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18
Jamais elle n'aurait osé elle-même demander pareille chose au jeune homme -et pourtant, de tout son coeur, elle désirait devenir la femme de Yann.
: — Voulez-vous, chère Josette, être ma “promise » ?
Elle savait ce que cette expression bretonne signifiait : être la fiancée...
— Yann, mon cher promis!
Et, très chastement, ils s’embrassèrent. Les doigts enlacés ils se promenèrent encore dans l’île.
— Je vais aller faire ma demande en règle à vos parents adoptifs.
— Et moi, je préviendrai ma famille de ‘Paris.
Mais, toute la joie de Yann était tombée...
— Les Cornic ne sont donc pas vos seuls parents ?
Alors, Josette parla de sa vie dans la capitale, dans quel milieu elle vivait avant son fâcheux accident d’automobile.
— J'apprends cela trop tard. Je croyais que vous étiez orpheline et que les Cornic vous avaient adoptée. Or, vous êtes une jeune fille riche appartenant à un milieu social auquel je ne peux prétendre, moi fils de pêcheur.
— Vous m'avez sauvé la vie. J'avais si grande crainte d’être épousée pour ma dot que votre amour m'est le plus précieux des gages. Ne gâtez pas ma joie par de stupides idées. La principale et la seule réalité est que je vous aime.
. . . . . . . . .
Au retour, Yann Tromeur s’ouvrit de ses projets d’avenir aux parents adoptifs de Josette.
Ceux-ci furent bien touchés, mais expliquèrent au pauvre garçon qu’ils n’avaient aucun droit pour répondre à une telle demande.
Josette, qui avait manifesté à sa Mémé toute la joie que lui apportait cette idée d'union avec Yann, déclarait au contraire que puisqu'elle aimait le jeune homme cela suffisait pour décider ses propres parents au cas où ils auraient des objections à soulever.
— Nenni! ma petiote. Dans ton milieu, les filles n’épousent point les fils de pêcheurs et je suis ben sûre que ta mère désire et souhaite une autre union pour toi. Assurément que Yann sera un Môssieu, mais ce n’est point un parti pour toi. Je ne crois pas! à
Ce projet d'union qui devait être une
source de joie ne causait plus qu’une peine infinie aux deux jeunes gens. Mais Josette, qui était tout élan, tout enthousiasme, ne l’entendait pas ainsi. Têtue comme une Bretonne dont elle avait du sang dans les veines, fidèle à son amour, elle eut un entretien avec Yann, au cours duquel elle lui déclara que, quoi qu’il advienne, elle n'aurait point d'autre mari que lui.
— J'ai confiance, nous serons des « promis >. Voulez-vous m’attendre un an? A cette époque, je serai peut-être plus digne par ma situation, pour oser me permettre de me présenter à vos parents. Vous êtes jeune et, dans un an, si vous êtes toujours libre, car vous en aimerez sans doute un autre en rentrant à Paris, eh bien ! nous verrons...
Josette déclara que: Yann demeurait son bien-aimé, son promis, et ce fut sur ce : serment qu'ils se séparèrent. Yann devant
retourner à la ville poursuivre ses études.
Quelques jours plus tard, Mme Pommarieu venait à Roscoff pour chercher sa fille.
Ce furent de tendres épanchements et des effusions de gratitude, Mme Pommarieu remerciant la famille Cornic de tout ce qu’elle avait fait à Josette. Celle-ci, ravie de voir sa mère, lui conta quelle reconnaissance elle devait à un certain Yann Tromeur, son sauveteur, et celle-ci écrivit une lettre de gratitude au jeune homme.
Ayant fait de touchants adieux à ses parents adoptifs, Josette quitta Roscoff.
V
PRÈS un excellent voyage, Josette était était un peu surprise en se réveillant ce matin-là.
Tout d’abord, elle constata qu'elle était heureuse de reprendre possession de sa jolie chambre de jeune fille. La veille encore, elle s’éveillait dans la mansarde rustique mise à sa disposition par sa bonne Marion Cornic. De l’étroite croisée, comme d’un hublot de navire, elle voyait la mer bretonne, le port roscovite et les pêcheurs qui s’en allaient vers la cale d’un pas balancé.
D'un saut, s'étant levée, Josette ouvrit la fenêtre et ce fut l’avenue de l'Etoile qui s’offrit à ses yeux, déployant la verdure de ses arbres, apportant les allées et venues des somptueuses limousines et, se détachant sur un écran de clarté blonde, la silhouette grise de l’Arc-de-Triomphe. Paris était beau et Josette retrouva son confort agréable.
