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Pauvre Gilles !... Avant que vingtquatre heures s'écoulent, il aura la réponse à sa question désolée.
Il
OULOUREUSEMENT, Catherine regarD de Gilles Ramire dont les yeux clairs expriment la navrance.
Catherine ... êtes-vous bien sûre de vous-même ? insiste le jeune avocat. Un homme de lettres, Catherine, est, obligatoirement, préoccupé de son métier, de son succès ... Etes-vous sûre d'être aimée comme vous méritez de l'être ?...
Il est maladroit dans ses paroles, le pauvre Gilles ! Il a tant de peine... Il s'était si bien habitué, voyant Catherine aussi difficile, à penser qu'un jour, dans l'impossibilité de trouver son « surhomme », la jeune fille consentirait à se laisser adorer par lui, Gilles, lui, qui sans prétentions, mais non pas sans mérites, finirait bien par la convaincre que l'amour n'est pas une chimère irréalisable, mais un calme et sûr bonheur.
À la demande de l'avocat, Catherine fronce ses fins sourcils. Il devrait mieux le connaître... comprendre que toute critique est inutile... Catherine n'est pas fille à se méprendre sur le compte d'un homme...
— Vous êtes injuste, mon pauvre Gilles. Fabien Lemercier est un écrivain de grand talent. Il a eu le prix Fémina il y a trois ans. Toute la critique a salué son arrivée dans le monde du roman. On admire son lyrisme, cette poésie personnelle, qui, profondément, at
tire et bouleverse. À trente-cinq ans,
Fabien est un des espoirs de la jeune littérature ...
Gilles a un geste peu respectueux pour tant de gloire:
— Neuf ans de plus que nous, Catherine, c'est quelque chose ... Donnezmoi neuf ans et, moi, je...
Elle l'interrompit, cette fois agacée :.
— Mais, mon petit Gilles, je suis votre amie ... j'ai pour vous une véritable affection, vous le savez. Comprenez-moi, une bonne fois : nous ne sommes pas faits l'un pour l'autre, mon cher. J'estime que l'homme, dans le mariage, doit être — je ne dis pas supérieur — mais nettement l'aîné de sa femme. Quels que soient vos succès, cher Gilles, je vous verrai toujours aimablement, sans plus . . . Pardonnezmoi ma franchise. Et, je vous en prie, n'exagérez pas votre chagrin...
Elle lui tend la main. Il serre ses doigts fins qu'il n'ose plus porter à ses lèvres.
Catherine est perdue pour lui Un autre l'a conquise parce qu'il venait vers elle auréolé de succès, parce qu'il attirait en entrant dans un salon tous les regards féminins, parce qu'il était une personnalité parisienne...
— Nous resterons amis ?... demande Catherine d'une voix douce.
Comme ses yeux sont beaux, même à cette cruelle minute ! Le pauvre Gilles a le cœur serré de désespoir.
— Bien sûr que nous resterons amis. riposte-t-il d'une voix sourde. Je ne vous oublierai pas de sitôt, allez...
Elle pose sur lui un regard chargé de reproches.
— Ne nous quittons pas ainsi, Gilles. Je garderai un souvenir très agréable, très doux de notre intimité laborieuse. Gilles ...
Que n'obtiendrait-elle pas en l'en priant ? Avec mauvaise humeur, il assure :
— Mais oui, je serai raisonnable. Ne vous attristez pas sur mon compte. Catherine. Puisque vous, vous êtes heureuse, je n'ai rien à dire... Mais... il y a bien de l'orgueil dans votre amour, mon amie...
— De l'orgueil ? répète-t-elle. Mais je le reconnais. Je suis fière, immensément, parce que celui dont je vais porter le nom est un de ceux qui embellissent l'humanité, parce que j'espère qu'il va continuer sa marche ascendante Plus haut... toujours plus haut :.. Orgueilleuse ? Oui, mais n'est-ce pas du meilleur orgueil ?...
Il ironise :
— Votre amour va au plus heureux, au plus fortuné... Vous êtes comme l'héroïne de Bernstein : «J'aime qu'on réussisse ». Mais... s'il vous décevait. ma chère ?
