Le Film (août 1951)

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24 Danny haussa les épaules à cette supposition, mais elle garda son silence farouche, le regard perdu dans le vague. Sans ajouter une parole, tante Berthe sortit de la chambre, abandonnant Dan1y à elle-même. Elle s'arrêta sur le seuil, comme s’attendant à être rappelée par sa nièce, puis devant son silence obstiné, elle referma la porte. En bas dans la salle, elle retrouva le jeune sous-lieutenant marchant de long en large. Il semblait soucieux, et il interrogea sans détour son hôtesse sur l’état de la jeune fille. Ils s’assirent tous deux et tante Berthe parla longuement avec toute la sage:se d’une vieille dame pleine d'expérience et de bon sens. CHAPITRE VI A conversation qu'avait eue Danny avec sa tante semblait tout de même avoir eu une heureuse influence sur l’atti tude de la jeune fille à l'égard du lieutenant. Depuis cette soirée, elle n'avait manqué aucun repas. Bien sûr, elle ne voulait pas avoir l’air de céder, et elle bavardaïit peu, s’efforçcant quelquefois, trop visiblement, de s'abstenir d’une appréciation alors que ca tante discutait philosophie ou art avec l’ancien officier. Elle n’en continuait pas moins ses randonnées équestres, partant de bonne heure le matin et ne revenant que le soir, après une courte apparition vers midi. e Jacques Bertrand analysait, sans en avoir l'air, l'étrange caractère de Danny, et les sentiments complexes qui animaient cette jeune fille capricieuse ; chaque matin à l’aube, il se levait et la regardait de sa fenêtre. Il pouvait la voir gagner les écuries et surveiller le harnachement de sa monture par le fils du jardinier. D’une main sûre, elle vérifiait une sangle et sautait lestement en selle, puis au petit trot gagnait la campagne où, bientôt, sa silhouette disparaissait dans les chemins creux. Un jour, alors qu’elle passait sous sa fenêtre, fièrement campée sur sa monture, Danny leva les yeux. Elle aperçut Bertrand qui la regardait. Il sourit aimablement en faisant un petit signe de la main. Danny fronça instinctivement les sourcils, semblant se hérisser toute, comme une chatte coléreuse ; elle enfonça ses éperons dans les flancs de son cheval et partit sans se retourner. Songeur, Bertrand arpenta sa chambre jusqu’au moment où il stoppa devant le petit cadre déniché le jour de son arri vée. [2 Lorsque Danny arriva, à midi, elle semblait plus nerveuse que d’habitude. Le malheureux Sultan se vit rabrouer, et lorsqu'elle entra dans la salle, allant embrasser sa tante, elle fit semblant de ne pas apercevoir Bertrand feuilletant une revue dans un fauteuil profond. Le jeune homme se leva et vint vers elle. — Je me permets de vous féliciter pour Ja facon brillante dont vous pratiquez l'équitation, lui dit-il. Danny sentit son coeur se contracter, puis bondir comme libéré, en battant une sarabande effrénée. Le compliment la flattait agréablement et elle se retourna vers le jeune homme, ébauchant un sourire. mais, comme un éclair, son esprit reprit le pas sur son impulsion. Voilà! il y arrivait enfin, ce grand dadais, aux galanteries, aux fadeurs ! Comme s’il y connaissait quelque chose aux chevaux et à la manière de «monter », de se ténir en selle! Lui qui passait ses journées plongé dans la lecture, enfermé dans sa chambre, cu allongé dans une chaïse longue sur la terrasse. Son ébauche de sourire se transforma en rictus amer. — Je sais que vous m’espionnez le matin, monsieur ; toutefois, croyez bien que vos félicitations ne me touchent absolument pas ! Le ton était assez cassant ; Jacques qui paraissait avoir adopté une certaine tactique eut un sourire quelque peu arrogant. — Certes, poursuivit-il, sans avoir voulu remarquer la réflexion de la châtelaine, « l'assiette >» est bonne, maïs vous tenez vos guides trop raides, les pieds sont un peu trop enfoncés dans les étriers, et il n'y a pas assez de souplesse pour le galop !.. Sans plus s'occuper de Danny, il lui tourna le dos, le plus impoliment qu'il put. Mais la jeune fille, devenue blême de rage, le rattrapa en trois enjambées, elle le prit par le bras et, se plaçant devant lui, au comble de la fureur : — Et de quel droit vous permettez-vous de critiquer la façon dont je pratique l’équitation ?. Elle prononça ce dernier mot précédemment employé par son interlocuteur sur un ton dédaigneux. Lui, un sourire un peu condescendant. — En ma qualité d’ancien instructeur de l'Ecole de cavalerie de Saumur !