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Le Film, Montréal, juin 1947
L'AMOUR EN VACANCES
à Royan. La ravissante station bal
néaire présente, à l'embouchure de la
Gironde, une situation privilégiée qui rend sa plage l’une des plus fréquentées de France.
Des amis, cet hiver, leur avaient parlé du charme de cette côte santone, si diverse en ses aspects, et qui réunit la douceur des forêts à l’agrément et aux distractions d’une ville mondaine.
Lilette et sa mère avaient patiemment prit place dans la file, à la gare. Soudain, une exclamation retentit à son oreille.
L'‘ et sa mère allaient passer l'été
— Quoi! mademoiselle Lilette ! ... C’est vous ?... Partez-vous à Royan, par hasard ?
La jeune fille se détourna: près d'elle, un grand vieillard, aux moustaches à la gauloise, blanches comme la neige, se tenait, découvert et souriant.
— Monsieur Le Gonnec ! ... Quelle heureuse surprise ! ...
Quelques personnes se détournèrent : le nom du célèbre docteur était trop connu pour ne pas attirer l'attention.
— Oui, reprit Lilette, nous partons pour Royan et j'attends pour prendre les billets ...
— Donnez-moi l'argent, fit le docteur Le Gonnec, à mi-voix ; mon fils est presque arrivé au guichet: en prenant nos billets, il prendra les vôtres.
Lilette s'exécuta, poussant un soupir de soulagement en sortant de cette foule.
Peu après, un grand jeune homme blond et mince, aux yeux noirs qui contrastaient étrangement avec sa carnation de Nordique, vint les rejoindre, tenant quatre billets à la main.
En le voyant, Lilette était devenue toute rose.
— Bonjour, monsieur Yves ! fit-elle, souriante. Comment allez-vous ?
7 — Très bien, merci! Vous allez à Royan ?
— Oui !
— Nous aussi. C’est une chance! Mais _ pressons-nous, sinon, nous allons manquer le train. Vos bagages ?
— Il faut Îles faire enregistrer.
— J'y vais. Attendez-moi sagement avec papa.
— Maman est près du buffet. Nous y allons.
— Entendu !
Il disparut, happé par la foule, à grandes enjambées. Le vieillard se tourna vers Lilette :
— Allons rejoindre Mme Devoncelle ! ... fit-il.
Il y a sans doute un dieu pour les voyageurs comme pour les amoureux. Ce fut sans doute celui-ci qui permit à nos qua
tre héros de se trouver réunis au moment du départ, dans le même compartiment de seconde classe. Ce qui est certain, c’est que lorsque le signal du départ fut donné, Mme Devoncelle, Lilette, le docteur Le Gonnec et Yves se retrouvaient au grand complet, y compris les valises, les sacs, les parapluies, les couvertures et le panier à chat, qui avait pris le parti de la résignation.
— Ouf!... s'écria le docteur, en étendant ses longues jambes. Ces départs sont horripilants et je suis enchanté d’en être Jade
— Le fait est, renchérit la vieille dame, en Ôôtant son chapeau, qu’on s'énerve, qu’on s'agace ...
— Et bien heureux encore, quand on n'oublie rien !... fit le praticien, en souriant.
Il n’acheva pas sa phrase. Mme Devoncelle avait sauté en l'air.
— Lilette! s’écria-t-elle, d’un ton tragique.
Celle-ci, qui avait déjà entamé une conversation avec le jeune homme, tressaillit.
— Dieu! maman, que tu m'as fait peur ! Qu'’as-tu ?
— Lilette! reprit sa mère, je crois que j'ai oublié de fermer Le robinet de la cuisine .…
Les deux hommes éclatèrent de rire.
— On tire la sonnette d’alarme ? proposa Yves.
— Ne t'inquiète pas, maman, riposta posément la jeune fille en riant aussi devant la mine effarée de la pauvre femme. Je l’ai fermé moi-même.
— Quelle émotion !... murmura-t-elle, en essuyant son front moite. Nous avons bien fermé partout ? ... Et le compteur à gaz ? ...
— Mais oui, maman, mais oui! Tout est fermé. Ne t'inquiète donc pas, te dis-je! J’ai regardé partout avant de m'en aller.
La bonne dame parut recouvrer un peu de calme. Elle respira, s’épongea, souffla et accepta une revue dont le docteur, prévoyant, avait apporté un tas pour charmer les longueurs du voyage.
Lilette avait repris sa conversation avec Yves.
La jeune fille vivait seule, à Paris, avec sa mère. Son père; commandant du contre-torpilleur Panthère, avait été tué pendant la guerre, aux Dardanelles. Et les deux femmes vivaient, modestement, mais tranquillement, avec la pension que le gouvernement faisait à la veuve de l'officier.
Elles avaient des goûts simples. D’ailleurs, leur situation de fortune ne permettait pas d’excès. Lilette, heureusement,
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était habituée à se contenter de peu.
De son père, elle tenait ce caractère ferme et décidé, et aussi cette simplicité qui se révélait dans son langage, dans sa façon d’être, dans ses vêtements.
Elle préparait sa licence de lettres. Ensuite, elle verrait de quel côté elle s’orienterait pour gagner sa vie.
Gagner sa vie!... Lilette semblait plutôt être faite pour être gâtée, dorlotée dans la douceur d’un foyer que pour affronter la rude bataille de l'existence ...
Elle était mignonne et frêle comme une poupée, avec quelque chose d’étonné et d'enfantin dans ses yeux bleus, dans sa frimousse rose, dans l’ébouriffement de ses cheveux roux, à reflets de cuivre.
Près d'elle se penchait Yves Le Gonnec.
Lui était un grand garçon de vingt-cinq ans, aux muscles durs d’athlète, à la stature élancée, et qui semblait être la vivante antithèse de sa compagne.
Mais l'éclat de son regard sombre s’adoucissait en se posant sur elle et sa voix, au timbre grave et chaud, prenait des inflexions caressantes lorsqu'il lui parlait.
Tout jeune encore, il avait hérité des extraordinaires qualités de son père et le vieux professeur voyait avec orgueil ce fils marcher sur les traces glorieuses qu’il avait laissées dans l’histoire de la Science,
Le professeur Le Gonnec avait découvert, deux ans auparavant, un sérum appelé à dompter le monstre hideux du cancer. Ses recherches n'étaient cependant pas encore au point. Mais il trouvait ‘en Yves, interne à Lariboisière, une aide précieuse et intelligente, qui lui permettrait, du moins il l’espérait, de toucher le but plus tôt encore qu’il ne le pensait.
Les deux jeunes gens s'étaient connus chez des amis communs et, de temps à autre, se retrouvaient, soit dans quelque salon intime, soit à quelque conférence. Ni l’un ni l’autre ne sortaient beaucoup ; leurs études respectives, d’ailleurs, les en eût empêchés même si là avait été leur goût. Mais, pour eux, l’attrait de Paris se réduisait aux bibliothèques, aux causeries artistiques, scientifiques ou littéraires, dont ils se montraient friands, et au théâtre où ils allaient de temps en temps.
C'était le docteur Le Gonnec qui avait conseillé à Mme Devoncelle de délaisser la Bretagne, trop froide, pour la douceur des plateaux de la Saintonge. Et cependant, lui-même était Breton. Mais il prétendait que la vie n'est pas trop longue pour s'instruire, de quelque façon que ce fût, et presque tous les ans, il changeait de villégiature.
Cependant, Royan l'avait particulièrement séduit, sans doute, puisqu'il y reve
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Notre récit d'amour complet par ROBERT JEAN-BOULAN