Le Film (sep 1946)

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Le Film, Montréal, septembre 1946 devait son père, s’efforçant, par la suite, de liquider, petit à petit, ce qui restait de cet héritage moral. Maurice, pour y parvenir plus rapidement, chercha à augmenter ses revenus en se livrant à certaines spéculations. Malheureusement, la Bourse ne lui fut guère favorable ; il finit par perdre plus qu’il ne gagna, à une époque où la chance le favorisa. Mobilisé à la déclaration de guerre, ses affaires personnelles ont beaucoup souffert des événements. Romancier,-il a dû tout abandonner, la crise des éditeurs, puis celle du papier ont réduit à néant ses espoirs. Après la libération il s’est remis à l'ouvrage ; aucune œuvre nouvelle cependant n’a pu voir encore le jour, et pour vivre, en attendant les heures meilleures, il s’est livré à des combinaisons financières hasardeuses qui n’ont fait qu'aggraver une situation déjà précaire. François Cruseilles,, prétendant à la main de Germaine, qui n’ignore rien des difficultés de son rival, n’a pas hésité à faire état auprès de Casimir Bouveret, dont il a doublement l'appui parce que son fondé de pouvoir, des difficultés où se débat Maurice Margland. La fête annoncée par la firme Bouveret s'approche et avec elle la catastrophe financière de Maurice, car par suite de manquements involontaires à certains engagements, Maurice se voit refuser aujourd’hui des concours qui jusque là ne lui manquèrent pas. Une traite de 52,000 francs arrive à échéance le 3 septembre, juste le lendemain du jour où débute la croisière annoncée. S'il ne parvient pas à y faire face, il est déshonoré et Casimir Bouveret aura un argument terrible contre sa fille, à laquelle jusque là, il n’osa pas imposer sa volonté. L'industriel est un homme juste. Il tient à laisser marier Germaine selon son goût. Tant qu’il s'agissait de préférence personnelle, pour François Cruseilles, il se refusa à intervenir, mais devant le scandale, il mettrait sans hésiter son véto à une union entachée de déshonneur. C'est ce que savait Maurice et ce qui l’épouvantait, car renoncer à Germaine, comme il y songea par délicatesse, ou en être séparé par un événement à son désavantage, il y avait une nuance dont son amour-propre souffrait cruellement par avance. Bien que Maurice n’ignorât rien certes de la fête projetée, il perdait de vue son imminence, absorbé par le souci qui le tenaillait. Aussi lorsque ce matin-là, en lisant les journaux, éprouva-t-il une sensation désagréable, parce que la nouvelle le rejetait dans ces graves ennuis présents. Les colonnes de tous les quotidiens de la région commentaient en grosses lettres les fêtes du centenaire de la maison Bouveret, qui commençaient le soir même, par une réception à bord du Bouveret, yacht destiné à la croisière du lac d'Annecy, combien prometteuse, autour de ce site merveilleux, où chaque station envisagée, Sevrier, Duingt, Talloïire, Menthon, constituaient autant de joyaux à cette couronne radieuse d’un pays idéal. Un appel téléphonique le sortit de sa torpeur. ; — Allô! c’est vous Maurice, disait une voix lointaine, ici Germaine. Je vous ai attendu hier au soir à bord. Pourquoi n’êtes-vous pas venu ? Seriez-vous souffrant ? Le jeune homme saisit au vol la perche qu’on lui tendait. — Je vous fais toutes mes excuses. Une migraine folle... — Je vous pardonne, mais je compte sur vous, à 14 heures à la maison, pour arrêter avec Yolande les derniers détails du tango-cotillon de cette nuit. Il y eut chez Maurice une hésitation. — Pourquoi ne répondez-vous pas. Je suis sûre que vous avez le cafard. Depuis quelque temps cela ne va pas. Jaloux! Ne vous arrêtez pas aux potins qui courent. Je suis à vous, Maurice, rien qu’à vous. ÆEntendez-vous. Venez tantôt. Ne faites pas l’enfant, vous savez bien que je vous aime ? Et la communication fut coupée. Lentement Maurice raccrocha, et se laissa choir lourdement dans un fauteuil. — Où est Monsieur Maurice, demanda Pierre