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En quelques mots, elle raconta à sa mère l'incident menu. La femme de l'armateur se dérida :
— C'est, en effet, peu de chose, reconnut-elle, et votre ami est tout excusé, croyez-moi |! En signe de paix, vous allez emporter, non pas des rameaux d'oliviers, car nous n'en avons point, mais quelques fleurs de notre jardin...
— Oh ! madame, je suis confuse, vraiment |...
— Je vous en prie... Venez. Derrière la maison nous avons quelques beaux œillets ...
— Permettez-moi, au moins, de me présenter, madame ... Je m'appelle Huguette Larrion. Je suis de passage à Belle-Isle avec mon frère et notre camarader ,
— Larrion ? ...interrompit Mme Cornouër ... Ne seriez-vous pas apparentée à la maison Paul Larrion, voiles, ancres 2t cordages ?...
— Paul Larrion est mon père, madame... k
— Eh bien ! mais nous voici presque en pays de connaissance |! Nous comptons parmi les clients de M. votre père :
— Vraiment? fit Huguette, plus à l'aise.
— Mais oui. Mon mari est armateur et ses bateaux sont tous des voiliers.
La glace était rompue. Si bien rompue que, cachés dans leur chemin creux, Pierre et René se morfondaient d'impatience. Ce fut seulement au bout d’une grande heure que la jeune fille, chargée de fleurs, prit congé des deux aimables femmes.
— Je vous remercie de votre bon accueil, madame, dit-elle. Si vous le permettiez, je serais heureuse que Mile Annie accepte de prendre une tasse de thé avec moi. Demain mon frère et mon camarade seront absents ! Ils comptent aller à la pêche...
— Je ne vois aucun inconvénient ...
— J'irai volontiers, promit Annie.
— Si je n'étais dans une modeste auberge, je vous aurais demandé. madame, de m'accorder la faveur d'accompagner Mlle Annie ... suggéra Huguette en hésitant.
— Une auberge comme celle de la mère Codic n'est pas faite pour m'effrayer ! ... plaisanta la femme de l'armateur .
— Alors, madame, puis-je espérer que vous voudrez bien ?...
— Comptez sur nous |
— Combien je vous remercie ! Au revoir, madame. À bientôt, mademoiselle.
Huguette s'en alla, d'un pied léger, retrouver ses amis. Elle était on ne peut plus satisfaite du résultat de sa mission.
«Ce pauvre René va être bien content!»
Dans le chemin qu'ils arpentaient d'un bout à l'autre tout en grillant force cigarettes, les deux hommes, Pierre surtout, commençaient à s'impatienter.
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— Ahl!te voilà enfin !... Nous nous demandions si les habitants du « Nid de Goélands » ne t'avaient pas séquestrée :
— Mon Dieu, non ! J'ai été reçue par des femmes charmantes! Nous avons fait connaissance sur le plan le plus sympathique. Demain, Annie et sa mère prennent le thé avec moi!
— Non?
— Je vous l'affirme !
— Mais je croyais que demain nous allions à la pêche ?
— Vous irez tous les deux. Je vous accompagnerai un autre jour.
— Tu n'es pas chic de nous laisser tomber !
Elle montra ses fleurs :
— Pouvais-je faire autrement ?
Puis, s'adressant à René :
— Avec l'indulgence de Mme Cor: nouër, je vous apporte l'absolution de sa fille ! Vous êtes content ?
— Vous êtes tout à fait gentille, ma petite Huguette. Mais, comme Pierre, je regrette que vous ayez dû vous imposer cette corvée pour demain.
Ce fut de bonne foi qu'elle protesta vivement :
— Ce n'est pas une corvée, croyezmoi ! Mme et Mile Cornouër sont extrémement agréables et j'ai le sentiment que je passerai sans ennui une heure auprès d'elles |
— Bon! Tant pis pour nous! Nous descendons jusqu'au port? Moi je ne renonce pas à ma partie de pêche ! ... Il faut dénicher un patron qui consente à nous emmener.
— Ce ne sera pas difficile. Allons-y.
