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qui n'est pas la froide raison, la justice rigoureuse ...
La jeune désolée pousse un soupir :
— Je vous remercie tous les deux, mes amis. Catherine, je vais faire ce que tu me dis, réunir mes pièces à conviction : les lettres, d'abord, celles de Georges... et celle de Marceline qui me dit «les avoir rencontrés tous les deux il y a trois jours » ...
Encore un sanglot refoulé. Catherine s'énerve un peu. Elle a hâte d'en finir avec ce qui va, pour elle, devenir une corvée un peu ridicule :
— Oui... c'est cela, chérie. Il me faut aussi ton état civil. Téléphone-moi demain matin, veux-tu ?... Je te dirai si ce que tu as réuni est suffisant.
La future divorcée se dirige vers la porte, escortée de ses parents :
— Venez dîner avec nous un de ces soirs, Claude, invite Fabien. Il ne faut pas vous isoler dans votre chagrin. Il faut y faire diversion...
— En effet, approuve Catherine. Viens. Nous tâcherons d'aller au théätre... voir ure pièce gaie... puisque
tu as besoin de dérivatifs ...
Un peu d'ironie dans sa belle voix grave.
Les deux cousines s'embrassent. Fabien baise la petite main tremblante.
Maintenant, les deux époux sont revenus dans la charmante pièce qui est l'endroit préféré de la jolie maîtresse de maison.
Fabien, malgré lui, ressent une vague irritation devant cette froideur de sa femme. Il le lui dit :
— Chérie, sais-tu que tu es réellement « inhumaine ». Cette pauvre Claude est lamentable . .. Tu lui parles avec une sévérité ...
Elle hausse dédaigneusement ses magnifiques épaules :
— Que veux-tu, Fabien, ces natures molles et lâches m'exaspèrent ... Il n'y a pas-deux vérités, il n'y a pas deux justices ... Son mari, ce Georges Bligny, ce Don Juan, ce bellâtre l'a trompée... d'une manière particulièrement offensante .. Et elle découvre que ce n'est pas la première fois ... Vas-tu nier que cet homme ne soit indigne d'elle ?
L'écrivain hésite un peu plus :
— Peut-être, Catherine... C'est probable ... Cela n'est pas absolument certain ...
Mais Catherine s'indigne à cette assurance donnée d'une voix calme.
— Tu plaisantes, Fabien?... Tu veux me faire sortir de mon caractère ? Pourquoi ?
Il rit gaïîment, prend sa femme par la taille et essaie de maintenir la discussion dans un cadre affectueux :
‘1 rit gaîment, prend sa femme par la ton caractère » ... si tu t'y trouves bien. Ne prends pas les choses au tragique. Ce bellâtre, ce Don Juan a peut-être des excuses. Qu'en savons-nous ?... Connais-tu le fond de son âme? Il a neutêtre lutté, lutté longuement, avant de succomber à un attrait trop fort pour
sa faiblesse. Il a peut-être des remords actuellement ... Il aime peut-être encore sa femme... Il souffre, il a souffert... Il va souffrir encore...
Catherine a croisé les bras, dans une attitude ironique :
— Mais c'est magnifique, mon cher Fabien. Je ne t'avais pas vu encore en confrère ! ... Si les livres ne t'attiraient plus tu pourrais peut-être réussir au bureau ? Comme tu plaides bien, avec chaleur et émotion... C'est du grand art... De nous deux, c'est toi l'avoCatrA
Ils rient et s'embrassent une fois de plus. :
— Tu n'es pas sérieux, reproche Catherine. Je connais toutes les «ficelles» du métier de défendeur, mon chéri. S'il me fallait plaider la cause de l'indigne Bligny, je saurais, naturellement, trouver les arguments-massues, parler du remords, de la tentation, de l'amour renaissant, etc... Mais, de toi à moi, Fabien chéri, en toute confiance, en toute intimité, crois-tu que ces excuses-là soient valables ? Non, non, Fabien... Quand on a une certaine qualité d'âme, on ne saurait s'embarrasser de sophismes dangereux et commodes tout ensemble. Toute faillite est définitive. Toute trahison, mortelle . .. Si, prenons les choses par l'absurde, Fabien. Si je te trahissais, est-ce que tu m'aimerais encore ? Réponds très sincèrement, je t'en supplie...
