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LE COURRIER DU CINEMA
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Dita Parlo dit ce qu'elle pense de la coquetterie.
’EPROUVE de véritables scrupules à ] écrire un article sur la mode, comme
on me le réclame avec une douce mais
ferme gentillesse parfois, écrit Dita Parlo. J'ai l'impression de commettre une sorte de petit abus de confiance ou de trahir peut-être un des devoirs qui forment ce qu’on est convenu d'appeler la carrière d'une vedette.
Je ne suis pas élégante. Je ne suis pas maquillée, et je n’éprouve aucun-:goût pour ces choses.
Cela fait le désespoir de ma mère, de mes amis, de mes producteurs et de mon imprésario.
“Comment, disent-ils, peux-tu sortir sans rimmel et sans poudre? Comment oses-tu te montrer habillée d’un pull-over, d’un vieux chapeau et de bas de laine? Penses-tu vraiment que tu es une artiste de cinéma, quand tu sèmes partout sur ton passage l’étonnement et la désillusion?”
Par moment, ces reproches m’atteignent et, pleine de bonne volonté, je me précipite dans ma Salle de bains pour y trouver une boîte de cosmétique. Hélas! je suis obligée de
constater qu'elle est vide, ou mon rouge
desséché...
Pour tout dire, je ne suis même pas très sûre, à ce moment-là, d’être sérieusement contrariée...
Et ces aveux vont encore m'attirer de véhémentes considérations sur l'indifférence où je tiens les obligations extérieures de mon métier.
Je sens, je sais que j'ai tort. Ne croyez pas que je méprise l’élégance, que je médis de la coquetterie, mais je suis incapable de m'y intéresser pour moi-même.
Je préfère déjà, lorsqu'il s’agit d’un film, porter des costumes ou des uniformes, Cela tient peut-être à ce que je n'aime pas les temps que nous vivons.
Le progrès me fait peur, l'aviation me donne des angoisses, les automobiles me feront mourir et le télégraphe me désespère...
Je trouve atroce d'être obligée de savoir par la T.S.F. et les actualités cinématographiques, en un quart d'heure, ce qui se passe dans le monde entier,
Je souffre les guerres, les révolutions, les crimes et les émeutes, je souffre du calme avec lequel chacun continue de manger sa soupe en écoutant la radio détailler les horreurs d'une hécatombe.
À cause de cela, je vis de plus en plus à l'écart d’une activité qui m'étourdit. Je sors très peu et n'assiste que rarement à des manifestations mondaines.
N'ayant pas l'occasion de m'habiller, je ne suis pas poussée à m'occuper outre mesure de mes toilettes.
Mais comment vous dire à quel point je trouve charmant qu'une femme fasse de sa beauté et de sa séduction une des préoccupations de son existence?
J'admire l'harmonie que certaines parvliennent à créer, le goût qu’elles déploient pour s'exprimer, l’ingéniosité qu'elles montrent à se renouveler,
Pourtant, il me semble que depuis quelque temps, les femmes négligent de se mettre en valeur, au profit d'une mode souvent baroque.
Je crois que si je décidais brusquement de devenir élégante, je prendrais grand soin d'attirer l'attention sur moi, et non sur ce que je porte.
Combien de fois il m'est arrivé, dans un restaurant, de dire à l’homme qui m'accompagnait: ‘Regardez cette jeune femme làbas, elle est ravissante...” “Oui, me répondait-on, mais le chapeau est affreux!”
Alnsi, pour un homme, ne comptent ni la fraîcheur d'une peau, ni le galbe de jambes magnifiques, s’il est choqué par l'excentricité d’un détail vestimentaire. Faites l’expérience et yous verrez,
Sur de très jolies mains, on ne voit plus qu’une bague démesurée : d’un visage radieux, on ne conserve plus que le souvenir d’un chapeau extravagant.
Je trouve que les femmes devraient avoir davantage confiance en elles-mêmes et savoir parfois négliger la collaboration des artifices. Que de drames pour un bâton de rouge perdu, alors que, vraiment, cela n’a aucune importance...
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Dita PARLO
Il y a une inquiétude, presque une angoisse, dans ces lèvres farouchement dessinées, dans ces femmes qui refusent de sortir si leur maquillage n’est pas absolument au point...
Et comme j'aime qu’une jeune fille puisse, par hasard, oublier de mettre son rimmel sans que cela la gêne... Il me paraît qu'elle doit être plus heureuse de vivre, plus gaie que ses compagnes..
La coquetterle est nécessaire, mais elle ne doit pas devenir tyrannique.
Combien de soirées ont été ainsi gâûchées pour certaines élégantes... L'’atmosphère était réussi, les gens charmants, leur conversation agréable, tout contribuait à former un souvenir délicat, mais voilà, il y avait le col, sur la robe, qui n'allait pas.
