Le Courrier du Cinéma (juil 1940)

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instantané, il enleyva lunettes et casquette jaune. —Jacques! s’écria-t-elle, Jacques Baril! C'était vous! Et dire que je ne m'en suis même pas doutée! —Eh bien! Klorence, ce matin vous me demandiez ce que je faisais. Je viens de répondre à votre question. Je suis aviateur, mademoiselle, et aviateur de première classe. Diplôme de pilote commercial A-1 et tout le bataclan. Florence sourit: —Vous n'êtes pas un de ces riches paresseux, chancres des démocraties modernes, vous ! Et vous n’êtes pas un peureux. . , Ainsi c'est pourquoi ce matin vous avez peint votre rocher en blanc? —Oui, c'était pour avoir un point de repaire des airs. Il y a tellement de lacs dans cette région que mon petit lac Lavallée eût été difficile à localiser sans cela. —Vous n'étiez donc jamais venu ici en avion? —Non. Mais, Florence, nous ne sommes pas pour jaser, moi dans ma cabine et vous dans mon canot tout l'après-midi, n'est-ce pas ? | 11 sauta légèrement dans l’embarcation, et attacha l'avion en arrière. Ils traînèrent ainsi l'appareil jusqu’au rocher au centre du lac où Jacques l’ancra. Puis ils filèrent vers la rive dans le canot. Le garagiste les attendait sur la route. —Avez-vous réparé ma voiture? questionna la jeune fille, —Non, mademoiselle, Le garagiste avait l'air narquois. —Qu’attendez-vous pour la réparer? —J'attends qu'elle ait besoin de réparations. Jacques avait compris et il sourit. Le garagiste lui fit un clin d’oeil et dit à Florence : —Mademoiselle, êtes-vous au courant que les autos ‘40 marchent à la gazoline? —Vous avez du toupet! —Alors, mademoiselle, j'ai mis deux gallons d’essence dans votre auto qui fonctionne maintenant à merveille. Florence eut un accès léger de colère: —Vous auriez pu me dire qu’il n’y avait plus de gazoline dans l’auto sans rire de moi. —Misère à poil! que les femmes sont susceptibles! s’écria le garagiste qui s’éloigna ensuite dans son camion. —Eh bien! moi aussi, je m'en vais, dit Florence. —C'est curieux, fit Jacques, j’éprouve comme un petit déchirement à la pensée que vous allez me quitter. Toutes les filles d'Eve ont un petit fond de perversité dans leur nature. Florence savait que son fiancé l’attendait. Elle savait qu'il ragerait si elle manquait son engagement. Elle ne voulait pas manquer son engagement. lle ne voulait pas, non plus quitter Jacques. Alors, elle joua avec le feu, elle se plaça dans une situation fausse. —Jacques, dit-elle, vous m'avez donné l'hospitalité, il faut que je vous rende ça. Venez souper chez-moi ce soir, Evidemment Jacques était content de l'invitation. Il songea. —Voulez-vous, Florence, dit-il soudain. Mais il se reprit: Où est la maison d'été de votre père? —Tout près d'ici, au Lac Ouimet. Très bien, alors. Florence, nous allons laisser votre auto ici. Ou plutôt, mon factotum Jean-Paul vous la ramènera. Nous allons, tous deux, nous rendre au Lac Ouimet, dans mon hydro. —Votre hydro? —Oui, hydravion, Vous n’avez pas peur? —Oh! non, j'adore les promenades dans le Ciel. —Alors, entendu? —Quand partons-nous? —Tout de suite si vous le voulez. I1 donna ses ordres à Jean-Paul. JUILLET 1940 Lucien Baroux est fort interloqué de voir Gaby Basset devenue blonde pour les besoins du film “Feu de Paille” tiré du livre “Grandeur Nature” d'Henri Troyat, prix Goncourt 1938. IL s’agit d’un drame sur la vie des grands et des petits artistes. Dix minutes plus tard ils s’envolaient en plein ciel. C'était un Kromer du dernier modèle. Ils étaient assis