Le Film (janv 1944)

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Le 34 vrir. Il y avait là la plus belle collection de bonnes figures ébouriffées qu'on püût rêver. Et dès que le premier louveteau se dressa sur son lit, ce fut pour demander : — Cheftaine, est-ce que vous allez mieux ? Voulez-vous qu'on fasse quelque chose pour vous ? Alors, prenant sa voix aussi joyeuse que possible, à l'abri derrière les toiles de tente qui lui permettaient de voir sans être vue, Léone répondit : — Je vais tout à fait bien, les enfants ! Vous allez voir les bonnes parties que nous ferons aujourd'hui! Elle disait vrai. Il fallait que la journée fût bonne, non seulement bonne, mais excellente pour les enfants. Car c'était à eux qu'elle se devait, corps et âme. Comment avait-elle pu l'oublier ? Est-ce qu'ils n'étaient pas et sa force et sa raison de vivre? Est-ce que ce n'était pas un sentiment qui ressemblait étrangement à une faiblesse que de songer à soi, quand on avait charge de tous ces petits bonhommes, avides de bonheur comme la plante de lumière ? Rapidement, Léone fit donc sa toilette. Ft tout en achevant de s'habiller, elle activait le joyeux brouhaha des enfants en leur répétant : — Dépêchons-nous, mes petits loups. J'ai tout plein de bonnes idées aujourd'hui | Si bien que lorsqu'elle sortit de l'alcôve primitive qui constituait son « chez soi», dans la grange, elle trouva presque tous ses louveteaux prêts à partir. Presque! Car son regard les ayant rapidement dénombrés, elle s étonna : — Où est donc Georges Lemoine ? Et Roger ? Et Henri ? Mais elle se rassura. Sans doute le premier sizainier était parti déjà avec ses deux meilleurs amis pour une de ces expéditions dont il avait le secret. Cependant, Jean-Marie la détrompa : — Ils n'ont pas voulu se lever, expliqua-t-il. — Comment ? Tu veux rire? Mais les enfants répliquèrent d'une seule voix : — Non, non, ils ont dit qu'ils ne pouvaient pas bouger | — Comment ? Comment ? Que ditesvous ? Mais sans attendre les réponses, Léone, au comble de l'inquiétude, rentra dans la grange. Pour apercevoir, dans la pénombre, en effet, les trois garçonnets encore étendus sur leurs petits lits. Ils paraissaient résignés, mais leurs visages avaient toujours leurs bonnes couleurs : — Alors, mes enfants, qu'est-ce qui se passe? On fait grève? essaya de plaisanter Léone, Mais sa voix s'étrangla dans sa gorge. Car Georges Lemoine faisait des gestes désespérés pour se dresser sur sa couchette. En vain! Il ne parvenait même pas à s'asseoir : — Vous voyez, mademoiselle, on voudrait bien se lever et courir avec les autres. Mais on ne peut pas ! Je ne sais pas ce que j'ai. Mes jambes ne m'obéissent plus. Elles sont comme mortes ! ... — Les miennes aussi! s'écria Roger. Tandis que Henri renchérissait : — Moi, c'est un bras et une jambe qui ne veulent rien savoir | Et la mimique des enfants prouvaient qu'ils ne disaient que trop vrai. Ce nouveau coup du sort acheva de faire perdre la tête à Léone. Saisie d'une incommensurable angoisse, elle les questionna, d'une voix blanche : — Mais comment cela vous a-t-il pris ? Est-ce que vous vous sentez malade ? Elle toucha successivement les trois fronts. Ils étaient parfaitement frais. Au reste, Georges, aussi tranquille qu'à l'ordinaire, répondait : — Nous nous sommes endormis bien sagement hier au soir. On allait très bien! Pas vrai, les loups ? — Ah! oui, pour sûr, répondirent les autres. — Nous avons bien dormi, reprenait Georges. Mais c'est seulement en essayant de nous lever, tout à l'heure, que nous nous sommes aperçus que ça n'allait pas comme les autres jours. Pourtant, moi, ce n'est pas que je sois malade. ie très faim ! + ui, moi aussi, fit Henri, j'ai très faim. Mais je sens comme des petites piqûres dans les jambes | — Et moi, j'y ai chaud, mais chaud! Léone, en tremblant, entr'ouvrit les — «sacs de couchage ». Les petites jambes ne présentaient aucun aspect particulier. Elle les toucha. Apparemment, point de fièvre. Alors, avec mille précautions, elle