Mais, dans la chambre où elle était seule à cette heure matinale, la jeune fille ne cherchait qu’un visage. Elle pensait à cette figure bronzée, où brillaient comme des diamants noirs, des yeux d’un feu caressant. Elle sentait sur ses membres fragiles les poignes solides qui l’avaient sortie hors de l’étreinte tragique de l'océan et
.Josette murmurait doucement :
— Yann! Yann!
: Quand reverrait-elle son promis: celui qu'elle aimait pour toujours, elle en était sûre plus que jamais, maintenant qu’il semblait lui échapper.
Et, ce premier matin de retour chez elle. qui eût dû être une vraie fête pour elle, s’entourait de poignantes mélancolies, Josette, longuement, en passant une robe de soie, pleura, le coeur gonflé de tristesse.
Pourtant elle se morigéna. Au reste, de multiples obligations mondaines la sollicitaient. Elle était contente aussi de revoir ses parents et de chercher à distraire son père que le fâcheux accident d'automobile laissait bien touché. Des troubles du cerveau se manifestaient et les docteurs consultés n'avaient pas caché à Mme Pommarieu que l’état de son mari était grave.
Josette, avec intuition, se rendait compte qu'elle ne pouvait tout de suite imposer comme fiancé ce Yann Tromeur, fils de pêcheur. D'ailleurs, seuls, ses parents avaient autorité pour refuser ou accepter une demande en mariage puisque Josette n'était pas majeure et qu'elle était une fille obéissante.
Les Pommarieu, en souvenir du pays breton auquel ils étaient fidèlement attachés. étaient abonnés à un quotidien du Finistère qui leur apportait les nouvelles du pays. Josette eut ainsi la joie d’ap
Le Film, Montréal, Novembre 1950
prendre que son cher «promis» avait obtenu une médaille de sauvetage, pour avoir arraché à la mort une jeune fille dont on taisait le nom, mais qui était clair pour la famille Pommarieu.
Josette eut de plus la secrète allégresse d'entendre sa mère lui dire :
— Maintenant que tu es de retour depuis quelque temps, je te donne l’autorisation d'écrire à ton sauveteur, afin de lui apporter de tes nouvelles, de le remercier encore et de le féliciter de la récompense grandement méritée qui lui est officiellement accordée aujourd’hui.
Quelques jours s’écoulèrent n’apportant aucune réponse. Josette connaissant la délicatesse de Yann et son amour-propre forcément assez ombrageux car il mesurait — en se l’exagérant, jugeait la jeune fille — le fossé qui les séparait, celui-ci consentirait-il à écrire ?
Enfin, une quinzaine plus tard, une lettre arriva signée de Yann. Loyalement, Josette la communiqua à sa mère. Celleci, du reste, manifesta son étonnement :
— Mais il écrit très bien, ton gauveteur !
— Il a été au collège, Maman. Il est très savant.
Mme Pommarieu s'imaginait que ce garçon n'avait aucune instruction. Josette se réjouit, comme d’un atout dans son jeu, de l'impression favorable que faisait à sa mère la lettre sobre, digne, mesurée que le jeune homme lui adressait. Il parlait de ses travaux et s’exprimait avec une aisance qui témoignait d’une excellente éducation.
— Me permettras-tu, chère Maman, de correspondre de temps à autre avec mon ami Yann ?
— Certes, mon chéri: mais il faut espacer un peu, car des relations trop assidues avec quelqu'un qui n’est pas de notre monde,.ne sont pas souhaitables.
— Yann m'a sauvé la vie et nous correspondons avec nos braves Cornic ?
Mais, Mme Pommarieu dit en riant un argument qu’elle supposait péremptoire et que Josette jugea cruel.
— Dans le Dauphiné, il y a des SaintBernard qui sauvent les voyageurs égarés dans la neige. Et ce sont des chiens auxquels on n'écrit pas! Pourtant, je te laisse la permission d'envoyer de temps en temps une carte à ton sauveur...
VI
EUX mois plus tard, un grand malheur
s’abattait au foyer uni où s’épanouis
sait Josette. M. Pommarieu, forte
ment atteint, ainsi que nous l'avons dit, par l'accident d'automobile dont il avait été victime, mourait brusquement d’un transport au cerveau.
Plus amèrement que jamais, Josette regrettait la présence de Yann et sa solide épaule où elle eût pu s'appuyer pour pleurer.
Après les premiers moments d’abattement bien légitimes, Mme Pommarieu. qui avait de l'esprit de décision et le goût des réalisations, envisagea l’avenir.
Certes, la situation pécuniaire demeurait inchangée pour les deux femmes. Le capital important restait intact et la dot de Josette fort rondelette. Mais le chef de famille disparu ne pouvait plus faire prospérer son industrie, Mme Pommarieu
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