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Deux jours plus tard, elle recevait la ‘réponse. Laconique d'ailleurs.
Ma chère amie,
Tes petits loups seront les bienvenus chez moi. Une grange les attend. À défaut de luxe, ils auront au moins le bon air. Quant à leurs capacités agricoles... laisse-moi rire. Ils joueront toute la journée. Cela vaudra mieux pour leur santé, et pour l'estime que les ruraux leur gaerderont. Je leur aurai, pour les vivres, des prix défiant toute concurrence. ÆEt mes amis, les châtelains du pays que j'ai intéressés à tes protégés, me prient de t'envoyer un billet qui paiera les frais de voyage, et le mafériel de campement dont vous avez sans doute besoin.
Je me réjouis de te voir, de retrouver la Léone de mon enfance. Pourvu qu'elle ne me trouve pas trop changée ! Je sais bien, moi, qu'elle est toujours aussi sérieuse et affectueuse.
Mille baisers, Rose CHARLEVAL.
Un billet de mille francs était joint à la lettre. e
— Cheftaine regardez, là-bas, des chevaux qui promènent un moulin-àvent |
— Nigaud! Ce n'est pas un moulin, mais une moissonneuse-lieuse, Cette machine remplace la faux maintenant.
— Oh! cheftaine, là-bas, des ‘vaches pores Est-ce qu'elles mordent, celleslà 7
— Les vaches ne mordent pas, mais elles donnent des coups de corne aux louveteaux qui essayent de les ennuyer.
— Cheftaine, est-ce qu'on pourra pécher à Nanteuil ?
— Dans la cave du château, ne crOyez-Vous pas qu'on découvrira un trésor ?
— Cheftaine, est-ce que je trouverai un petit lapin à ramener chez moi?
Les deux compartiments, occupés exclusivement par les petits loups, bruissaient comme une volière. Un peu étourdie par les questions continuelles, les plus saugrenues, Léone essaya de protester, pour la forme :
— Mais si je vous dis tout maintenant, vous n'aurez plus rien à apprendre à Nanteuil !
— Cheftaine, est-ce que c'est loin’ de Paris, Nanteuil ?
— À soixante kilomètres environ.
— Est-ce que les habitants...
Mais elle interrompit Pierre Marchand :
— Nous allons chanter une nouvelle fois la belle chanson que je vous ai apprise. Ce soir au feu de camp...
— Oui, pour cette mademoiselle Rose qui a été si gentille, fit Jean-Marie.
— Et aussi, répligua Léone, pour les châtelains qui ont offert le voyage... et bien d'autres choses,
Pour un temps, les petits loups abandonnèrent les portières. Cette grande banlieue parisienne, si médiocre pourtant, prenait à leurs yeux éblouis tous les charmes de la Terre Promise, Jamais ils n'avaient chanté d'un tel cœur, ajustant leurs voix aiguës, le refrain des scouts :
Tout en marchant, marchant, marchant Per les voies et par les champs, Observant les traces,
Le vol des oiseaux qui passent, Et d'où vient le vent Et les couleurs du couchant.
C'était un peu de répit pour Léone. Cependant, elle encourageait les chanteurs, quand Georges Lemoine lui dit à mi-Voix :
— Je vais m'en occuper, mademoiselle. Vous devez être tellement fatiguée, vous |
Cette attention, sur des lèvres de douze ans, toucha profondément Léone. Elle ne se penchait jamais sur cette jeune âme sans un fugitif émoi. Tant de maturité, déjà! Que de misère, de muette douleur devait représenter cette expérience de la vie! Jamais, pourtant, une plainte, même une confidence n'avaient échappé à Georges Lemoine. Aussi se surprenait-elle à lui répondre comme à un homme.
— Je suis tellement heureuse, Georges, que je ne veux pas m'apercevoir que je suis fatiguée. Tu vois, cette veine inouïe ne rend pas seulement service à tes petits camarades, mais à moi-même. Elle m'a rendu confiance en la vie. Il y a encore, donc, des coups de chance et des gens charitables. Cela fait du bien, tu sais ! |
— Le bien que vous nous faites, cheftaine.
Mais le premier sizainier baissa légèrement la tête. Il avait la pudeur de ses sentiments. Ce fut bien plus pour détourner la conversation que pour suivre sa propre pensée quil reprit, après quelques secondes de silence :
— Je m'arrangerai pour que le camp soit de vraies vacances pour vous aussi, cheftaine. Ils se tiendront sages, allez. C'est moi qui vous le promets. Au début, ce ne sera peut-être pas très facile ; sur quinze petits loups, il y en a au moins la moitié qui ignore la campagne, la vraie. Et puis...
