Le Film (sep 1946)

Record Details:

Something wrong or inaccurate about this page? Let us Know!

Thanks for helping us continually improve the quality of the Lantern search engine for all of our users! We have millions of scanned pages, so user reports are incredibly helpful for us to identify places where we can improve and update the metadata.

Please describe the issue below, and click "Submit" to send your comments to our team! If you'd prefer, you can also send us an email to mhdl@commarts.wisc.edu with your comments.




We use Optical Character Recognition (OCR) during our scanning and processing workflow to make the content of each page searchable. You can view the automatically generated text below as well as copy and paste individual pieces of text to quote in your own work.

Text recognition is never 100% accurate. Many parts of the scanned page may not be reflected in the OCR text output, including: images, page layout, certain fonts or handwriting.

16 ce, ses soucis possibles effleurent l’esprit de la jeune fille, qui s'arrête surtout à la pensée d’une infidélité de cœur. Vingt et une heures. Il n’est pas là. Elle n’y tient plus. Elle abandonne sa mère à ses fonctions de maîtresse de maison et vient s’accouder au bastingage pour attendre l’aimé avec cet espoir puéril qu’ainsi il arrivera plus vite. François Cruseilles, qui ne perd pas de vue Germaine, a compris son inquiétude. Il l’a vue se diriger vers le bastingage et s’est glissé dans son sillage. Il la rejoint, et avec cette désinvolture des gens qui se croient tout permis, lui dit sur un ton railleur : — Je serais étonné, mademoiselle Germaine, que celui que vous attendez vienne ce soir. — Je ne vous ai pas chargé du soin de veiller sur mes préoccupations personnelles, répond un peu sèchement la jeune fille. — C'est quelquefois rendre service à ceux que l’on estime que de les instruire de ce qu'ils ne savent pas. — Si jamais quelque sujet m’embarrasse, répliqua Germaine, ce n’est pas à vous que je demanderai conseil. — Vous n’en savez rien, mais comme je n'ai pas l'habitude de m'imposer, je me retire et vous laisse attendre celui qui, à cette minute, a d’autres soucis que celui de vous rejoindre. — Que voulez-vous dire, balbutia Germaine qui, troublée à la pensée d’un danger couru par Maurice, se départit de son animosité envers le fondé de pouvoir de son père. Alors, François Cruseilles, parvenu à ses fins, dit très vite : — Celui dont je veux parler — je ne prononce aucun nom — sera en fâcheuse posture demain. Dans l'impossibilité où il est de payer une traite de 52,000 francs, on l’exécutera. Un léger tremblement dans la voix, Germaine déclara : — Vous êtes bien renseigné, me semble-t-il, sur le compte des autres. — Ce n’est pas très difficile. La nouvelle que je vous donne court la ville. Admettons que j’exagère sur les conséquences qui s’en suivront; il n’en est pas moins vrai que la banque n'ignore pas sa démarche tendant à reporter une échéance qui le gêne. — Si cette affirmation est exacte, vous auriez bien pu si vous m’aimez, comme vous le prétendez, intervenir vous-même pour m'éviter une peine. — Ah! Mademoiselle Germaine le chacun pour soi et Dieu pour tous est une formule que j'adopte en la circonstance. Si dans tout Annecy, la personne en question n’a pas trouvé un liard pour le renflouer, c’est qu'il y a danger à le faire. Je ne vois pas pourquoi, dans ces conditions, je m’exposerai à ce que tant d’autres jugent préférable d'éviter. Gérmaine poussa un cri joyeux. — Tenez, le voici, vous en serez pour votre calomnie gratuite; et la jeune fille s'élança au-devant d’une silhouette qui se profilait sur la passerelle d'accès. — Maurice! j'étais anxieuse, s’écria-telle, lorsqu'elle fut près de lui. Il ne vous est rien arrivé de fâcheux ? _— Absolument rien. Je me suis mis stupidement en retard, chérie, Lhormond est venu me chercher: on a bavardé et le temps... — Vous êtes là, cela me suffit. Mais vous avez les traits tirés, Maurice! Qu’'y a-t-il? Vous me cachez quelque chose. Ils s'étaient écartés un peu. — Je constate que je ne suis pas le seul en retard. Regardez donc venir votre amie Yolande. Le couple Revard passait devant eux. A la clarté d’une ampoule électrique, des scintillements jaillirent des mains de la jeune femme. Mme Revard, ce soir, est tout diamant dehors, sourit Maurice. — Et bien moi, je n’en ai pas mis un seul. — C'est la différence qu’il y a entre elle et vous. Ce qu’elle va être contente. — Vous en voulez à Yolande, il me semble. — Oh! pas du tout. Je ne fais que répéter ce que m'en disait Lhormond tantôt. Je me moque éperduement de ce que peut faire votre amie. J’ai bien assez de m'occuper de ma modeste personne. — Et de moi aussi, je l’espère. Maurice, nous allons passer