prit Roger dans ses bras, et tenta de le mettre sur pied. L'enfant s'aidait. Sous l'effort, il devenait tout rouge. Mais dès que la cheftaine le 1ächait, il retombait lourdement, d'une masse. Les autres, elle s'en aperçut tout de suite, ne vValaient guère mieux. Henri était non seulement paralysé des jambes, mais son bras gauche était aussi ankylosé. — Ça ne va pas durer, au moins, cheftaine ? demanda Georges, qui commençait de s'inquiéter. — Non, non, un malaise passager, dit à mi-voix Léone. Je vais demander conseil. Surtout ne bougez pas! Restez bien tranquilles dans vos petits lits, et ne vous laissez pas approcher par vos canArsdes Je reviens dans dix minutes ! : Mais elle sortit de la grange avec un visage tellement décomposé, que les autres louveteaux qui attendaient dehors avec curiosité, lui demandèrent, d'une seule voix : — Qu'est-ce qu'ils ont, selle? Sont-ils malades ? — Que personne, à aucun prix, ne pénètre dans la grange ! Restez sages. Je reviens bientôt ! Et aussi vite qu'elle le püût, Léone courut dans Ja & mademoi irection du château. L'angoisse, plus encore que la course, lui coupa bientôt la respiration. Mais elle n'en continua pas moins sa fuite éperdue. Une terreur panique l'envahissait. Pour la première fois de sa vie, elle avait l'impression, atroce, que le destin s'acharnait contre elle, Après le léger accident de Jean-Marie, cette épi “Vite au château! LE FILM démie singulière, follement inquiétante ? Des quelques livres de médecine qu'elle avait lus, montaient des souvenirs effrayants: méningites, polyomyélites, paralysies ... — Où cours-tu comme cela ? Reconnaissant la voix de Rose, elle s'arrêta. Tant était profond son désarroi qu'elle avait passé devant les écuries sans voir que Rose était devant la porte, prête à monter en selle sur son bai-brun : — Une catastrophe ! haleta Léone. — Une catastrophe ? Que veux-tu dire ? — J'ai trois enfants malades, gravement malades ! Une épidémie soudaine, certainement. Et je crains le pire... Rose aurait voulu rester sceptique. Mais le visage, la voix, les tremblements de Léone, exprimaient une détresse si profonde et si motivée, qu'elle se sentit, elle aussi, envahie par l'anxiété : — Explique-toi au moins! Alors, avec minutie, Léone lui décrivit les symptômes de la singulière maladie. Rose hochait la tête, et battait ses bottes de sa cravache. Enfin, elle demanda, en guise de conclusion : — Est-ce que ce ne serait pas cette maladie dont on a tant parlé, l'an dernier ? La paralysie infantile ? — Grand Dieu! Mais alors... Ils sont perdus !... Et les autres vont être contaminés | — Nous nous trompons peut-être, essaya de la rassurer Rose. Rentrons J'ai un dictionnaire médical. Nous verrons si... — Il ne s'agit pas de dictionnaire, mais de médecins ! Du secours tout de suite ! Tenter tout ce qu'on pourra humainement risquer. Protéger au moins ceux qui ne sont pas encore atteints | — Justement, murmura Rose, j'ai rendez-vous avec le docteur Marc Levasseur. Ma leçon d'équitation... Il sera là dans un instant | La cheftaine était bien trop bouleversée pour remarquer l'embarras avec lequel Rose s'était exprimée. Au reste, rien ne comptait plus désormais que ses petits loups en danger, en danger de mort | Elle implora : — Pourvu qu'il vienne bientôt? Si j'allais au-devant de lui! — Inutile... Le voici! De fait, le médecin, en tenue d'équitation, apparaissait au détour du chemin. À la vue de Léone, il ne put maïitriser un geste de surprise. Ce ne fut qu'un éclair. Déjà, Rose courait vers lui et s'écriait : — Vite, vite, docteur, venez à notre secours. Une catastrophe | — Que voulez-vous dire ? — Trois Jlouveteaux sont tombés grièvement malades ! Léone craint aussi que les autres tombent souffrants, à leur tour ? Mais l'émoi des deux jeunes filles ne se propageait pas jusqu'au médecin. Sans rien perdre de son sang-froid, il demanda : — Voulez-vous m'expliquer ? En quelques phrases hachées, Léone recommença le récit qu'elle avait fait précédemment à Rose. Sans l'interrom