Le Film (juin 1958)

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pendant que la soubrette se retirait, des liñges sanglants entre les mains. La jeune femme s'était -avancée. Dans le lit bas, cette forme rigide, ce visage émacié que la mort avait effleuré et que creusait la souffrance, c'est à peine si elle les reconnaissaient. Le front était entouré d’un bandage. L'oreiller sur lequel reposait le blessé était taché de rouge. Suzanne renouvela sa question. Le docteur leva vers elle un visage inquiet. — Une balle tirée presque à bout portant. Par bonheur, la main tremblait, Le projectile s'est logé derrière l'oreille. Je viens de l’extraire. Ce qui est à redouter, c’est la commotion cérébrale, le choc, vous comprenez ? Mais qui êtes-vous, madame ? — Je suis sa femme, sa femme légi * time. Ici, il est chez son amie, com prenez-vous ? L'homme s’inclina. — Peut-on le faire transporter ? — Sans doute. C'est même nécessaire. J’attendais le retour de la personne qui m'avait téléphoné pour prendre cette décision. Voulez-vous que je demande une ambulance afin de le faire conduire à l'hôpital ? —À l'hôpital? Est-il imposible de lui donner chez lui, les soins dont il a besoin ? S — Non, pas impossible. La blessure, je vous l’ai dit, est peu grave, ce sont les suites. Il faudra des soins dévoués, des soins de tous les instants. — Je les lui donnerai, docteur. D’ailleurs, je vous demanderai de prendre cette guérison en mains, si toutefois cela vous est possible, j'habite rue de Sarte, = —Je vous remercie de votre confiance, madame, et j'accepte cette mission. Je suis certain que dans ces conditions, la guérison sera une question de jours. Le bruit des voix avait tiré le blessé de la torpeur qui l'anéantissait. Lentement, les paupières couleur de cendre Se soulevèrent. Un regard atone parcourut la pièce où régnait encore un tragique désordre. — Où suis-je ? demanda Maxime, Suzanne avait eu un brusque recul. Dissimulée derrière le lit, elle fit signe au docteur de répondre, mais l’écrivain ne lui en laissa pas le temps. — Ah! oui, je me souviens. Cette femme, cette femme qui m'a tant fait souffrir. Mon Diéu, pourquoi Suzanne n'est-elle pas venue ? Je voudrais lui dire, lui demander pardon. Ah! elle a été bien vengée. Mais je ne you . drais pas mourir sans qu’elle sache. — Ne parlez pas, vous allez faire monter la température, Tous les ridicules, même celui d'un suicide raté. Bien vengée, je vous dis. Ah! je comprends qu’elle me mé prise, qu’elle refuse cette dernière entrevue... Bravement la jeune femme s’avança en pleine lumière. — Maxime, je suis venue. — Tu es venue ma pauvre chérie. Comme je t'ai fait du mal. Je voudrais être mort et emporter ton pardon ton pardon. — Je te pardonne, Maxime. Si tu veux, je vais t'emmener chez nous. Te guérir. — Me guérir? Est-ce que je-vaux tant de peine ? Elle ne répondit pas. Se tournant vers le docteur elle arrêta avec lui les dispositions à prendre. Quand elle passa dans la pièce à côté afin de téléphoner, elle y retrouva la femme blonde qui était venue la prévenir. L'air cffaré d’une bête traquée, celleci s’accrocha à Suzanne. — Madame, je vous en prie, faitesle emmener -de chez moi. Ce coup de revolver, ce sang c’est déjà terrible, mais je ne peux le garder, je ne veux pas qu’il meure ici. Je payerai la clinique s'il le faut mais qu’il parte. j'ai si peur de la mort, et puis ma réputation d'artiste ! Suzanne toisait la misérable d’un air de souverain dédain. Pourtant la colère, tout à coup, la souleva. Elle prit la comédienne par le bras, la secoua tout en l’interrogeant. — C'est pour vous, cependant, pour l'amour de vous qu’il a voulu