trois jours ensemble. Je les attendais avec impatience ces jors bénis pour moi, et très doucement elle ajouta: Je vous aime Maurice: la fin de la croisière sera la consécration de nos fiançailles officielles. Dans le couronnement de ces fêtes splendides, père n’y mettra pas le nuage de son refus. Maurice resta silencieux. Dans un geste de protection, sans doute contre le danger qui le menace, il pressa affectueusement les mains de là jeune fille et de ses lèvres s’exhala un léger soupir qui fait pressentir à Germaine l'exactitude de la confidence de François Cruseilles. Elle dit très bas: — Si vous me cachez quelque chose, Maurice, j'en aurai du chagrin. L'amour, tel que je le comprends, n’est pas un simple échange de jolis sentiments et de mots tendres. C’est la mise en commun totale des soucis et des joies dont la vie nous réserve, pour les premiers surtout, une ample moisson. Essayer de résoudre ensemble les difficultés est un lien de plus qui nous unit, car souffrir ensemble, c’est aimer doublement. Ils s'étaient acheminés vers l'arrière du bateau, désert à ce moment. Les échos d'une valse parvenaient jusqu'à eux, et dans la féerie des illuminations proches, près d’un être ardemment aimé, Maurice se sentit sur le point de confier sa grande détresse, mais un sentiment de haute délicatesse s’imposa à lui. Ne serait-ce pas paraître solliciter son aide! Il se tut, espérant contre toute espérance à une intervention du dernier instant. Il dit seulement : — Demain, voulez-vous ! Germaine, dans un geste d'abandon, offrit ses lèvres à son fiancé. Dans ce baiser furtif la jeune fille eût la sensation d’une âme en désarroi. Elle s’éloigna en murmurant. — À tout de suite, mon sphinx aimé! Le tango-cotillon avait obtenu un très grand succès. Germaine et Maurice, Yolande et François Cruseilles le conduisirent avec une élégance raffinée, mais le jeune Margland laissait à tous l’impression d’un homme dont l'esprit est aïl Le Film, Montréal, septembre 1946 leurs. François s’en réjouissait secrètement, avec une satisfaction personnelle qui dénotait un manque absolu de la plus élémentaire charité. Bien qu’il sût sa position perdue auprès de Germaine, il gardait au fond de lui-même un espoir malsain, celui de détruire son rival dans l’esprit de la jeune fille. Ainsi semblait-il chercher dans la déconfiture possible de Maurice une consolation à sa propre déception. Le bal-se poursuivait dans une ambiance joyeuse. Casimir Bouveret s’en félicitait. Réunis avec quelques amis, dans un boudoir, il cause et fume inlassablement des cigares. Soudain, il vit venir à lui Yolande Revard, dont l'agitation l’intrigua. — Monsieur Bouveret, lança-t-elle la voix angoissée, je voudrais vous dire un mot... en particulier. L'industriel s’excusa auprès de ses amis, et se laissa entraîner à l'écart par la jeune femme. Celle-ci lui dit précipitamment. — On m'a volé mes bagues, Monsieur Bouveret. — On vous a volé vos bagues, sursauta le fabricant de conserves, en manifestant une vive contrariété. Comment donc ? — Je suis allée tantôt dans un cabinet de toilette pour me repoudrer. Pour me laver les mains, j'enlevai mes bagues que je déposai dans une petite coupe sur l’étagère. J'ai oublié de les remettre en sortant. — Tête sans cervelle, maugréa Bouveret mécontent. — Je m'en suis aperçue très vite, j'ai couru mais je ne les ai pas retrouvées. — Avez-vous bien regardé partout ? Peut-être sont-elles tombées. — Je n’y ai pas manqué, je vous assure. — Retournez-y, Yolande. Cherchez encore. C’est fort ennuyeux. Une ombre désagréable était jetée sur la fête, — Vous me voyez désolée, monsieur Bouveret, d’une étourderie qui me coûte cher ... — N'ébruitez pas la chose. Je ne veux pas de scandale. Evitons-le à tout prix... — Je ne demande pas mieux, monsieur Bouveret. Heureusement, je suis assurée. La Compagnie payera. Seulement il faut que nous portions plainte, mon mari... — Qu'il ne fasse rien sans m’en parler. Je vous l’ordonne. — Je veux bien vous obéir, monsieur Bouveret, mais comprenez la perte que cela représente pour nous si... — Laissez-moi faire. J'ai pris mes précautions. Parmi les incités, il y a ‘un inspecteur de la sûreté. — Vous prévoyiez donc que cela puisse arriver, remarqua Yolande avec une pointe d’ironie. Casimir Bouveret ne répondit pas à cette réflexion ... Il fit un signe à un domestique qui s’empressa. — Cherchez-moi M. Lachard, je vous prie. Il doit être près de la cheminée du grand salon. Le serviteur s’inclina et partit à la recherche de cet invité d’un genre spécial. Quelques instants plus tard, un homme d'une quarantaine d’années, physionomie intelligente, se présentait à l'industriel. — Monsieur Lachard, dit ce dernier, Mme Revard, ici présente, va vous faire une communication qui veus concerne.