des acteurs qu il aimante et qui servent si bien ses desseins qu ils méritent réellement le nom d'interprète, se sent à son aise dans son film et par tous les moyens nous montre tout ce qui lui tient à cœur. Et nous nous laissons envahir avec délice par la chaude atmosphère un peu collante de ses rues marocaines ; de son invraisemblable caf conç' où se retrouvent à peu de distance officiers et soldats, et où une Marlene Dietrich en frac et en haut de forme apparaît pour jeter le maximum de trouble mystérieux dans l'esprit et sous la peau de tous les assistants — ceux dans le film et ceux dans la salle. Elle porte son costume d homme avec la même aisance lasse que la robe la plus caressante. Elle est plus belle que nature et sait ce que ça lui a coûté, on le devine à ses yeux inconsolables, à l'autorité de son moindre geste de mépris, de sympathie, d'ironie ; elle chante une vieille chanson élimée qu'on redécouvre pour toujours ; elle tient, au bout de son regard, tous ces individus qui n'osent plus aller se jeter à ses pieds ; une femme lui donne une fleur pour affecter le calme et 1 indifférence, elle l'embrasse doucement sur les lèvres pour la remercier et va offrir 41