Les trois jeunes gens redescendirent tranquillement, et ce fut sans difficulté qu'ils s'entendirent avec le vieux Le Guillermic, le patron du sardinier Madame-Sainte-Anne.
— On partira c'te nuit, vers les onze heures, et on rentrera demain dans la soirée. Le mousse passera chez la Marie Codic pour vous prévenir quand c'est qu'on sera parés.
— Vous croyez que la pêche sera
bonne ?
— Ça s'doit. Y'a un banc qui s'dévide depuis trois jours aux alentours de Groix et qui descend devers le sud. On l'retrouvera, pour sûr, à une vingtaine de milles d'ici.
— Alors à ce soir. N'oubliez pas de nous faire prévenir.
— Non, dame, j'oublierai pas!
Huguette était parvenue, à force d'ingéniosité et avec la collaboration empressée de Marie Codic, à préparer un goûter acceptable. L'aubergiste avait confectionné un flanc breton : la jeune fille, retroussant ses manches, s'était lancée dans des combinaisons pâtissières dont le résultat ne semblait pas si mauvais, après tout. Crême, confiture, miel, croquettes de chocolat à la noisette, c'était, en outre, tout ce qu'elle pouvait
LE FILM
offrir. Collation simple, mais abondante et saine, Le roi ne peut offrir un trésor plus riche que celui qu’il possède !
Un peu avant cinq heures, les dames Cornouër arrivèrent. Huguette fit aimablement les honneurs de sa chambrecabine transformée : le lit était petit, des vues postales décoraient les murs et deux vases rustiques, achetés le matin même et remplis de fleurs embellissaient la petite pièce. Au délicat compliment que lui fit sur son goût Mme Cornouër, elle rougit de plaisir.
Tout en grignotant, elles bavardèrent. Huguette découvrit avec stupeur que sous les deux coiffes légères se dissimulait autant d'esprit qu'elle en avait pu admirer chez les femmes du monde les plus spirituelles qu'elle eût connues. Mme Cornouër avait lu les œuvres les plus récentes ; elle les analysait avec beaucoup de sûreté et de subtilité. Ces deux paysannes étaient, sur le plan de la culture et de l'éducation, des bourgeoises accomplies.
Pourquoi, pourquoi donc de telles femmes s'obstinaient-elles à porter le costume désuet de leurs aïeules ?...
Mme Cornouër comprit-elle la perplexité de la jeune fille ? Peut-être. En tous les cas, comme si elle eût eu le souci d'éclairer Huguette, elle mit adroitement sur le tapis les mœurs et les coutumes du pays celte.
— Je déplore, dit-elle, le peu de soin qu'apportent les Bretons à perpétuer leurs traditions. Elles avaient leur charme, pourtant ! Nous oublions notre his. toire, nos vieilles chansons, la couleur de nos légendes, la poésie de notre folklore et de notre langue. Notre rude langage avait son caractère, et sa phonétique savait bien traduire le caractère celtique. Nous perdons tout ce que nous avions ! Même nos coutumes ! Le pittoresque de nos assemblées où les hommes se rendaient en chapeau rond et en veste de velours, où les femmes se pavanaient sous des jupes brodées, des tabliers précieux et des coiffes aériennes, ce pittoresque-là : mort! Nos filles et nos gars s'endimanchent comme des villageois de chef-lieu de canton. Ils étaient fiers sous le vieux costume de leur race : maintenant ils sont grotesques ! Qui donc réagira contre ce mouvement qui nous fait jeter aux orties notre vêture ancestrale ? Il faudrait que la classe aisée de chez nous prêchât d'exemple. Les nobles, les bourgeois, les riches paysans bretons devraient reprendre, au moins chez eux, le vêtement que nous n'aurions jamais dû quitter ! Les autres suivraient ! ...
« Remarquez bien que je ne place pas la Bretagne au-dessus de tout! Ni la tradition ! Je ne suis pas séparatiste et je n'ai pas des goûts systématiquement archaïques ! Ce que je fais ici je le ferais en Auvergne si j'étais Auvergnatz ou en Provence si j'était Provençale. Chaque pays devrait s'efforcer de con