Elle dédaigne la raillerie :
— Il n'est pas de ceux qui déçoivent Adieu, cher Gilles. Merci de vos preuves d'affection...
Elle s'éloigne.
La voix chère continue à résonner à son oreille blessée ...
— En somme, je lui fais l'effet d'un incapable, d'un raté, d'un fruit sec. s'exclame-t-il véhémentement.
ll est au Palais. C'est là que Catherine est venue le trouver, bien sûre de le rencontrer.
Non loin de lui, des confrères jeunes et joyeux parlent, rient, discutent...
— Ça va plus mal?... questionne ironiquement un camarade.
III
ANS son petit salon, Catherine a fait D entrer la douloureuse jeune femme. D'une voix affectueuse, nuancée d'une pitié un peu méprisante, elle essaie de consoler sa jeune cousine : — Voyons, ma petite Claude, il ne faut pas te laisser aller comme cela... Sois un peu courageuse. Tu n'as pas d'enfant... Tu es libre... I1 faut oublier. Rayer un passé mensonger.….. Aller vers un autre avenir...
Claude Bligny regarde Catherine avec une admiration non dissimulée. Comme elle est belle, Catherine, sûre d'elle, de ce qu'elle avance...
— Ah!... dit la pauvre Claude, tu es une femme forte, toi, chérie... tandis que moi je suis une tendre, vois-tu... alors je souffre...
Sévère, Catherine hausse les épaules et réfléchit, les sourcils froncés.
LE FILM
Une forte, elle, Catherine? À dire vrai, jusqu'à présent elle n'a guère eu besoin de force d'âme pour choisir sa destinée selon son goût et selon son cœur, pour être heureuse, depuis un an, auprès de Fabien, l'homme le plus délicat, le plus tendre, le plus agréable qui soit...
Oui, il y a un an qu'ils sont unis... Il semble à Catherine que c'est hier seulement qu'ils échangeaient leurs premières impressions ...
En regard de son jeune et éclatant bonheur, la jeune femme reconstitue l'aventure lamentable de sa cousine Claude. De deux années plus jeune Claude s'est mariée, il y a quatre ans déjà, à un très beau garçon, riche, oisif et fantasque. Un véritable enfant gâté du sort...
À-t-il aimé réellement cette douce petite Claude assez insignifiante, quant à l'esprit ? Catherine en a toujours douté, mais sa cousine était si visiblement en extase devant ce mari brillant |... Comme Catherine, la famille désirait que l'entente se fasse entre les deux jeunes gens qu'un sort peut-être perfide avait mis en présence.
Georges Bligny a cependant paru un époux irréprochable. On s'est rassuré. Peu à peu, on a considéré le ménage Bligny comme excellent... Et aujourd'hui, au courrier du matin, Catherine a reçu une lettre navrante de Claude désespérée, appelant à l'aide : Georges Bligny l'a trompée, bassement, avec une de ses amies. Il a déjà trahi Claude plusieurs fois... Elle a des preuves désolantes de la légèreté de son mari. C'est un écroulement complet. Son bonheur est ruiné, à jamais ...
C'est vers Catherine si grave, si absolue dans ses sentiments que la faible Claude s'est élancée. Sa visite était annoncée. Elle est là, près de sa parente inexorable et digne.
— Catherine, je remets mon sort en tes mains, ma chérie, Je ferai ce que tu me diras... ]l faut divorcer, n'estce pas?
Les yeux magnifiques de Catherine se posent sur les prunelles de l'apeurée. Presque sévère, elle interroge :
— Est-ce que... vraiment, ma petite Claude, tu vois une autre solution ?... Ta pudeur, ta dignité, ton avenir té le conseillent. Cet homme doit être mort pour toi... Allons, ne pleure pas ainsi, Claude ... Tu n'es plus une enfant, tu es une femme, n'est-ce pas ?...
La pauvre Claude essaie une timide protestation :
— Les morts... pleure... 4
L'interpellée le prend mal:
— Quel est cet enfantillage, Claude ? Un être comme celui-là, aussi vil, aussi lâche ne mérite pas un regret... Veuxtu que je me charge, tout de suite, de ton divorce ? .…
— Je t'en prie, ma chérie... Je suis si désemparée, si malheureuse ..
Cathetine, on les
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