Le Film (août 1951)

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22 pier et l’enfouit brutalement dans sa poche... Attablée devant sa tante, Danny tendit la lettre. — C’est de Germain, dit-elle seulement. La vieille femme prit ses lunettes et avec un bon sourire attendri entreprit la lecture de la lettre de son neveu. Lorsqu’elle l’eut achevée, elle regarda la jeune fille avec attention. — Alors ? demanda celle-ci sans lever les yeux de son assiette ? — Je pense que nous devons accepter. Ton frère a l’air d’y tenir! Un long silence succéda aux paroles de tante Berthe. Danny continuait à manger ; et brusquement, sans qu’on aït pu prévoir son geste, elle plaqua avec violence son couteau sur la table et grommela entre ses dents en se levant : — C'est bien! Tu n'auras qu'à lui écrire qu’'IL vienne. Germaïn avait demandé dans la lettre dont Danny prit tant d’ombrage qu’elle veuille bien héberger quelque temps, quelques mois peut-être, en attendant son propre retour, un de ses camarades de combat, le lieutenant Bertrand, qui avait perdu toute sa famille durant la guerre et, grièvement blessé dans une embuscade, serait très prochainement rapatrié. Une longue convalescence devait être respectée par le grand blessé, et Germain lui avait immédiatement offert l’hospitalité du château avec, peut-être, la secrète idée de voir un jour ce brave garçon devenir son beau-frère... CHAPITRE V ll EST tout à l’heure que M. Bertrand arrive par l’autocar de Niort, dit un matin la vieille tante à Danny, sans préciser cependant toute sa pensée. —Eh bien, c’est parfait, rétorqua la jeune fille, tu le recevras parce que je serai certainement absente toute la journée... Elle pirouetta sur ses talons, et fouettant ses bottes de petits coups de cravache, disparut vers les communs du château. Tante Berthe resta un long moment rêveuse, puis elle alla décrocher sa longue cape noire, et de son pas trottinant descendit, en s’aidant de sa canne, le chemin rocailleux conduisant au bourg. Le sous-lieutenant Jacques Bertrand était un grand gaillard à la chevelure d’un noir de jais dont les graves blessures n'avaient pas modifié la carrure athlétique. Il conservait, en dépit d’une pâleur accentuée et d’une légère claudication, une allure sportive magnifique. Lorsqu'il descendit du car, il regarda autour de lui et ses yeux s’arrêtèrent, un peu étonnés, sur la silhouette solitaire de tante Berthe. Il s’avança rapidement vers elle avec sa valise, une gabardine beige sur le bras. — Madame Tante Berthe, sans doute ? finit-il par s’exclamer, ne sachant comment aborder la brave femme. Aussitôt, il s’excusa : — Pardonnez-moi de vous avoir appelée ainsi, mais Germain m'a si souvent parlé de vous. et en vous décrivant si bien que je vous ai tout de suite reconnue ! Tante Berthe, avec son bon sourire, regarda le grand garçon bien bâti, aux yeux encore cernés et aux traits tirés par la souffrance qu’il avait endurée. — Soyez le bienvenu chez nous; monsieur Bertrand ; les amis de Germain sont au château comme chez eux. Elle voulut prendre la valise, mais le jeune homme s’y opposa, ajoutant en souriant : — Je sais même, voyez-vous, que le château n’est pas loin du bourg. Cinq minutes à peine à pied, n'est-ce pas ?.. Ils avancèrent un instant en silence, Bertrand le rompit, mais s'arrêta net : — Dites-moi, comment... Il hésitait visiblement à poursuivre sa phrase. — … Comment va Danielle? acheva la vieille tante. — Vous avez deviné! fit le lieutenant en rougissant violemment. Germain évoquait sa «petite soeur » si fréquemment... — Elle va très bien, mais n’a pu venir vous chercher comme elle l’aurait désiré, elle a beaucoup d’occupations. — Ah? fit son interlocuteur, d’un air un peu interrogatif, sans vouloir cependant poser de question. Tante Berthe hocha la tête sans répondre. Ils arrivaient en vue du château, et Jacques Bertrand s'arrêta un instant, admirant la sobre architecture de la demeure dont les murs, à demi rongés par un sombre manteau de lierre, semblaient avoir conservé l'empreinte des siècles passés. On pouvait imaginer une noble châtelaine apparaissant à la grande fenêtre centrale pour accueillir quelque séduisant troubadour, tandis que les arches s’activaient autour de leurs montures. Hélas! les fenêtres restaient closes, et seul Sultan, le chien de Danny, accueillit le visiteur par ses