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— Moi, je serai un officier de cavalerie, comme grand-père, fit fièrement Mitou.
— Moi, à cheval aussi, comme tantine! revendiqua Babou.
— Oui, oui, chéris! en attendant, partons sur nos jambes! Celles de Babou ne sont pas encore tellement solides!
— Puis-je vous conduire quelque part
avec ma voiture qui est en bas, madame?
proposa Ambroise.
— Non, non! je préfère marcher. Filez vite tous deux! C’est pitié de gâcher cette belle matinée.
Bientôt, les deux jeunes gens galopaient côte à côte sous les ombrages naïissants.
Ambroise ne se lassait pas d'admirer sa compagne. Il était fier d’être vu à ses côtés. Elle attirait tous les regards, autant par sa réelle beauté que par l’aisance incomparable avec laquelle elle montait sa bête.
Tout près de la cascade, Ambroise reprit la conversation interrompue par Jancis dans le salon.
— Vous savez que je parlais sérieusement tout à l'heure. Jancis! dit-il. Réellement, vous me semblez réaliser pleinement mon idéal...
Dans la voix d'Ambroise, il n’y avait pas la moindre trace d'émotion. Son coeur, peut-être, battait un peu plus fort que de coutume, mais il n’y paraissait guère! La jeune fille, non plus, ne manifestait pas le plus léger émoi. Ses yeux se posèrent franchement sur le beau visage énergique d’Ambroise:
— Vous allez bien vite en besogne, monsieur! répondit-elle, rieuse. Je puis avoir un nombre épouvantable d’horribles défauts que vous ne soupçonnez pas encore. Je suis peut-être menteuse, lâche, médisante, vaniteuse, gourmande, etc., etc.
Il rit et dit:
— Je ne crois pas que vous soyez affligée de tous ces défauts, sincèrement non! Du reste, peu importe à mes yeux: ce qui compte, ce sont vos qualités de sportive, votre magnifique santé, votre chic, votre allure, votre beauté Mme Ambroise de Champart n’a pas besoin de posséder des vertus de petite bourgeoise! fit-il dédaigneusement. Elle doit pouvoir, le cas échéant, me tenir compagnie sous une
tente, dans la brousse, et ‘affronter les:
grandes fauves à mes côtés sans trembler. Il suffit qu’elle puisse également passer des semaines dans la jungle sans en être plus éprouvée que moi. Ce sont là, des qualités exceptionnelles devant lesquelles le reste compte peu à mes yeux.
Ces paroles auraient dû éveiller en Jancis un orgueil et une joie sans mélange. Elle était tellement fière de ses qualités de sportive! Elle affectait un tel dédain pour la sentimentalité surannée d’une époque disparue! Ambroise de Champart n’étaitil pas, au suprême degré, l’homme créé pour elle?
Cependant, aucune joie ne vint gonfler son coeur paisible. Elle accepta l’hommage de ce beau cavalier sans fièvre, sans orgueïl même.
Lui, cependant, insistait:
— Qu'en pensez-vous, Jancis?
Elle le regarda, calme, souriante:
—Je ne pense pas grand’chose en ce moment, Ambroise, si ce n’est qu’il fait très bon et que je suis très heureuse de vivre. Quel besoin avez-vous d’agiter de graves questions?
Le jeune homme la regarda, surpris:
— Je n’ai pas encore eu l’occasion d’offrir — ou presque! — à une jeune fille de devenir Mme de Champart, mais je n’imaginais certainement pas que mon offre serait accueillie avec cette désinvolture! fit-il froidement.
Jancis se mit à rire: “RS
— Oh! Ambroise! Vous êtes parfaitement ridicule! Nous en reparlerons à un autre moment! Il y a temps pour tout !
— Croyez-vous? répliqua-t-il sur le même ton glacial. Quand un homme plaît à une femme, le moment où il lui déclare ses sentiments est toujours bien choisi !
— Que vous êtes ennuyeux, ce matin!
— Vous ne trouveriez pas Gontran ennuyeux s’il vous avait tenu le même langage!
— Seriez-vous jaloux, Ambroise? On le dirait?
— Admettons! Tenez, Jancis, parlons net! Gontran vous admire. Je vous admire également, mais c’est lui que vous préférez?
— Je ne me suis jamais interrogée à ce sujet. Ne parlons plus de tout cela, je vous en prie, Ambroise! Attendez, nous avons bien le temps!
— Je ne suis pas patient, je vous en avertis!
Elle éclata dé rire, cravacha son cheval et s'enfuit au galop.
Un peu plus tard, assise devant sa tasse de café, dans le salon de Tiennette, elle racontait avec gaîté la conversation du matin entre Ambroise et elle-même, dans les allées cavalières du Bois.