finir ? — Oh! détrompez-vous. Entre nous, l'amour était fini depuis longtemps. Ah! que de fois je lui ai proposé la rupture! Lui s'entêtait C'était une question d'orgueil, je crois. Il vous avait quittée pour moi. Il croyait que ça lui donnait des droits. Le droit de nous torturer tous les deux. Sans cesse, vous étiez entre nous. «Ma femme», toujours sa femme. Et quand il a tiré, après une scène stupide, c'est votre nom qu’il a prononcé. Il a voulu que j'aille vous chercher. Et vous voyez, je suis venue. S'il y avait éncore de l’amour entre nous, pensezvous que je lui gurais obéi? Ah! je suis bien punie de vous l'avoir enlevé! Affalée dans un fauteuil, son petit visage tordu par la fureur et par l’effroi, elle s'était remise à sangloter. Malgré elle, Suzanne examinait cette pièce meublée selon les exigences de la dernière mode. Aux murs, sur les petits meubles biscornus, des portraits, des esquisses, de nombreuses photographies reproduisaient les traits de la vedette, Monna Montini, ce nom fulgurait sur une grande affiche aux violentes couleurs. C'était donc pour cette créature su perficielle et, peut-être vénale — Je luxe dont elle était entourée ne pouvait provenir ni de ses engagements Le Film, Montréal, juin 1958 ni des subsides que Maxime partageait avec elle — qu’elle avait été si impitoyablement rejetée. Sans son courage, son énergie, vers quelles déchéances aurait-elle été entraînée, elle aussi, et c'était au moment où tout était clair et apaisé autour d'elle qu’elle se trouvait mêlée à ces tragiques événements qui allaient bouleverser son existence. Pourtant, devant le devoir qui s’imposait, pas une minute la jeune femme n'eut l'impression qu’elle se déroberait Avec un calme qui l’étonnait, elle-même, elle transmit à une clinique voisine les ordres du docteur, puis, froidement, elle abandonna à son égoïste chagrin la femme auprès de laquelle elle ne ressentait ni rancune ni jalousie. = Ensuite, les événements se succédèrent, si rapides et si absorbants qu’elle n'avait même plus le temps de penser. L'ambulance avait fait diligence. Une infirmière l’accompagnait qui devait, durant cette nuit que le docteur jugeait décisive, ne point quitter le blessé. Le trajet s’accomplit, lugubre. Su“zanne avait pris place auprès du brancard sur lequel gisait' l'écrivain presque inconscient. Parfois un gémissement montait à ses lèvres et ses mains esquissaient le geste de chercher une main qui ne se tendait pas vers lui. Alors elle retombait sur la couverture brune dont on avait enveloppé le blessé. Ce fut à ce moment que la femme prit réellement conscience du rôle qui lui était dévolu. Son mari, c'était son mari qui reposait là, confié à sa garde, si faible qu'il aurait suffi de bien peu de chose pour rompre le fragile lien qui le rattachait à la vie. Derrière la civière que deux hommes portaient, elle gravit l'escalier de sa.maison… de leur maison. L’appartement où elle vivait, depuis leur séparation, des heures de paisible solitude, semblait balayé par un vent de désastre. Ce ne fut qu'après le départ des infirmiers, celui du médecin qui, sur le seuil, eut pour la courageuse jeurie femme un regard qui voulait lui donner confiance et ne savait que la plaindre, que Suzanne, à bous de nerfs, put se laisser tomber dans un fauteuil. Dans la chambre qu’elle lui avait abandonnée, l'infirmière s’installait auprès de son malade. Alors de grosses larmes jaïllirent des yeux de l’amoureuse et un nom qu’elle n'aurait pas voulu prononcer monta à ses lèvres. 3 — Charles! Demain, l’homme qu’elle aimait pardessus tout au monde, l’attendrait f Lire lu suite page 32] td ll cr mumnreo-er 7? ” SU