Il la regarde et s'émeut de toute la tendresse qu'il ressent pour elle. Jamais aucune autre femme n'a soulevé en lui un tel élan, une si profonde et si vive allégresse. D'une voix un peu basse, vaguement honteux de cette vérité qu'elle l'adjure de déclarer, Fabien répligue:
— Si tu me trompais, Catherine... ma Catherine... je souffrirais atrocement... mais je crois... oui, je crois bien que je t'aimerais assez pour te pardonner ...
Il se tait, le regard lointain.
Mais Catherine, belle d'énergie hautaine, le regarde :
— Fabien... tu dois te tromper... Ou alors tu m'aimes moins que je t'aime. : Il proteste. Il sait que cela c'est impossible,
Catherine, qui n'est plus la froide et hautaine déité habituelle, s'échauffe au
* fur et à mesure qu'elle parle.
Elle, Catherine, si Fabien la trompait. c'en serait fini, à jamais... Pardonner ? Mais cela lui serait impossible... Quand on aime vraiment, n'a-t-on pas tout mis en un seul être: admiration. tendresse, confiance illimitée, sécurité. croyance ? ... Quand l'idole s'écroule. que faire ?... L'être nouveau, misérable, amoindri, que le pardon lui donnerait pour compagnon, mais Fabien. avec horreur, ne pourrait que le chasser bien loin... Si loin de son cher idéal, dont il serait tout au plus une parodie grossière, insupportable ? ..….
LE FILM
— Non... non... répète-t-elle avec une fougue admirable. Ne dis pas cela, Fabien. Quand on a vraiment aimé du
. meilleur de soi-même, le pardon est
impossible ... Celui qu'on a mis si haut, dans une exaltation du plus haut amour volontaire ne peut pas impunément descendre brusquement, se ravaler à un niveau médiocre. Une trahison, c'est la mort de tant de choses...
Fabien est bouleversé par Catherine. Il la contemple avec une émotion singulière. Quelle élévation dans ses propos ! Il se reproche d'avoir méconnu parfois cette âme supérieure.
Il prend la belle main de sa femme, la porte à ses lèvres :
— Catherine chérie, pourquoi médistu de tes dons d'avocate ? Tu viens de plaider superbement, sais-tu? Comme tu t'abuses sur toi-même, Catherine ... Tu m'as toujours paru sévère à l'excès pour les erreurs sentimentales et j'attribuais cela à une certaine froideur ... Je me trompais. Tu caches tes sentiments les plus secrets avec une délicieuse pudeur ... Mais tu n'es pas froide. Tu es une nature ardemment tournée vers le Beau, le Bien... Tu es si droite, si noble, ma femme chérie...
Il se dit que jamais les paroles de Catherine ne sauraient sortir de sa mémoire. Vienne cette tentation féminine, qu'en psychologue averti des erreurs du cœur il juge possible, Fabien Lemercier évoquera Catherine si belle, si ardente, refusant le pardon au nom de son amour
même... Son amour absolu, fier et altier comme elle-même ... IV
nique. D'une voix d'abord indifférente, puis qui, peu à peu, s'élève, le voilà qui poursuit une véritable discussion avec un interlocuteur invisible.
Catherine, le visage durci, écoute. visiblement désapprobative.
Mais son mari raccroche, d'un geste sec. Il regarde sa femme avec-une légère indignation :
— Ce Plantin exagère ... Que diable,
Fu a décroché l'appareil télépho
je suis un homme libre, je ne lui suis
pas gagé. En voilà une prétention singulière : exiger presque la sortie d'un livre
cette année... alors que je ne me sens pas en forme... C'est inouï... dérisoire ...
Mais il ne trouve pas d'écho chez Catherine et il est frappé de l'altération du beau visage de celle qu'il aime; après trois années d'heureuse union, un peu plus chaque jour.
— Catherine?... Tu ne penses pas comme moi ?
Toujours ausi nette dans ses sentiments, la jeune femme, que la trentaine rend plus belle, plus rayonnante encore, secoue la tête négativement. Sans un mot. 4
Ce mutisme déplaît à Fabien.
— Tu estimes, comme Plantin, que je dois, bon an, mal an, donner mon bou
quin : le dernier Lemercier. Voilà, Il
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