Mme Varadois, l'oeil anxieux, jetait de vifs regards interrogateurs à Rémi qui, lui, écoutait placidement sa belle-soeur en tirant des bouffées de sa cigarette. Quand Jancis eut fini de conter son histoire, il remarqua:
— Alors, petite fille, si je comprends bien, vous avez été demandée en mariage ce matin?
— 11 me semble!
— Et vous avez refusé! Ou tout au moins vous n'avez témoigné d'aucun empressement. Pourquoi?
— Je ne sais pas!
— Ambroise de Champart me semble pourtant réaliser pleinement votre idéal. N’a-t-il pas tout pour vous plaire? Tout ce que vous prisez le plus chez un homme?
— Oui, dit-elle, rêveuse, après un moment.
— L'amour, les sentiments, sottises que tout cela, à côté du nom, de la fortune, du sport! Vous ne pourriez jamais vivre en petite bourgeoise, comme Tiennette, parce que vous aimeriez, tout simplement?
Une vive rougeur envahit les joues de Jancis, mais bravement elle répondit:
— Non!
— Alors, ma petite, pourquoi n’avoir pas accepté une offre aussi exceptionnelle à tous les points de vue?
Jancis secoua la tête avec orgueil:
— Parce que j'en aurai d’autres tout aussi exceptionnelles et que j'ai bien le temps de me décider!
— Jancis! gémit Tiennette malgré elle. Quelle folie!
— Pourquoi folie? J’ai à peirie dix-neuf ans!
— Et vous croyez au Prince Charmant,
naturellement? Ma petite Jancis, voyezvous, je vais vous dire une chose qui va bien vous surprendre et vous vexer: vous , . . , . n’avez pas accueilli la demande d’Ambroi
Le Film, Montréal, septembre 1949
se de Champart avec l’enthousiasme qu’elle méritait, parce que vous ne l’aimez pas, vous qui faites fi apparemment de l'amour!
La jeune fille se leva rageuse:
— Non, non, ce n’est pas pour cela! Non! Vous ne me comprenez pas du tout, Rémi,
Elle ajouta:
— Excuse-moi, Tiennette, je me sens un peu fatiguée et vais aller lire dans ma thambre.
Jancis sortie, Tiennette jeta sur son mari un regard navré:
— Crois-tu, quelle petite folle!
— Que veux-tu? Elle n'aime pas ce garçon!
— Pourtant...
— Il n’y a pas de pourtant! Autrement, elle auraït accueilli sa demande avec joie!
Tiennette, l’air soucieux, prononça:
— Ah! ïl aurait peut-être mieux valu mettre Jancis au courant du malheur qui la menace!
— Tu t'égares, chérie! Pour la pousser à prendre par intérêt un homme qu’elle n’aimerait pas! Ce serait vil!
— Je suis de ton avis, chéri, mais puisque Jancis place au-dessus de tout la fortune, le nom, le rang, elle serait logique avec elle-même en se mariant seulement pour ces raisons-là? N'est-ce pas vrai?
Rémi hocha la tête:
— Ne prends donc pas au pied de la lettre, tout ce que fait et dit ta petite soeur! Se connaît-elle bien elle-même, d’ailleurs? En tout cas, une chose est claire: le destin place sur la route de Jancis le héros rêvé, et la prend par la main pour la mettre sur le chemin du bonheur. Va-t-elle partir sur cette route qui s’offre, splendide, à ses pas? Pas du tout. Elle reste indifférente, presque froide. Elle hésite. L’appel de son orgueil, de son désir de luxe n’est donc pas si impérieux que nous le croyons? Jancis n’est pas assez folle pour ne pas se rendre compte que les Ambroise de Champart sont rares.
Tiennette, tête baïssée, écoutait son maTE
— Ce mariage eût arrangé tant de choses! soupira-t-elle.
— Rien ne dit qu’il ne se fera pas!
Une lueur d’espoir éclaira les yeux de Tiennette:
— C’est possible après tout! chapitrer Jancis à ce sujet.
— Garde-t’en bien! N’essaie pas de forcer le destin de cette enfant. Et puis, telle que je la connais, tes admonestations lui feraient prendre définitivement Ambroise en horreur!
— Oui, je crois que ce serait le plus clair résultat de mon intervention. Ne pensestu pas que Jancis aime Gontran? soupira Tiennette.
— Qui pourrait le dire? Elle se plaît fort en sa compagnie, elle l’admire, mais l’aimer, c’est une toute autre chose!
— Peut-être a-t-elle voulu attendre, avant de donner à Ambroise une réponse définitive, que Gontran ait laissé voir ses sentiments? Tout donne à croire qu’il est très épris de Jancis.
— Sa mère est là qui compte pour quelque chose!
— Rémi! La baronne serait ravie!
— Hum! Enfin, laissons faire le temps et ne nots tourmentons pos trop à ce suiet. Au revoir, chérie, je file. Il est tard et je ne veux pas laisser à Robert tout le poids de l’usine sur les épaules. Il a eu fort à faire ces derniers temps. Je me relâche...
Je vais