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18
passait des heures assises sur les berges de la Charente, dont les eaux claires sinuaient dans la campagne délicatement vallonnée.
Ce soir-là, quand elles rentrèrent, Jacqueline était toute rose; Monique avait un air sérieux et mutin. Elles étaient en retard, et Lucienne achevait de mettre le couvert.
— Nous nous excusons d’arriver à cette heure seulement, dit Jacqueline. Mais nous avons fait une longue promenade. Il faisait si beau!
— C'est bien! répliqua la tante. Maintenant, mettons-nous à table.
Ils s’installèrent. Mais Monique se démenait sur sa chaise. Visiblement, elle mourait d'envie de parler. Dès qu’elle put placer un mot, elle éclata de rire et s’écria :
— Cousine line ne dit pas tout !
Mme Mallasoit dressa l'oreille, mise en éveil.
— Que veux-tu dire ?
— Non! poursuivit Monique, toute fière
-d’intéresser des grandes personnes. Elle ne dit pas tout ! On a fait une rencontre ! — Une rencontre ? Quelle rencontre ?
— Un joli monsieur qui nous a dit bonjour ! Et puis il s’est arrêté! Jacqueline ne woulait pas d’abord... Il nous a parlé, et il nous a accompagné un petit bout de chemin.
Tante Eugénie fixa sévèrement Jacqueline.
— Veux-tu me dire ce que cela signifie ?
‘La jeune fille sourit.
— Cela n’a aucune importance, tante! C’est un jeune homme qui m'a dit être de vos amis ;et qui, sachant que j'avais été souffrante, voulait prendre de mes nouvelles ...
— Le nom de cet homme ?
— Je l’ignore, tante... c’est la première fois que je le voyais...
— Mais moi... s’écria Monique, je le connais !
— Tu le connais, toi ?
— Oh! oui... tu penses... mamra! Il
passe souvent devant la porte... Presque tous les jours... Et puis, il sourit...
— Un grand jeune homme brun? demanda Lucienne en pâlissant.
— C’est ça... son papa... a une auto... il guérit les malades !
— Pierre ... c'est Pierre Gardon ! s’écria Lucienne en bondissant sur sa chaise.
V — LA ROSE ET SES EPINES
foudroyé toute la famille. Ils se regardèrent les uns les autres, en proie à une émotion aussi soudaine qu’étrange aux yeux de Jacqueline qui les observait sans comprendre.
_ Elle crut bon d'intervenir, se méprenant sur la nature de cette émotion. Souriante, elle hocha la tête et dit:
— Tranquillisez-vous, ma chère tante... ce jeune homme a été très correct. D’ailleurs nous sommes restées peu de temps, il ne s’est donc passé rien de mal. Il m’a parlé de choses tout à fait insignifiantes. : — C'est possible, répliqua Eugénie qui avait retrouvé son sang-froid... Mais nous ne sommes pas à Paris ici... et jamais ma fille ne s’est ist accoster par un Ste
— Mais.
L A RÉVÉLATION de Monique semblait avoir
— Ecoute-moi. Dans nos petites villes tout se sait et tout se déforme. Par conséquent, à l’avenir, plus de rencontres semblables ... sinon, je me verrai dans l’obligation de sévir... Enfin, si tu rencontres encore ce Pierre Gardon... je te défends, tu m’entends, je te dé-fends de lui adresser la parole !... même de lui sourire. ou de le saluer!
— Oh! ma tante!
— J'ai dit!...
-— Non... non!...s’écria Lucienne dont le visage était ruisselant de larmes... Je ne veux pas que tu me le voles!... C’est mon fiancé ...
Ce fut au tour de Jacqueline de demeurer stupéfaite. Une vive rougeur empourpra ses joues. Tante Eugénie avait d’abord jeté à sa fille un regard sévère. Puis, se ravisant, elle se tourna vers Jacqueline ...
— Eh bien, oui! Pierre Gardon est le fiancé de Lucienne !... Nous ne tenions pas à en parler, car la chose n’est pas définitive ... mais enfin, toi, il vaut mieux maintenant que tu le saches
De rouge, Jacqueline était devenue toute pâle : elle balbutia :
— J'ignorais... Je vous demande pardon, ma tante.
Pierre Gardon était le fiancé de Lucienne! Dans sa chambrette, l’orpheline ressassait constamment cette même phrase qui la bouleversait plus qu’elle ne voulait le croire. Elle revoyait le mâle et expressif visage, les yeux intelligents qui s'étaient posés sur elle, la voix douce et persuasive qui lui avait parlé. Tout de suite en l’apercevant son cœur avait bondi dans sa poitrine. Un monde nouveau s’agitait obscurément en elle...
