La Revue du Cinema (1931)

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à ses plus intéressants détails, il ne nous explique rien. Nous nous promenons. Partout. Nous suivons la pâte de verre, assistons au soufflage. Ascenseur. Laboratoire. Contrôle. Emballage. Mais personne ne nous explique rien, ne nous abrutit de mots techniques, ne nous dit pourquoi l'ouvrier fait telle ou telle chose. Et, de lui-même, l'ouvrier devient un être d'une essence supérieure, entouré d'un mystère de spécialisation dont nous n'avons pas l'ombre d'une idée, un symbole écrasant pour nous à qui l'on a appris à ne rien faire de nos mains. Il est des gens qui visitent parfois une usine. Un fameux constructeur d'autos organise dans ses usines des promenades avec guides. Le guide parle, parle. Les honorables visiteurs sortent sans avoir vu grand'chose, mais on leur a donné des noms en pâture, comme aux géographes de salons. Ils ont fragmenté, divisé leur attention, leur intelligence, leur bonne volonté compréhensive sur les détails, se sont efforcés à tout comprendre et ne s'aperçoivent pas qu'ils n'ont rien compris. Ils ont vu river, séparément, 45 boulons, mais ils ont perdu de vue le pourquoi de la chose. Penchés sur des « trucs », ils n'ont pas vu la véritable nature de l'usine, n'en ont pas saisi l'impression générale, la puissance à la fois matérielle et symbolique. Pas de préoccupations didactiques chez Joris Ivens. Pas plus que de poétiques. Qu'on me comprenne bien : il ne s'agit pas ici de revenir à cette vague de romantisme qui a sévi chez les jeunes littérateurs d'après-guerre (ceux qui, parce qu'ils écrivent contre 1900, s'imaginent en être très loin), romantisme qui les poussait à s'enthousiasmer pour le machinisme et le mécanisme modernes, mais ignorait dédaigneusement qu'il se passait quelque chose à l'Est de l'Europe depuis octobre 1917... Le film de Joris Ivens, c'est une usine, un monde de travail. Nous en sortons saouls de travail. Et nous comprenons bien d'autres choses que les détails de fabrication qui nous ont échappé. Nous comprenons ce que c'est que l'horrible travail à la chaîne, et l'épuisant effort des souffleurs de verre, effort que nulle machine ne s'est encore montrée capable de remplacer, nous comprenons la spécialisation (dans une industrie elle-même si spécialisée), l'automatisme du travail qui toute sa vie fera faire à cette ouvrière ce même geste (encore bien contente si elle trouve du travail !) et enfin la puissance grandissante de tous ces hommes et de toutes ces femmes qui sortent ensemble quand la sirène hurle, qui reviendront demain, et après-demain, et toujours. Pour que vous ayez des lampes et des postes de T. S. F... Techniquement le film est très habilement monté, d'un rythme sûr et agréable. La photo est claire, nette, les angles intelligents et précis ne cherchent jamais l'esthétisme. Malgré toutes les facilités dont Joris Ivens a pu disposer auprès de la Société Philipps, c'est là un très brillant résultat qui confirme ce que nous savions de ses qualités. Je m'en voudrais de passer sous silence la partition qu'un jeune Hollandais, Lou Lichtveldt, a composée pour la sonorisation du film. Sa musique, qui laisse habilement place aux paroles et aux bruits de l'usine, se renchaîne et s'harmonise avec eux. Rapide, heurtée, dure, elle est le juste accompagnement de la lourdeur mouvante et de la puissance des images. Jean-Paul Dreyfus. 38