cabrioles de bienvenue. Le vaste hall était désert et les pas des chaussures ferrées de Bertrand résonnaient longuement sous les voûtes séculaires. Tante Berthe s’inquiéta presque humblement : — N'allez-vous pas vous ennuyer ici ? — Je crains surtout de vous importuner par ma présence, et si votre invitation n'avait été si chaleureuse. si Germain ne m'avait fait promettre de venir. je ne sais pas si j'aurais osé! Ils gravirent en silence l'escalier et tante Berthe ouvrit enfin la porte de la chambre réservée au jeune homme. — Vous serez ici chez vous, dit-elle. Et, bien entendu, si vous avez besoin de quelque chose, n’hésitez pas à sonner ; MarieLouise, notre domestique, se chargera de vous l’apporter. La vieille dame se retira, laissant son invité à faire connaissance avec sa chambre. Jacques alla immédiatement à la fenêtre, qu’il ouvrit toute grande. Le paysage était magnifique : il découvrait toute la vallée au fond de laquelle courait une petite rivière ombragée de peupliers ruisselants de lumière ; tout au loin, les hautes cimes d’une forêt s’estompaient dans Ja brume ; plus à gauche, le squelette d’un antique moulin à vent surgissait au sommet d’une colline, vestige des âges passés ; baissant les yeux, il reconnut le petit village, où l’avait amené le car du Niort Le Film, Montréal, août 1951 tout à l'heure, ainsi'que le chemin aride, et en vérité peu praticable, qu’il avait dû emprunter pour arriver au château. Se retournant, il contempla le décor de sa nouvelle résidence. Evidemment, cela le changeait des campements sommaires de la jungle indochinoïse, mais ces vieux meubles cossus, ces lourdes tentures sombres encadrant un grand crucifix blanc au-dessus du lit, cette gigantesque armoire, et cette cheminée aux chenets artistiquement travaillés lui rappelaient la demeure de ses parents. Désormais, il n’en restait plus que des ruines amoncelées sur les cendres de ceux qu'il avait aimés. La guerre était passée par là ! Il chassa de son esprit les sombres images qu'avait évoquées ce sobre ameublement, tout à la fois rustique et aristocratique, et ses yeux heurtèrent, sur une petite commode, un vieux cadre . poussiéreux. Deux jeunes enfants, un garçon et une fille, se donnant la main, souriant à l’opérateur. Il reconnut immédiatement son vieux camarade Germain, alors qu’il portait encore des culottes courtes, et il imagina tout de suite que la fillette n’était autre que Danielle. La ressemblance des deux enfants était d’ailleurs très curieuse, et les cheveux seuls semblaient permettre de faire une c'ifférence entre les deux visages. Jacques s’avança vers la lumière, tenant toujours le cadre, dont il essuya le verre avec la paume de sa main, et longtemps il resta à contempler la vieille photographie jaunie. Son regard fixait les traits de la petite fille ! En dépit de l’heure tardive, Danny n’était pas encore rentrée et tante Berthe commençait visiblement à s'inquiéter. Dès que l’horloge de la bibliothèque sonna huit heures, elle se leva, abandonnant sa lecture. Elle ordonna à la domestique d’aller prévenir le jeune lieutenant que le dîner était prêt et alla s'installer, le front soucieux, à la grande table où figuraient trois couverts. Lorsque Bertrand entra, elle capta le 1egard qu’il jeta autour de lui. Il était, à juste titre, un peu étonné de ne pas voir la jeune maîtresse de maison ; il ne dit rien cependant, se contentant de quelques banales remarques sur la beauté du paysage qu’il découvrait de sa fenêtre. Tante Berthe attaqua la première. — Je suis absolument confuse que ma nièce ne soit pas encore là! Il me semble qu’elle aurait pu... Mais elle n’acheva pas sa phrase, le galop d’un cheval se faisant entendre au dehors. Presque aussitôt, la lourde porte du château claquait brutalement. La voix de Danny résonna dans le hall, s’adressant à Marie-Louise, puis la jeune fille apparut dans l'encadrement de la porte, après un instant de silence. Elle s'était débarrassée de sa veste de velours et n’était plus vêtue que d’un tricot épais montant jusque sous le menton et lui moulant étroitement le buste; un foulard était noué autour de son cou; naturellement elle avait sa culotte de cheval et ses bottes. Bertrand s'était levé. Tante Berthe présenta les deux jeunes gens. Danny n'eut pas un sourire de bienvenue, elle tendit seulement la main, serra sans cha