Le front soudain soucieux, Georges Lemoine se tut. Mais Léone avait deviné :
— Tes « pattes-tendres » ?
— Avec Michel Leroy, ça va très bien. Mais Jean-Marie Birard ...
— Il est bien doux, pourtant | Es Oh ! oui, mademoiselle, comme une
e.
Et l'on sentait ce que ce mot de fille exprimait de mépris.
— Îl ne court jamais. Il a peur d'avoir chaud, d'avoir froid. Pour le moindre bobo, il pleure... Ça, un louveteau !
— Il faut être patient, Georges.
— Ah! Si, comme moi...
Mais il n'acheva pas sa pensée. Au reste, Léone n'eut pas le temps de l'interroger. Le train, dans un grand haletement, ralentissait. La cheftaine consulta son indicateur.
— Allons, petits Joups, branle-bas! DE à arrivons dans cinq minutes à Nanteuil !
Dans les deux compartiments, ce fut alors un beau tohu-bohu !
— Mon sac !
— Mon bâton !
— Cheftaine, où est mon béret ?
— La courroie de ma gourde qui se casse !
LE FILM
Mais, aidée de ses sizainiers, Léone Marcellin s'affairait. La meute était prête quand les premiers écriteaux de la gare furent visibles.
— Nanteuil ! Nanteuil-en-Beauvaisis !
Les croisés arrivant devant la ville sainte ne durent pas crier : Jérusalem! Jérusalem ! avec un cœur plus fervent.
À Nanteuil-en-Beauvaisis, sans doute, n'avait-on jamais vu de petits loups. Car l'arrivée, dans la gare, d'Akela, la mère-louve du Livre de la Jungle et de ses vrais louveteaux, n'aurait pas soulevé plus de surprise que le débarquement de Léone et de ses protégés. La factrice en laissa tomber un de ses sacs de toile bise ; le chef de gare décompta les voyageurs d'un œil soupçonneux ; un gamin du pays se mit un doigt dans ee nez et, de ce fait, récolta une taloche.
— Allons, vous n'avez rien oublié ? Tout va bien ? Premier sizainier, nous sommes prêts ?
Ce ne fut pas Georges qui répondit. Léone était déjà saisie par le bras. Une fraîche jeune fille, vêtue de clair, s'écriait :
— Mais ce sont des amours, ces petits loups ! Et toi aussi, ma grande...
— Rose ! D'abord, merci...
— Chut ! chut ! Dis-moi plutôt si l’on peut encore embrasser son amie sans nuire à son autorité ?
Pour toute réponse, la cheftaine se jeta dans les bras de son amie de lycée. Les louveteaux, bouche bée, regardaient cette jeune dame, si joliment habillée, l'amie de la cheftaine, et tout son opposé.
Car Rose Charleval évoquait quelque divinité agreste. Sa chair avait le chaud reflet des moissons. Dans sa marche il y avait de la danse, et dans sa voix aux notes graves, passaient, par instants, des sons de gorge comme des roucoulements. Rlle était heureuse de vivre. Le monde entier accueillait sa beauté brune, et la rondeur poupine des joues, du menton court, corrigeait ce que les yeux noirs, brülants, auraient eu de farouche.
Devant cette apparition, Léone restait comme étourdie. En quatre ans... Quelle transformation i “Sans doute était-ce bien Rose qui était devant elle, une Rose dont les traits n'avaient guère changé. Mais pourtant il lui fallait faire un effort pour la reconnaître, De ce beau corps se dégageait une nouvelle ambiance. La lycéenne, aux gestes heurtés, vêtue sans élégance, et le visage
toujours contracté était devenue cette ‘
belle jeune fille, joyeuse.
Tandis que les petits loups quittaient la gare, Léone dit à son amie, affectueusement :
— Je n'ai pas besoin de te demander si tu es heureuse |
— De te revoir, ma grande... .
À juste titre, le règlement scout interdit aux louveteaux ce qui peut évoquer le bataillon scolaire, Par petits groupes de sizaines, les garçons avançaient donc, au caprice du chemin. En silence. Un silence qui n'avait pas été ordonné par la cheftaine, mais qui résultait de leur étonnement quasi religieux.
équillibrée, saine,
{on
où |