… Vous auriez besoin de quelques leçons ! Danny resta clouée sur place, de stupeur; elle ne trouva rien à rétorquer, laissant partir le jeune lieutenant qui gagna la terrasse où il alluma une cigarette. Tante Berthe n'avait rien dit jusqu’à présent, se contentant d'examiner curieusement les deux jeunes gens avec un mystérieux sourire ; elle se tourna vers sa nièce : — Avoue que la qualité de notre invité peut l’autoriser à te donner quelques conseils, et ses félicitations premières ne peuvent que te flatter…. — Tu le savais, toi, qu’il était autrefois officier de cavalerie? demanda Danny après un moment de silence. — Oui... et tu l’aurais appris aussi si tu bavardais un peu plus souvent avec lui. Il lui est même arrivé de me demander l’autorication d'emprunter une de tes montures.… — Il a pris un de mes chevaux sans mon autorisation ! s’exclama la jeune fille. — La mienne suffisait, il me semble, fit aigrement tante Berthe, et quant à la bête, elle n’avait rien à craindre avec un pareil cavalier. D'ailleurs, ses blesssures lui interdisent un exercice prolongé. mais ci tu le voyais sur son cheval, il est magnifique ! ajouta-t-elle malicieusement. Revenant à une autre idée, Danny après avoir fait quelques pas dans la pièce, revint se planter devant sa tante. — Sont-elles graves, ses blessures ? Le Film, Montréal, août 1951 — Elles furent très graves, et il échappa de justesse à la mort; maintenant elles sont presque cicatrisées, mais le moindre excès pourrait être dangereux pour lui. Tu t'intéresses donc brusquement à lui ? Danny ne répondit pas, regardant machinalement à travers la fenêtre la haute stature de Bertrand qui se découpait sur l'horizon. [] Le lendemain matin, le jeune homme s'était remis à sa fenêtre avec un sourire amusé. Il attendait le passage matinal de sa blonde hôtesse, comme à l’accoutumée. Celle-ci apparut, se dirigeant vers l’écurie ; elle ne leva pas la tête et s’occupa de sa monture comme si elle ignorait la présence de Bertrand. Il remarqua simplement qu’elle s'était coiffée très soigneusement et qu’elle avait revêtu une élégante vecte claire... Tante Berthe s'était aperçue, elle aussi, de cette coquetterie inattendue de sa nièce. Ses yeux eurent un éclair de malice, mais rien ne transpira de ses pensées ; toutefois, quelques jours après, lorsqu'elle aperçut Danny plongée dans la lecture d’un journal de mode qu’elle avait acheté, elle ne put retenir une exclamation de surprise : — Que fais-tu là ?.… La jeune fille sembla profondément vexée d’avoir été surprise dans cette lecture, qu’elle qualifiait autrefois de frivole, et c’est en répondant un peu sèchement qu’elle se retira dans sa chambre. — Tu le vois bien, je lisais. Elle n’alla pas cet après-midi-là, se livrer à sa promenade favorite, et lorsqu’elle descendit le soir dans la salle commune, elle avait revêtu une seyante robe iégère. Un peu rougissante, comme une petite fille timide, et malgré son air faussement assuré, elle était terriblement mal à l’aise. Elle entra sans bruit dans la vaste pièce et ni sa tante ni Bertrand ne l’entendirent. Ils étaient confortablement installés devant la porte-fenêtre largement cuverte sur la terrasse et bavardaient, goûtant la fraîcheur de la nuit tombante. Danny s’approcha à pas de loup et écouta. Le jeune homme racontait ses souvenirs de guerre et une note de regret. perçait dans sa voix. Il évoquait les combats auxquels il avait participé aux côtés de Germain, il parlait de la vie harassante dans là jungle, des traquenards des indigènes et de la nature. Sans cesse le nom de Germain revenait dans les épisodes héroïques de la vie des combattants d’Extrême-Orient, et la nostalgie de l’aventure qui se faisait jour à travers les propos de Bertrand trouvait son écho dans le coeur de Danny. La jeune fille remarqua cependant que le blessé ne parlait jamais de lui, ni des circonstances qui amenèrent ses blessures ; l’idée saugrenue qu’il n’avait pas été blessé au combat traversa son esprit. D’ailleurs, n’avait-elle pas remarqué qu’il n’arborait aucun ruban au revers de sa veste ! Personne ne s'était encore aperçu de la présence de la jeune fille, aussi décida-telle d'entrer brusquement dans la convercation et de marquer un point dans la joute qu’elle soutenait contre «l'invité de Germain », comme elle se plaisait à dire. Bertrand et tante Berthe, sursautèrent lorsque la voix de Danny vint littéralement