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LE FILM
"Mcle aux Pieds d'Urgi e
que plaintif. Dans le grand salon, quelques couples dansent.
Vêtue d'une robe d'un bleu profond et chaud dont l'intensité s'harmoaise à ses yeux pers, Catherine s'amuse, au passage, du reflet que lui envoie la glace.
Elle est satisfaite de son image. Elle admire sa longue silhouette qui glisse docile aux bras de Fabien Lemercier.
Ce soir, elle est heureuse, toute au plaisir de l'heure présente. Ce n'est pas pour elle une chose coutumière. Car cette belle Catherine choyée tendrement par son père, chérie de ses amies, courtisée par de nombreux admirateurs, déclare volontiers « qu'elle exige beaucoup de la vie ».
Généralement, les auditeurs se trouvent d'accord pour convenir que cette créature éclatante, un peu hautaine peutêtre, a des excuses à ses exigences.
Tout enfant, ayant perdu sa mère, Catherine a entendu ses professeurs proclamer, avec une touchante émulation :
— C'est une élève d'élite... Une enfant extraordinairement attachante ..…. Une mentalité très originale...
Ces assertions méritées sans doute ont donné à l'enfant, à la jeune fille, une opinion avantageuse d'elle-même.
Elle est trop intelligente pour être vaine, mais elle expose volontiers que « la noble fierté que l'on éprouve à se dominer, à «perfectionner sa statue » selon le conseil du philosophe grec », cette légitime satisfaction ne saurait être condamnable.
— Je trouve, a-t-elle souvent déclaré, qu'on ne donne point à l'orgueil la place méritée. Totalement différent de la niaise vanité, il légitime tout à fait le vers de Musset :
L” RADIO joue un air très doux, pres
L'orgueil, c'est ce qui reste un peu beau dans la vie.
Souvent, étant enfant, explique encore Catherine, ma gouvernante m'a empêchée de faire quelque espièglerie répréhensible, rien qu'en me disant : « Voyons, Catherine, vous ne pouvez pas faire cela, vous...» Et je ne trouve pas que ce système d'éducation, essentiellement anglais comme miss Smithson, fût répréhensible ... Elle m'a inculqué ce principe essentiel : « Il y a des choses qu'on ne fait pas, qu'on ne peut pas faire... jamais...» Je lui en demeure reconnaissante ...
Par taquinerie quelquefois, des camarades se sont amusées à essayer de met
Publié en vertu d'un traité avec la Société des Gens de Lettres.
Roman d'amour complet
pat Guzanne M: ureu
X
tre la savante Catherine en contradiction flagrante avec elle-même :
— Comment, raillait Gilles Ramire, un ami de toujours, comment expliquer, Catherine, qu'étant si superbement absolue, vous ayez choisi un métier abso
lument opposé à vos rigoureux princi:
pes? Vous êtes avocate, Catherine, vous avez pour tâche de trouver des excuses ‘à toutes les faiblesses humaines ... Cette indulgence, en somme, est contraire à votre noble destin ?...
Catherine a des raisons, toutes excellentes, pour justifier à la fois sa nature et son caractère :
— Ma grande sévérité, Gilles, cette sévérité que vous trouvez excessive, c'est à moi que je l'appligque. J'estime que, moi, je ne dois pas commettre telle erreur, tomber dans un tel piège... me montrer en un mot inférieure à la Catherine que mes amis connaissent, à celle dont on a souvent remarqué le caractère loyal, la franchise, l'horreur de tout ce qui est mesquin... Mais j'admets que les autres, moins heureux, élevés d'une manière moins fortunée, moins plaisante, puissent connaître la tentation... y céder et, en fin de compte, sombrer dans une faute plus ou moins grave.
Et puis Gilles, qui est lui-même avocat et le confrère de Catherine — ils sont tous deux les secrétaires de Victor Davy, ce maître prestigieux de l'éloquence, ce grand vainqueur de la cour d'assises — Gilles Ramire sait bien que Catherine n'a nulle prétention de plaider, de s'illustrer dans l'art oratoire :
— J'ai fait mon droit parce que je voulais faire quelque chose, parce que j'étais mieux douée pour cela que pour les lettres ou les sciences. Mais je ne me leurre pas, Gilles... Je suis une secrétaire ponctuelle, scrupuleuse, appliquée pour Victor Davy. Je n'ai pas de talent. Je ne possède ni la fougue, ni l'énergie nécessaires à un grand avocat. Aucune femme, d'ailleurs, n'a jusqu'à présent fait montre de ces qualités in
, dispensables. Nous n'avons pas chez
nous l'équivalent d'un Victor Davy ou d'un Henri-Robert ..,
Gilles Ramire quand il entendait ces assurances s'émerveillait de la sagesse de son orgueilleuse amie.
— Puisque vous aimez tant la gloire, Catherine, pourquoi ne pas tenter d'acquérir ces qualités que vous reconnaissez vous manguer ?... pourquoi ne pas vouloir être «une femme supérieure aux autres hommes»...? Voilà une belle ambition, ma chère ?...
Elle haussait doucement ses belles épaules et ne se fâchait pas de la taquinerie.
Ambitieuse pour elle-même? La jeune fille sait que ce serait une erreur L'avenir la lui révélerait pénible. Mais, dans le fond de son cœur, Catherine se dit qu'elle sera ambitieuse, tout aussi légitimement, mais avec plus de raisons, pour le compte d'un autre... de l'homme qu'elle choisira parce qu'elle l'aimera totalement . ..…
Elle n'a pas expliqué cela à Gilles Ramire parce que ce charmant garçon est, visibleñent, très épris de Catherine et parce qu'elle souffre à la pensée du chagrin qu'il faudra bien qu'elle lui fasse un jour... quand elle aimera ... quand elle sera aimée comme elle souhaite de l'être.
Qui, Gilles est charmant. Mais il a aux yeux de Catherine des défauts essentiels, irrémédiables. D'abord, il est trop jeune: ils ont, exactement, le même âge : vingt-six ans . . . Ft Gilles a même le tort de paraître moins encore que son âge... Et puis Gilles, s'il est, comme Catherine, un parfait secrétaire pour le grand avocat Victor Davy, ne prendra jamais la succession de ce dernier... c'est un excellent sous-ordre .. Un talent de «seconde ou troisième zone », juge Catherine. Non, Gilles ne pourra jamais lui inspirer cette admira
‘tion, cet émerveillement qui, se déclare
Catherine, doivent être pour une femme la plus douce des satisfactions.
Depuis son adolescence, Catherine, bien plus sentimentale, bien plus romanesque qu'elle ne le croit, attend son grand homme ... L'amour de Gilles, s'il avait pu la toucher, aurait sans doute fait le miracle accoutumé : elle eût doté le jeune avocat des qualités qu'elle réclamait de l'homme choisi. Mais elle n'a pressenti pour Gilles qu'une affectueuse camaraerie, une grande estime ...
Et voilà que l'orgueilleuse, la raisonnable Catherine, celle qui sait si bien raisonner, juger, condamner, ressent, ce soir, une ivresse émerveillée.
Comme elle danse, aérienne, dans les bras de Fabien Lemercier, elle a le sentiment qu'enfin son destin est fixé. Celui qu'elle attendait si passionnément — son père commençait même à s'alarmer
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