Lhormond à la vieille servante venue lui ouvrir. NOTRE RÉCIT D’AMOUR par JEAN BARCLAY — Dans la bibliothèque, je crois. En habitué de la maison, Pierre Lhormond traversa l’antichambre, poussa une porte et pénétra dans ce que l’on appelait le sanctuaire de l'écrivain. Il aperçut son ami, penché sur son bureau, sans mouvement. —Tu n'es pas encore habillé: il est neuf heures. As-tu réussi ? — Non. — Moi non plus. — Alors, mon vieux, je saute. Valentin se refuse à renouveler son effet. Je comptais sur toi, je ne te le cache pas. — Tu ne doutes pas, mon cher, que si j'avais pu te rendre ce service, c'eût été avec joie. Rien de disponible pour le moment. Si tu avais pu seulement obtenir une prolongation de quinze jours, j'étais en mesure de te dépaner. Ton éditeur ! — Il dit m'avoir suffisamment avancé sur mon bouquin en cours. Si j'avais pu lui remettre mon second manuscrit, il aurait marché. Comment avoir la tête à travailler avec une pareille épée de Damoclès suspendue sur moi. Et il me faut 50 billets demain. Je me suis entendu avec la banque; elle m’attendra jusqu'à 15 heures demain, toujours dans l’espoir d’un miracle. . 15 — Angelvin ! — Rien à faire avec l’argent que je lui ai fait gagner, l’ingrat ! — Si tu demandais à Jacques Revard : — Le mari de Yolande, l’amie de Germaine. Ÿ penses-tu ? Elle le saurait tout de suite. — Il a, paraît-il, ramassé pas mal d’argent en Bourse ces temps derniers. — On le voit, ils en font un étalage presque indécent. Ils feraient la culbute un de ces jours que cela ne m'étonnerait pas, mais c’est leur affaire. Yolande a une marotte: pouvoir dépenser autant que Germaine. Je ne èomprends pas d’ailleurs comment cette pimbèche sans intelligence est à ce point liée avec Germaine. Je me refuse en tout cas de recourir à Revard. Ce sont des vaniteux. Sa femme en est à sa troisième bague depuis un mois. Elle a au moins cent mille francs de bijoux sur elle. Non, pas eux. — Soit. Alors, mon vieux, je ne vois pas qui d'ici à demain. Ah! mais j’y songe. Grandjean, je l’oubliais. Je vais le sonder. Toi, revois Valentin. — J'ai un de ces entrains, mon pauvre Pierre ... — Allons, un peu de nerfs ; les découragés sont vaincus par avance. — Si tu me tires de là, vieux frère, je te devrais une fière chandelle... Quelle sale situation, mon Dieu! Je ferais n’importe quoi pour m'en sortir. — Fais le portefeuille à ton futur beaupère ce soir, lança Lhormond en riant. Après tout ce ne serait qu’un acompte sur la dot qui te reviendra. Bien qu’il n’en aït aucune envie, Maurice se mit à rire à son tour. — Tiens, tu me dérides. Je vais m’habiller. Advienne que pourra ! — Tu t'en sortiras. J’en ai la certitude. — Que le Seigneur l’entende, t’écoute et t'exauce, et sur ces mots le romancier passa dans sa chambre, tandis que son ami allumaïit une cigarette. Dix heures sonnèrent au carillon de l’antichambre. # Le Bouveret, amarré à l'extrémité du Canal de Thiou, est brillamment illuminé. Dans ce cadre poétique, il ajoute une note de féerie. Une foule sympathique stationne aux abords de l’embarcadère. Casimir Bouveret, qui ne pouvait inviter toute la ville à sa croisière, a voulu que ses concitoyens participent aux fêtes de son centenaire. Sur le quai qui borde le Jardin Public, il a fait édifier une salle de bal, avec un buffet, pour que la joie règne partout en ce soir de réjouissance, qui consacre le labeur, l'effort commercial, la probité d’une marque remontant à plusieurs générations. Les invités montent à bord où les accueillent la bonhomie de l'industriel, l’amabilité de sa femme, le sourire de sa fille. Germaine, étonnée de ne pas encore avoir vu Maurice, se demande toutefois avec anxiété ce qui motive ce retard. Sa crainte est justifiée par l'attitude, depuis quelques jours, de celui qu’elle considère comme son fiancé. Serait-il souffrant. Aurait-il des ennuis ? Se détacherait-il d’elle? La jalousie ramène toujours à des fins personnelles, les agissements de ceux qui vous sont chers. La santé de Mauri-.