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SE OU
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vieux proverbe latin: hominem.….. Jacqueline — vous ne savez pas le latin, alors je traduis: quatre choses,
d’un tempérament trop irascible, de vins trop généreux et de chair trop abondante.” Voyez ce que c’est que d'être passé jadis par Harvard. Ce doit être la première fois que le génie des éclaire ces régions barbares...
viande et de tripaille,
Notre roman feuilleton
TELLE QU'ELLE ETAIT EN SON VIVANT
par Maurice Constantin-Weyer
réalisé en film sous le titre “LA LOI DU NOKD"
(Voir nos numéros précédents)
— Jacqueline, dit-il, je pense avoir droit à ma part de bonnes choses, comme chacun de nous. Mais je crois que Louis a les mêmes droits que moi.
Le rire de Jacqueline sonna faux, tan
dis qu’elle répliquait:
— Les hommes du Grand Nord ne con
naissent rien à la gourmandise. Les haricots au lard sont ce quils aiment le mieux. Ce serait pitié de gaspiller le morceau qui est justement cuit à point pour un convive qui mange avec la même indifférence une tranche juteuse ou une semelle de soulier.….
Je crus bon d'entrer dans le jeu, même
sans en comprendre les règles, et je dis:
— Les bons cuisiniers sont les meur
triers de l'humanité.
— I1 y a là-dessus, énonça Shaw, un Quatuor occidunt Mais —— il se tourna vers
meurt de trop belle,
‘L'homme d’une femme
humanités classiques
Mais je pensais à part moi que notre
ère de progrès a également ajouté la potence à ces quatre genres de mort. Ce perfectionnement me semblait indésirable.
* © +
Comme je l'avais prévu, les montagnes
se firent plus hautes. Et nous dûmes abandonner le lit de la rivière, ramenée à la
proportion d'un torrent, et que le tumulte de son eau empêchait de geler suffi
samment pour faire une piste praticable. Si les montagnes se haussaient, elles demeuraient encore du type dit ‘‘à vaches”.
Ce qui nous fut particulièrement pré
cieux ce fut ce grand nombre de chiens, dont la prévoyance de Shaw nous avait dotés. Huit chiens une côte où quatre peineraient. Mais cette médaille avait son revers. Et la question nourriture se posait. Un daim abattu par Jacqueline — décidement elle était une sportswoman quelques instants
montent allègrement
universelle — disparut en sous la meute féroce.
sur l’amas de insensibles aux coups de fouet que je leur prodiguais. La peau de l'animal, même, disparut sous leurs dents voraces. Quelle curée chaude! Après quoi, saouls de sang, ils dévalèrent une pente abrupte, à un train dangereux pour nos traîneaux et pour nous-mêmes. Puis ce fut une nouvelle ascension, dure à nog pauvres genoux.
Nous tuâmes, ce jour-là, notre premier grand tétras. C'était un coq magnifique,
Les chiens se battaient
(Tous droits réservés 1939 par la librairi
des Champs-Elysées, Paris.)
DECEMBRE 19359
d’un bleu noir, qui nous fournit l’un des rôtis les plus coriaces dont j'ai gardé le souvenir. Sa chair, violemment parfumée, avait l’amertume de la résine.
Je ne pus m'empêcher de dire à Jacqueline:
— Gardez ce coq pour moi, puisque je ne connais rien aux bonnes choses, paraîtil, et donnez à Shaw un peu de bacon.
Il y eut d’autres intermèdes moins comiques. Les traîneaux versèrent plusieurs fois et il fallut refaire le chargement. Cela prenait un temps précieux.
* * #
Le choc nous ébranla le septième jour après notre séparation d’avec Dalrymple. Nous venions de gravir une longue pente boisée, et de franchir une petite crête rocheuse. Devant nous s'étendait une longue déclivité d’alpages et, dans le lointain se dressaient de hauts sommets que nous commencions à connaître. Ces sommets, nous les apercevions chaque fois que nous arrivions en haut d’une côte, et la première fois ils nous avaient semblé très rapprochés. Depuis ce premier contact visuel, ils demeuraient à la même distance.
Nous les regardions une fois de plus, et nous échangions le coup d'oeil éloquent et mélancolique qui nous était devenu habituel en cette circonstance, quand nos chiens, tous ensemble, dressèrent l'oreille. Au même instant, loin derrière nous, nous entendimes aboyer des chiens. Et les nôtres répondirent.
