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En quelques longues foulées, il franchit la centaine de mètres qui le séparait de la jeune fille. Au bruit de la course, elle se retourna.
— Mademoiselle ..….
Surprise, elle s'arrêta.
René toucha du doigt le bord de son béret :
— J'espère, fit-il d'un ton qu'il essaya de rendre détaché, que je ne vous ai pas blessée en disant à mes amis que je vous connaissais . ..
Elle le considéra un instant silencieusement puis, non sans ironie :
— Je vous en prie, dit-elle, couvrezvous ! L'air est vif par ici... Vous risqueriez de prendre mal!
Confus, il se découvrit en bredouillant :
— Excusez-moi ...
Elle sourit à peine, et continua sa route.
— Ça, par exemple, c'est inimaginable! murmura le jeune homme, décontenancé.
Il rejoignit ses compagnons :
— Vous avez vu ? demanda-t-il seulement.
— Nous avons surtout deviné qu'elle ne tient pas essentiellement à faire la causette avec toi. Flle a de la classe, cette petite |
— C'est que, vraiment, je me demande qui elle est, dit René. Elle s'exprime avec une telle élégance ...
Il paraissait si perplexe et penaud que, d'un même cœur, la sœur et le frère se mirent à rire :
— Mon pauvre René!... Auriezvous si mal pris vos informations ?
— Je commence à le croire! Est-ce que, par hasard, elle ne serait pas une parente de cet armateur ? Il va falloir que je m informe.
Le premier soin de René Bessac en rentrant à l'auberge fut d'interroger la servante qui s'affairait autour de leur table.
— Dites-moi : M. Cornouër, l’armateur, a de la famille, n'est-ce pas ?
— Dame oui, monsieur ! Il est marié. Bien gentille qu'elle est Mme Cornouër ! Ils ont une fille, Mile Annie. Elle est bien aimable, elle aussi, et pas fière. Mais on ne la voit au pays que pendant les vacances, car elle étudie dans les grandes écoles, à Rennes...
— Oui... Mais n'auraient-ils pas auprès d'eux une jeune parente ? Pas très grande, brune, avec des yeux très bleus ? Elle porte le costume d'ici...
— Ok ! non, monsieur, je ne Vois pas : Ce serait plutôt leur demoiselle. Elle est brune et ses yeux sont bleus.
— Mais Mlle Cornouër ne porte pas la coiffe ?
La patronne de l'auberge intervint dans la conversation :
— Que si, monsieur ! Les Cornouër sont de vrais Bretons bretonnant ! Yves, l'armateur, est un gars du pays et sa femme est de Lorient. Son père à elle
était riche et elle aurait bien eu les moyens de «se mettre à la mode de la ville ». Elle est allée au couvent jusqu'à dix-huit ans, avec des demoiselles de, s'il vous plaît ! Mais dès qu'elle en est sortie, elle a repris la jupe à velours et le tablier brodé. Ah ! ils ne renient pas leur pays, ceux-là, ma Doué ! C'est comme Annie, leur fille ! elle a étudié au lycée de Brest et depuis deux ans elle est allée à Rennes, dans une autre école, — une faculté qu'on appelle ça. — Eh bien ! dès qu'elle revient à Belle-Isle, elle range dans une armoire tous ses affutiaux de bourgeoise et elle s'habille comme les filles d'ici...
«Eh bien! on les aime encore plus d'être comme ça ! Ils ont beau avoir des sacs d'écus, ils restent comme qui dirait nos amis |! Yves Cornouër est devenu maire du Palais et mon homme dit que le jour où il voudrait, il serait élu pour aller aux Chambres à Paris! C’est bien dommage, il paraît, qu'il ne veuille pas, ça ferait un brave homme là-bas. Car, c'est pas pour dire : les Cornouër sont du bon monde, des vrais Bretons, mon
NOTRE PROCHAIN ROMAN :
ASCOTÉ DE L'AMOUR
par LEO DARTEY
sieur ; entêtés comme des bourriques, pour sûr, mais courageux et le cœur sur la main!...