Les jours qui suivirent se passèrent comme à l'ordinaire. Jacqueline n’était presque pas sortie. Elle n’avait plus parlé au jeune homme. Pourtant, elle sentait, obscurément, que le bonheur qu’elle avait enfin cru trouver au sein de sa nouvelle famille s'était envolé à nouveau. On se méfiait d’elle. Dans les yeux de Lucienne, une flamme jalouse, mauvaise, s’allumait parfois lorsqu'elle la regardait.
Le dimanche suivant, elle se rendit à la messe avec ses tuteurs. Soudain, elle se sentit rougir malgré elle. Elle venait d’apercevoir Pierre. Il restait à l'écart. Il fit de la tête un salut discret et sourit. Lucienne était devenue écarlate de plaisir, tandis que Jacqueline détournait la tête... Mais pourtant, elle resta sûre d’une chose: c'était elle, qu’il regardait, c'était à elle qu’il souriait! Elle se gourmanda. Elle était folle! C'était impossible, puisqu'ils étaient fiancés, lui et Lucienne !
Le lendemain, elle profita d’un instant de liberté pour aller visiter, seule, le musée Métrean. Il renferme une riche collection consacrée au folklore régional, réunie par un vieux savant saintais.
Elle était absorbée dans la contemplation de vieux bijoux saintougeais remarquables, lorsqu'elle sentit une présence à côté d’elle. Elle releva la tête et poussa un léger cri. Pierre était à côté d'elle.
Instinctivement, elle voulut s’enfuir. Mais lui, doucement et fermement à la fois, la retint par le bras.
Le Film, Montréal, mars 1947
— Pourquoi me fuyez-vous ? demandat-il sur .un ton de reproche. Vous auraisje blessée sans le vouloir?
La jeune fille s'arrêta, bouleversée.
— Vous le savez bien! balbutia-t-elle Laissez-moi... On ne doit pas nous voir
ensemble. a. ne serait pas bien de votre part d'insister. — Jacqueline ... il y a certainement un
malentendu ! Je vous jure que j'ignore tout de vos insinuations et de vos réticences. Votre attitude me blesse, me fait mal, me désespère aussi... Jacqueline le contempla. qua qu'il souffrait réellement.
— Je cherche à vous voir, Jacqueli
Elle remar
ne... et chaque fois, vous détournez la tête, comme si vous me haïssiez... Et pourtant, pourtant si vous saviez! ... Je
ne pense qu’à vous... mes nuits sont illuminées par votre regard qui me poursuit sans trêve...
Jacqueline s'était accrochée à la vitrine prise d’un vertige soudain. D’une voix blanche elle balbutia :
— Pourquoi me parlez-vous ainsi, puisque vous êtes fiancé !
Pierre éclata de rire. La étions du musée qui accompagnait dans un coin de la grande salle, un couple de visiteurs étrangers se retourna.
Le jeune homme baissa la tête et fit semblant de s’intéresser à une admirable broche que portait une riche châtelaine d'antan.
— Qui vous a dit que j'étais fiancé ? demanda-t-il d’une voix sourde,
— Mais...
— C’est ridicule !... cune jeune fille ... Je n’ai parlé à aucune d'elle... Mon cœur a vibré pour la première RS en vous voyant.
— Mais Lucienne ?
— Quelle Lucienne ?..
— Ma cousine
— C'est avec elle que je suis fiancé ?
— Oui !
— C'est elle qui vous l’a dit?
— Oui !
— Je comprends tout !
Le visage de Pierre se rembrunit soudain.
— Je comprends ... et je suis effrayé. Je passais presque chaque jour devant le magasin de votre oncle dans l'espoir de vous y entrevoir; je souriais comme si vous étiez dans ombre et que mon sourire vous atteindrait..
— C’est Lucienne qui les répit et qui. se méprenant, a cru que c’est elle que vous cherchiez! ...
— Ce n’est pas possible !. ve... Né — En effet, Lucienne en a parlé à ses parents et ils attendent votre visite. offcielle.
Pierre était devenu pâle: RES
— C'est encore ph grave qe je ne le pensais... Mais. +
EH retrouva son sourire :
— Vous avez bien fait de m'en ur de vous ouvroir à moi... J'irai en effet d’ici re jours les voir .. officiellement. |
Il dr la main de Jacqueline, la serre doucement :
— Pour demander cette petite maina. RS
— Que voulez-vous dire ?
Je ne connais au
.. C'est gra
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