Alors nous dévalâmes la pente aussi vite qu’on pouvait le faire. Celle d’en face n'était pas moins dénudée et nous nous y engagéâmes sans prendre le temps de respirer.
Nous étions à mi-côte, quand pour la première fois je tournai la tête. Sur le versant opposé, un traîneau attelé de quatre chiens descendait rapidement, profitant des traces profondes et dures que nous lui avions tracées. Dalrymple gagnait sur nous.
Shaw marchait en tête et il comprit sans doute, car äil fit un effort désespéré. C'était une dépense d'énergie quasi surhumaine. Mais, quand on a rompu certain cercle dans lequel l'humanité a tenté d'emprisonner l'individu, on devient surhumain. Et il semblait que nos chiens participassent à notre âme. Robert, avec cet ascendant extraordinaire quil avait pris sur eux, obtenait de ces animaux ce qu’aucun professionnel peut-être n'aurait pu en obtenir. Si nous avions lutté à égalité, les chances eussent été en notre faveur. Oui, même contre un homme de la trempe de Dal. Mais nous avions une piste à battre, et cette piste, nous la battions nécessairement à son profit.
é + + Nous gagnâmes la crête et, cette fois-ci,
je vous le jure, je ne pensai pas à m'attarder à la contemplation des montagnes
lointaines. J'avais vu Dal grimper derrière nous. Depuis deux heures, environ, qu'il nous chassait à vue, il avait gagné considérablement sur nous. Je me sentais un âme de bête aux abois.
Il me vint naturellement à l'esprit. qu'étant Lorrain, si je ressemblais à une bête de chasse, mieux valait prendre exemple sur le noble gibier de mes forêts natales, le sanglier, que sur le cerf, Ce ne serait pas un hallali, même courant, ce serait un ferme, Et le sanglier se pré para à faire tête.
Shaw filait déjà loin devant moi. Jt l’entendais exciter ses chiens: Mush! mush! Je détachai la carabine fixée au
sommet de mon chargement, et, poussant un dernier cri d'encouragement à l'adresse de mes chiens, afin qu'ils suivissent Shaw, je sautai de côté afin de laisser la place libre pour le traineau de Jacqueline qui marchait le dernier.
Je continuais de regarder en avant. Dieu merci! j'avais bien le temps de voir Dal, pour ce que je voulais de lui. Il y a. dans la vie, des moments où une minute vaut plusieurs années, J'étais à l'un de ces moments-là. Et j'aurais tout le temps de faire face en arrière quand Jacqueline m'aurait dépassé.
Je manoeuvrai brutalement la culasse de ma petite carabine Ross. À ma grande surprise, aucun cliquetis ne répondit à mon mouvement. Le magasin était vide.
Pourtant, si jamais je ne laissais une cartouche dans le canon —— les accidents sont si vite arrivés! — j'avais grand soin de tenir toujours, dans mon magasin, les cinq cartouches 303 Lee-Melford qu'il pouvait conterir. Et même, je me rappe lais avoir changé mes cartouches le jour où j'avais pris conscience de ce que serait l'arrivé de Dal. J'avais enlevé mes balles demi-blindées, qui font des blessures affreuses, pour les remplacer par des balles complètement enrobées de maillechort., S'il me fallait tuer Dal, du moins je voulais le traiter en homme, et non pas en bête fauve. Il n'avait pas mérité cela. Le métier qu'il faisait comportait un risque de mort, et celui que je faisais comportait le même risque, — d’un ordre plus désagréable encore plus celui de tuer. Moi, j'avais accepté ces deux risques, et c'est pour cela que je me reconnuissais le droit de tirer sur mon vieil ami. Il me semblait même qu’il devait s'attendre à une réception de ce genre, étant donné mon caractère, bien connu de lui.
Mes munitions étaient dans un petit sac, à l'avant de mon traîneau. Je courus aussi vite que me le permettaient mes raquettes, pour rattraper mes chiens. Je n’espérais pas le faire pendant lu descente. Mais peut-être Dal ne nous rejoindraitil que sur le versant opposé, dans la montée.
Pendant que je courais, quatre coups de feu claquèrent derrière moi, secs, nets, également espacés. Du vrai tir à la cible.
(Suite à la page 27)
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