La brave femme poursuivit son panégyrique sans que ni René, ni ses amis l'interrompissent. Cela dura jusqu'à l'instant où la servante aux joues vernissées déposa sur la table la soupière dans laquelle fumait la soupe au lard. Alors, discrètement, l'aubergiste se retira, abandonnant ses hôtes à eux-mêmes.
— Allons, René, dînez tranquillement ! fit Huguette en constatant l'embarras de René, Nous tâcherons de rencontrer Mlle Cornouër et je l'aborderai pour lui présenter Vos excuses.
— Vous ferez cela, Huguette ?
— Je vous le promets ! Et maintenant, mangez en paix!... Oh! cette soupe est une merveille! Vous n'aviez vraiment pas surfait la valeur de cette rustique hostellerie !
— N'est-ce pas ?... Et ce pays? N'est-ce pas un rêve ?...
— Un rêve et un cauchemar tout à la fois. Cauchemar par sa mer sauvage et ses rocs déchiquetés. En tous les cas, un
LE FILM
enchantement !... Et puis ici on est bien, on est au calme. Pas de casino, pas de cocktails, pas de tennis ! Ça me semble délicieux |... Pas à toi, Pierre ?
— Ma foi, franchement, à moi aussi ! Dites donc : si nous prolongions un peu notre séjour ? Ça nous permettrait de pêcher, avec de vrais bateaux et de vrais pêcheurs !
— Pêcher la sardine ?
— La sardine, oui. Et les homards qu'on va capturer, au loin, prisonniers dans leurs casiers... Nous pourrions nous entendre avec un patron de barque.
— Hourra ! cria Huguette, transportée. Ça vous va, René ?
— Pourquoi pas? approuva-t-il en riant.
Ah! la bonne idée! Et comme ils étaient contents tous les trois !
— Nous téléphonerons demain à La Baule pour prévenir nos parents.
— Naturellement !... Si nous pouvions commencer nos croisières de pêche après-demain ! ...
— Ça me semble possible, dit René. Nous verrons dès demain matin.
Le lendemain «dès potron-minet », disait Huguette, — traduisez : dès huit heures ! — les trois amis étaient dehors pour leur promenade matinale. Les barques ne rentreraient que vers onze heures, avec la marée. et c'est alors qu'il se. rait temps de prendre un arrangement avec un maître-pêcheur.
— Passons par le «Nid de Goélands», proposa Huguette.
— À cette heure-ci, protesta son frère, nous ne la rencontrerons pas !
— Qu'importe ! Cela nous fait faire un crochet de cent mètres. Nous n'er sommes pas à quelques minutes près !
— Oh! évidemment ! Passons donc par là puisque tu le désires !
Ils avancèrent à pas flâneurs. René s'efforçait de paraître naturel, mais au fond de soi il redoutait de se retrouver subitement face à face avec la jeune paysanne du chemin. — Annie Cornouër à n'en pas douter !
À peu de distance de la villa, Huguette décida :
— Maintenant, laissez-moi aller seule, en promeneuse. Prenez le sentier qui monte vers la gauche et attendez-moi. Il vaut mieux que nous n'ayons pas l'air de rôder indiscrètement autour de la demeure de l'armateur.
Les deux hommes ne se firent pas prier. La mission que s'imposait Huguette était délicate : il ne fallait pas que rien la compromit.
Ce fut seulement lorsqu'ils eurent dis. paru qu'elle poursuivit sa route. Elle marchait aussi lentement qu'elle le pouvait, conservant l'espoir de voir la grille du « Nid de Goëélands » s'ouvrir devant Mile Cornouër.
Son espoir fut déçu et elle arriva en face du bungalow sans avoir vu la Belliloise. Elle en fut contrariée.
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