l’un près de l’autre comme dans une automobile. Florence dit : —Quelle sublime jouissance que celle de l'oiseau ? Jacques soupira. —Nous sommes encore trop bas Florence, trop bas pour jouir pleinement de la nature mystérieuse de l'éther. Nous allons monter plus haut, plus haut, au-delà de cette légère mousseline de nuages. Voulez-vous? —Oui, oui, Jacques. Ils montèrent, montèrent. . . L’aiguille de l'altimètre indique 15000 pieds. L'air commençait de se raréfier. Florence respirait comme essoufflée et sa poitrine se gonflait. —C'est grisant! dit-elle. —Laissez-moi leur parler, petite amie, dit Jacques. —Leur parler? Que signifiez-vous? —Il y a ici dans ces espaces élevés des êtres légers, purs, diaphanes. Ils exigent un manque absolu de sophistication. Ils ne parlent qu'aux âmes naïves et douces. Ces êtres tout de vent et de légèreté ont des paroles suaves. Un m'a dit qu’il était ma grand’mère. Ils se sauvent dès qu’on leur pose une question précise. Ils vivent dans un subtil subconscient. Ils sont heureux de voguer au gré des vents et de nous glisser des mots doux, tendres, aimants sans conséquence. La jeune fille était émue: —Vous êtes poète, Jacques, fit-elle. —Puisqu'il n’y a pas moyen, Florence, de connaître Ja raison scientifique de toutes choses, le pourquoi de la vie, le poète n’a-t-il pas raison de croire que le bonheur est dans le frôlement vague des ombres et non dans la pleine et crue lumière du savant qui éclaire des détails laids qu'ignore la poésie? —Jacques, faites donc parler à mon oreille vos êtres ailés. J'aimerais les entendre. Le jeune homme éteignit le moteur de l'avion qui glissa silencieusement, exécutant des spirales gracieuses. —Florence, avez-vous le coeur pur? Elle sourit. —Car il faut avoir le coeur pur pour pouvoir les entendre, eux qui se désagrègent devant le moindre soupçon d’impureté,. La jeune fille pensa à Edouard, son fiancé. Pourquoi l’avait-elle accepté? C'était la vieille histoire de l'amitié d'enfance de deux fumilles amies voulant sceller leur amitié par le mariage de leurs enfants. Elle ne l'avait jamais aimé du grand amour, non. Mais avait-elle jamais cru au grand amour? Un coeur pur. Pour avoir le coeur pur, il lui faudrait renvoyer Edouard. C’est ça. Elle allait lui remettre sa bague de fiançailles. Cette résolution la purifiait-elle assez pour qu’elle aussi, elle entendit les voix de ces êtres étranges vivant dans l'éther en contact direct avec Dieu? Soudain Jacques, comme en extase, murmura : —Oui, grand'mère, c'est moi. Oui, grand mère, je crois que je l'aime. M’aime-t-elle grand'mère ? Le jeune homme se pencha vers Florence : —Sentez-vous grand'maman qui vous frû le? questionna-t-il. Elle semble me dire qu'elle vous aime, Elle doit vous parler Florence. _—Elle me fait frissonner, Jacques, Oui, je sens une présence, une présence inconnue, bienfaisante. —PFlorence, je vous aime, .. I1 se pencha sur elle et lui mit un baiser léger sur le front: —Le baiser de grand'mère, dit-il. —Sapristi! La forêt est proche. 11 donna un coup sec au bâton de direction et l'avion remonta légèrement, le moteur ouvert. —Le moteur a chassé les esprits, sourit Jacques. Mais il reste mon amour. M'’aimezvous, Florence? La jeune fille avait eu le temps de se re: prendre : —Je vous connais à peine, dit-elle comme Eve dit depuis toujours. —Vous pourriez m'avoir connu toute votre vie et ne pas m'aimer. Pensant à son fiancé Edouard Florence dit : —C'est juste, De nouveau il se pencha sur elle et l'embrassa longuement. Ce n’est qu’à la fin de ce premier baiser 21