Pourquoi transformer en souci ce qui doit être un agrément?
Soyez de bonne humeur, ayez le sourire, la vie est riche de possibilités.
Et ce sourire soyez-en certaines vous rendra plus jolies mesdemoiselles que tous les bâtons de fard. Certes, il y a parfois des coups durs... la vie n’est pas toujours rose. Mais il faut sourrire quand même, l’optimisme est mieux qu’un principe: c'est une vertu. Sourire c’est tout le charme féminin qui se traduit dans ce qu’il a de plus beau et de plus pur à la fois. Si j'avais à donner un bon conseil, c’est celui-là que je donnerais à tous: il est si simple à suivre.
La beauté est le rayonnement de l’âme et si l’âme est heureuse comment le visage ne le serait-il pas ?
Un joli rêve de . Marcelle Chantal
AQUES! dit Marcelle Chantal de sa P voix chantante, ah! pourquoi en parler
maintenant! A toutes les nuits, je
préfère celle de Pâques! Elle est douce, fervente, tendre et fraîche! J'y pense, longtemps avant, avec une absurde appréhension. J'en rêve après — bien après — quand la neige a fondu, qui s'était amassée au bord des toits, sur les arbres nus, au long des rues. Je me souviens qu’un soir de Pâques, j'étais alors une petite fille; mes parents m'avaient couchée, bordée, baisée au front et je rêvais au fond de mon lit aux lilas merveilleux qui resplendissent au soleil de Pâques Il me semble aujourd’hui encore que j'avais les yeux bien ouverts lorsque surgit dans la chambre et s'avanca vers mon lit, un étrange jardinier avec la longue barbe soyeuse et blanche. I1 me prit la main, me fit lever et me conduisit — de quelle manière? Je ne l'ail jamais su — jusqu'à une grande salle pleine de lumières, de bruit, de cris Des gens s'affairaient tout autour d'un grand salon où un marquis, aux cheveux poudrés, s'inclinalt avec grâce sur Ia main d’une jeune femme ravissante, qui portait une large robe à panier de soie bleue rehaussée de parements d’hermine.… Ils se disaient des choses que j'entendais mal, mais qui paraissaient faire tellement plaisir à la jolie marquise. Je voyais rosir ses joues où quelque experte soubrette avait parsemé des “mouches”. Je n'ai aucune idée de la manière dont j'entrai chez moi cette nuit-là ni si quelqu'un m'y reconduisit, mais, vous me croirez si vous voulez, la jolle marquise et le beau marquis furent exactement les poupées que je trouvai le lendemain matin dans une grande boîte près de la cheminée. N'est-ce pas merveilleux?
— Tout à fait merveilleux!
— Ce n’est pas tout! se récria Marcelle Chantal, toute heureuse d’avoir évoqué ce souvenir d'enfance. Le plus extraordinaire est que, plus tard, il m’advint par une nuit de Pâques de tourner ce rôle de marquise en robe à panier avec un marquis aux cheveux poudrés, qui était la réplique vivante de ma poupée de jadis. La coïncidence n'est-elle pas curieuse? Mais est-ce une coïncidence ?... acheva Marcelle Chantal en soupirant.
— Sait-on jamais? fis-je en soupirant, moi aussi. Quoi qu'il en soit, voici un beau souvenir que je ne manquerai pas de conter.
— Croyez-vous que cela ait pu arriver à une autre que moi?
— Ce n’est pas impossible. Une vieille légende veut qu’une fée amie vienne parfois montrer à celle qu’elle protège ce que sera plus tard son destin Peut-être une lectrice vous écrira-t-elle pour vous dire qu'elle a fait un rêve semblable...
— Je le voudrais! Oh! je le voudrais! s'écrie Marcelle Chantal toute frémissante, car, voyez-vous, j'ai toujours pensé que je n'avais point rêvé et qu’un bon génie, ce soir-là, m'avait réellement conduit dans un studio, me montrant ainsi la voie que, plus tard, je devrais suivre...
Et nous croyons qu’en effet Marcelle Chantal a été guidée dans la vie par les bonnes fées, par un génie très tendre. La belle artiste a su obéir au génie. Si elle est devenue la vedette que l’on admire c’est qu'elle a su ne pas se refuser à sa vocation. Le cinéma l'attirait : elle y est allée. Certes il n’en peut être ainsi pour tout le monde mais soyons heureux que le bon génie ait fait un si beau choix pour donner à l'écran français, outre une femme très belle, noble et distinguée, une artiste de valeur réelle qui apporte à tous ses rôles le souci de la réparation, un talent aussi solide que varié. » rêve de Pâques de Marcelle Chantal s’est réalisé; formons le vœu qu'il en soit ainsi de tous ceux qui liront ces lignes.